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JEAN CALVIN

À NOYON


CalvinJean Calvin est né le 10 juillet 1509 à Noyon, où son père, Gérard Cauvin, était administrateur des biens du chapitre de la cathédrale.

D’abord Calvin alla à Paris pour acquérir le grade de maître ès arts. Puis, sans tenir compte de ses goûts, son père lui fit faire des études de droit : "Dès que j'étais jeune enfant, mon père m'avait destiné à la théologie. Mais peu après, d'autant qu'il considérait que la science des lois communément enrichit ceux qui la suivent, cette espérance lui fit incontinent changer d'avis. Ainsi cela fut cause qu'on me retira de l'étude de philosophie et que je fus mis à apprendre les lois; auxquelles combien que je m'efforçasse de m'employer fidèlement, pour obéir à mon père, Dieu toutefois par sa providence secrète me fit finalement tourner bride d'un autre côté." (préface au Commentaire des Psaumes, 1558).

C'est ainsi que, de 1528 à 1534, Calvin prépara son doctorat à l'Université d'Orléans. Il s'intégra au groupe de ses compatriotes picards qui y étaient assez nombreux pour former une «Nation»: en 1533, ses camarades le nommèrent même «substitut annuel du procureur» et, à ce titre, il eut à intervenir contre les habitants de Beaugency qui tardaient à s'acquitter de la «maille d'or» qu'ils devaient traditionnellement à la nation picarde.

Melchior Wolmar, à Orléans puis à Bourges, lui enseigna les premiers rudiments du grec et l'encouragea à poursuivre quelques travaux d'érudition. A cette époque, Calvin n'était, aux yeux de ses condisciples, qu'une jeune humaniste dont l'ambition était de devenir un autre Guillaume Budé. Pour cela il publia à ses frais une édition critique du De Clementia de Sénèque.

C'est sans doute ce qu'il avait vu à Noyon (pratiques simoniaques, culte des reliques, excommunication de son père) qui le dressa peu à peu contre l'Église. Et c'est l'esprit "humaniste" qu'il acquit à Orléans qui le poussa vers un examen critique des dogmes. Par exemple, il réfléchit sur le sort des âmes entre la mort du corps et le Jugement dernier et il écrivit sa Psychopannychia (dont la préface est datée d'Orléans). Puis il se demanda si l'Eucharistie n'était pas en contradiction avec le passage de l'Épître aux Hébreux où il est dit que le sacrifice du Christ a une efficacité définitive et ne doit donc pas être renouvelé. C'est cette remise en question de la messe, amplifiée par l'affaire dite des "Placards", qui suscita un scandale tel que Calvin jugea prudent de s'exiler.

Le dernier séjour de Calvin à Noyon date de l'été 1536. Accompagné de son frère cadet Antoine et de sa soeur Marie, il quitta alors définitivement la France pour Bâle, où il publia, cette année-là, son Institutio religionis christianae, signée Johanne Calvino noviodunensi autore : c’était la seconde et la dernière fois qu'il signait un ouvrage en mentionnant sa ville natale de Noyon.

En 1549, il accueillit à Genève quelques compatriotes, dont Laurent de Normandie, qui avait été lieutenant du roi à Noyon et maire de cette ville, et qui, converti aux idées des Réformés, s’était, lui aussi, exilé en Suisse. Jean Calvin écrivit dans sa dédicace qu'il lui fit de son Traité des scandales : «Depuis qu'ayant de bon gré abandonné le pays de votre naissance, vous êtes ici venu pour habiter comme étranger : vrai est que vous et moi pouvons rendre plus certains témoignages des assauts que Satan vous a dressés : quatre mois après votre partement, les nouvelles vinrent de la mort de votre père ; au bout de deux mois, voici une plaie encore plus fâcheuse, que votre femme vous est ôtée en la fleur de son âge.»

En effet, la même année 1549 étaient mortes l'épouse de Laurent de Normandie et Idelette de Bure, la femme de Calvin. Et celui-ci présenta leur mort comme une délivrance : «O que je suis heureuse d'être sortie de cette maudite captivité de Babylone, et que je vais être délivrée de ma dernière prison! Hélas, que serait-ce si j'étais maintenant à Noyon, où je n'oserais ouvrir la bouche pour confesser franchement ma foi : encore que les prêtres et moines dégorgeassent à l'entour de moi tous leurs blasphèmes…»


Les allusions de Jean Calvin à sa ville ou sa région natale sont rares. Dans la préface au Commentaire des Psaumes (1558), il se dit être «d'un naturel un peu sauvage et honteux» ; c’est pourquoi il se livre peu dans ses écrits, même dans des textes à caractère autobiographique. Ses lettres révèlent rarement sa sensibilité. En 1552, alors que la Picardie est dévastée par les troupes espagnoles, Jean Calvin écrit à des amis: «En attendant, ce que je n'aurais jamais cru possible, je vis, survivant à ma patrie. La ville où je suis né vient d'être totalement dévorée par un incendie, et chaque jour nous sommes réduits à apprendre les horribles malheurs de toute la Picardie. […] Parmi les ruines de ma ville, un étrange spectacle s'est offert : la maison de mon père restait intacte au milieu de toutes les autres incendiées» (et Calvin voit là un signe divin à l'intention de ses anciens compatriotes qui se montraient hostiles aux Réformés).

Dans ses dénonciations des «supersititions de la Papauté», Calvin se souvient de certaines pratiques auxquelles il avait assisté dans son enfance à Noyon.

Dans son Traité des reliques (1543), en plus de la mention d'un fragment de la couronne d'épines de la Passion appartenant à l'église paroissiale Saint-Martin de Noyon, il ajoute un souvenir personnel : «Il me souvient que j'ai baisé une partie du chef de sainte Anne en l'abbaye d'Ourscamp près Noyon, dont on fait grand festin.»

Il garde aussi en mémoires les fêtes organisées à Noyon lors de la Saint-Etienne et de la Saint-Michel : «Il me souvient de ce que j'ai vu faire aux marmousets de notre paroisse, étant petit enfant. Quand  la  fête  de  saint Étienne venait, on parait aussi de chapeaux et affiquets les images des tyrans qui le lapidaient (car ainsi les appelle-t-on en commun langage), comme la sienne. Les pauvres femmes, voyant les tyrans ainsi en ordre, les prenaient pour compagnons du saint, et chacun avait sa chandelle. Qui plus est cela se faisait bien au Diable saint Michel. Ainsi en est-il des reliques. Tout y est si brouillé et confus qu'on ne saurait adorer les os d'un martyr qu'on ne soit en danger d'adorer les os de quelque brigand ou larron, ou bien d'un âne, ou d'un chien, ou d'un cheval.»

Ce sont ces réflexions sur ce qu'il avait vu dans les églises picardes qui amenèrent Calvin à écrire son fameux Traité des reliques ou Advertissement très utile du grand proffit qui reviendroit à la chrestienté s'il se faisoit inventaire de tous les corps saincs et reliques (1543) :

"Il serait besoin d'avoir registres de toutes parts pour savoir quelles reliques on dit qu'il y a en chacun lieu afin d'en faire comparaison. Et lors on connaîtrait que chacun apôtre aurait plus de quatre corps, et chacun saint pour le moins deux ou trois. Je pensais que, puisqu'il n'y a si petite église cathédrale qui n'ait comme une fourmilière d'ossements et autres tels menus fatras, que serait-ce si on assemblait toute la multitude de deux ou trois mille évêchés, de plus de quarante mille couvents, de tant d'églises parochiales et de chapelles ? A Genève, on avait un bras de saint Antoine : quand il était enchâssé, on le baisait et adorait; quand on le mit en avant, on trouva que c'était le pénis d'un cerf. Les dernières reliques qui appartiennent à Jésus-Christ sont celles qu'on a eues depuis sa résurrection, comme un morceau du poisson rôti que lui présenta saint Pierre, quand il s'apparut à lui sur le bord de la mer. Il faut dire qu'il ait été bien épicé, ou qu'on y ait fait un merveilleux saupiquet, qu'il s'est pu garder si longtemps. Mais, sans risée, est-il à présumer que les apôtres aient fait une relique du poisson qu'ils avaient apprêté pour leur dîner ? Le principal serait bien d'abolir entre nous chrétiens cette supersitition païenne de canoniser les reliques, tant de Jésus-Christ que de ses saints, pour en faire des idoles. Cette façon de faire est une pollution et ordure, qu'on ne devrait nullement tolérer en l'Eglise."


Noyon muséeLe musée Calvin

La maison natale (présumée) de Calvin, connue par des photographies prises avant 1918, était devenue une dépendance de l'Hôtel de France, séparée de lui par une petite cour. Elle fut épargnée par les guerres de religion et les invasions. En 1918, elle fut, comme le reste de la ville, complètement détruite.

La Société de l'Histoire du Protestantisme Français racheta les ruines et restaura très fidèlement le bâtiment existant avant 1917 (partie basse de l'ensemble actuel). Afin d'en faire un musée, la partie haute fut ajoutée. L'inauguration eut lieu en 1930.

Endommagée par des bombardements en 1944, la maison a été restaurée en 1954 et ses installations modernisées en 1983.

On y voit, entre autres,
- Placard contre la messe, Neuchâtel, Pierre de Vingle imprimeur, 1534.
- Bible d’Olivétan, Neuchâtel, Pierre de Vingle imprimeur, 1535
- Institution de la Religion Chrétienne, Bâle, Thomas Platter et Balthasar Lazius imprimeurs, 1535.
- La mercuriale tenue aux Grands-Augustins à  Paris le 10 juin 1559, huile sur toile, Allemagne, fin du XVIe siècle.
- Le colloque de Poissy de 1561, huile sur toile de Tony Robert-Fleury, vers 1840.

   

 

Etienne PASQUIER

"Iean Caluin, natif de la ville de Noyon, fit ses premieres estudes dans Paris puis Orleans & de la prit son vol dans Geneue, où il bastit une nouuelle Religion. Car aussi estoit-il homme bien escriuant tant en Latin que François, & auquel nostre langue Françoise est grandement redeuable pour l'auoir enrichie d'vne infinité de beaux traicts : & à la mienne volonté que c'eust esté en meilleur suiet. Au demeurant homme merueilleusement prit à la bonne voye, il pouuoit estre mis au parangon des plus signalez Docteurs de l'Eglise. D'ailleurs au milieu de ses liures & de son estude, il estoit d'vne nature remuante le possible pour l'aduancement de sa secte. Nous vismes quelquesfois nos prisons regorger des pauuvres gens abusez, lesquels sans entrecesse il exhortoit, consoloit, confirmoit par lettres, & ne manquoit de messagers ausquels les portes estoient ouuvertes, nonobstant quelques diligences que les Geoliers apportassent au contraire. Voila les procedures qu'il tint du commencement, par lesquelles il gaigna pied à pied vne partie de nostre France. Tellement qu'apres longue traicte de temps voyant les cœurs de plusieurs personnes disposez à sa suitte, il voulut franchir le pas, & nous enuoyer des Ministres, qui furent par nous appelez Predicans, pour exercer sa Religion en cachette, voire dans nostre ville de Paris, ou les feux estoient allumez contre eux."   (Les Recherches de la France, 1665, p. 738)


BOSSUET

"Je ne sais si le génie de Calvin se seroit trouvé aussi propre à chauffer les esprits et à émouvoir les peuples, que fut celui de Luther ; mais après les mouvements excités, il s'éleva en beaucoup de pays, principalement en France, au-dessus de Luther même, et se fit le chef d'un parti qui ne cède guères à celui des Luthériens. Par son esprit pénétrant et par ses décisions hardies, il raffina sur tous ceux qui avoient voulu en ce siècle-là faire une Eglise nouvelle, et donna un nouveau tour à la réforme prétendue."


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