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ARISTIDE BRUANT, ENFANT DE COURTENAY (Loiret)


 

Aristide Bruant naît à Courtenay le 6 mai 1851. Le curé de Courtenay lui apprend le latin, le solfège et le plain-chant. A 12 ans, il entre au lycée de Sens où il fait de bonnes études classiques.

Ses parents, contraints d'aller vivre à Paris, connaissent la misère. Le jeune Aristide, d'abord saute-ruisseau chez un avoué, puis apprenti bijoutier, se fait engager, en 1895, à la Compagnie des Chemins de fer du Nord.

Tout en continuant à travailler au Chemin de fer, le soir il chante sur diverses scènes : son personnage, à cette époque, c’est le “gandin” (jaquette, gilet, pantalon bois de rose, haut de forme). Quand il est sûr de son succès, il démissionne des Chemins de fer et s’inscrit à la Société des Auteurs et compositeurs de musique.

Après des années d’errances nocturnes dans les bas-quartiers de Paris, il se livre à de véritables enquêtes sociologiques et linguistiques sur le milieu parisien, hantant les bouges, les beuglants, les bouchons, les assommoirs.

Son ascension comme chansonnier est irrésistible. Il passe à l’Epoque, à la Scala, au Concert de l’Horloge sur les Champs-Elysées… Un jour, abandonnant son personnage de dandy, il se compose la silhouette qu’immortalisera l’affiche de Toulouse-Lautrec : veste et pantalon de velours côtelé noir, grand sombrero, chemise rouge, botte et cache-nez jeté comme un flamme sur l’épaule.

Bientôt Bruant est introduit au cabaret du Chat Noir, que dirige Rodolphe de Salis boulevard Rochechouart. Il compose la fameuse chanson : "Je cherche fortune / Autour du Chat Noir / Au clair de la lune / A Montmartre le soir…".

Bruant Lautrec 1
Bruant-Lautrec 2
Deux affiches de Toulouse Lautrec (wiki)

En 1885, il reprend le Chat Noir à son compte, à l’enseigne du Mirliton. Pour cela, il s’endette. Le premier soir, il n’a que trois clients… et qui ne renouvellent même pas leur consommation. Outré, Bruant les engueule… et les bourgeois sont ravis. Il vient de trouver le “truc” qui attirera chez lui les snobs : houspiller systématiquement les bourgeois qui viennent s’encanailler dans son cabaret (“Ah c’te gueule, c’te gueule, c’te binette, ah c’te gueule, c’te binette qu’il a!”).

Pendant dix ans, Aristide Bruant arrondit son bas de laine. Il travaille au Mirliton et habite sur la butte Montmartre, 16 rue Cortot, une vieille maison entourée d’un grand parc avec chenil, poulailler, pigeonnier.

Bruant 1889

Bruant photographié vers 1889 (wiki)

En 1896, il se retire à Courtenay, gardant néanmoins une maison à Paris pour la mauvaise saison. Il achète une ferme avec 25 hectares de terres et bois, le moulin et le domaine de Liffert. Il a fermier, jardinier et garde-chasse. Il est membre du Comice agricole de l’arrondissement de Montargis. En 1912, il se fait construire, sur la hauteur, une maison au milieu des bois de Liffert. Il refuse durement que l'on vienne chasser sur ses terres ou que l'on emprunte le chemin du moulin.

En 1898, Bruant se présente à la députation à Belleville, sous l’étiquette “Républicain, socialiste et patriote". Il n’obtint que 525 voix ! C’est qu’on comprit mal que ce Bruant soit devenu propriétaire terrien et ait accumulé une petite fortune en chantant la misère des gueux et des sans-logis; qu’il ait écrit des chansons de révolté comme Biribi ou Les Canuts en étant chauvin, patriote, cocardier et antisémite; que ce propriétaire terrien ait chanté à Paris “la désespérance des sans-logis, des sans-feu et des sans-pain, victimes des lois mal faites et d’iniquités sociales”. Dès 1891, Jehan Rictus avait dit son fait à tous ceux qui, comme Hugo, Jean Richepin, Zola ou Bruant avaient gagné de l'argent sur le dos des miséreux ("J’ai idée qu’y s’a foutu d’nous"). En 1897, Adolphe Brisson dira la même chose dans un article du Temps commençant par cette phrase : "Le poète des gueux habite un château…".

Aristide Bruant mourut le 11 février 1925. Il est enterré à Subligny, à 20 km de Courtenay, près de Sens.


Bruant a publié un recueil de poèmes, Dans la rue (1889-1895); un recueil de chansons et monologues, Sur la route (1899). Il a écrit seize romans populaires ou patriotiques parmi lesquels Les bas-fonds de Paris (1897), L’Alsacienne, Serrez vos rangs, Fleurs de Montmartre, Aux Bat’ d’Af’. En 1901, il a publié un dictionnaire, L’Argot au XXe siècle.

En 1883, Bruant a eu d’une chanteuse, Marion, un fils, Aristide, qui fit ses études à Sens, entra en 1901 à Saint-Cyr, fut capitaine et fut tué en 1917. Il eut ensuite pour compagne Mathilde Tarquini d’Or, cantatrice à l’opéra comique; celle-ci avait un fils, Brutus Tarquini, qui vint en vacances à Courtenay.

Pendant sa semi-retraite à Courtenay, il avait refusé presque toutes les offres qui lui étaient faites de chanter à Paris ; il répondait : “Plus souvent que je quitterais mes chiens pour vos cabots. Mais venez donc à Liffert, vous qui n’avez jamais pris le temps de suivre, d’une oreille de dilettante, les vocalises des oiseaux.” Il chanta toutefois en 1904 au Théâtre Royal et en 1905 au Little Palace. Puis, du 21 novembre au 4 décembre 1924 (il a 73 ans), il donna plusieurs tours de chant à l’Empire, rue de Wagram, reprenant A Batignoles, Biribi, Les Joyeux, En Avant, A Ménilmontant, etc. Ce fut un triomphe.

Francis Carco — "Ebahi par les projecteurs, blême, tout roidi, presque gauche — car on sentait que ce plateau, trop vaste, ne lui convenait guère — il jeta sa première chanson, comme un défi. Cet homme botté, tirant la jambe et pas cabotin pour un sou, c'était donc lui, Bruant dont on fredonnait autrefois les refrains, et dont la gloire avait couru le monde ! Parfaitement, c'était lui, en personne. Il tenait le coup après plus de trente ans. Son répertoire avait le même accent. Il portait. Il gardait toute sa verdeur, sa gouaille sinistre et pathétique, sa poésie, son enthousiasme. Il produisait un grand effet et agissait enfin de façon si directe sur le public que, des galeries, hommes et femmes, se rappelant les airs qu'on leur jouait, reprenaient avec le "grand-père” : C'est nous les joyeux / Les petits joyeux / Les petits marlous qui n'ont pas froid aux chasses… Ce retour de Bruant à Paris qui n'avait jamais cessé de l'aimer, de le réclamer, cette apothéose du poète-chansonnier devaient avoir un prolongement dans les publications vouées à la pure littérature. Après les chroniques, les articles, réponses immédiates de la parole à la sensation, des vies d'Aristide Bruant allaient remplir les pages des périodiques. Déjà deux érudits, Léon Deffous et Pierre Dufay, terminent pour le Mercure de France les études les plus précises qui auraient été écrites sur l'homme et son œuvre. Le temps de mettre au point leur manuscrit, le temps d'attendre chez l'imprimeur… et ce ne sera plus à un vivant qu'ils auront la joie de rendre hommage."

Sacha Guitry — "On se doute bien qu'il est âgé, mais la surprise est agréable quand il entre, car il est beau. Il avait autrefois un profil de médaille, et il l'a toujours. Il porte son costume célèbre de velours noir, sa chemise rouge et ses petites bottes, et comme ce vêtement n'a jamais été à la mode, il n'est pas démodé. Il s'avance sans fierté, sans fausse modestie, sans avoir pris aucune attitude préalable, ému tout simplement, et son émotion qu'il ne dissimule pas plus qu'il ne la montre, se voit et s'admet du même coup. On l'applaudit. et cela le touche. Il prend sa respiration, et il annonce : A Batignolles et le silence de la salle est impressionnant. Chaque spectateur semble étonné du respect qu'il éprouve. Quand il est entré, la personne [Yvonne Printemps] à qui j'avais dit cent fois : “Quel dommage, Mon Dieu ! que tu n'aies jamais entendu Bruant !”, cette personne m'avait dit : "Oh ! qu'il est bien! Quelle leçon !” A la fin de la première chanson, il m'a été impossible de recueillir l'opinion de la personne en question tant elle applaudissait.  Il en fut de même à chaque chanson, triomphalement accueillie par toute la salle. Mais, après Biribi, je pensais qu'elle allait enfin me dire quelque chose, et je me penchais vers elle : elle avait les larmes aux yeux, et je n'en demandais pas davantage." (Candide)


ARISTIDE BRUANT AUX CHAMPS
Article d’Adolphe Brisson
(Le Temps, 1897)

Le poète des gueux habite un château, et ce château n'est pas un château vulgaire. Il s'élève à Courtenay, tout à côté d'une tour qui appartient à la reine Blanche. C'est donc une demeure quasi royale; Monsieur Aristide Bruant y fait bonne figure. A cela près qu'il a remplacé le palefroi par la bicyclette, il y mène le train d'un seigneur moyennageux. Il chasse, il pêche, il a une meute de 10 chiens fidèles et bien dressés. Ses vassaux sont représentés par un garde, le père Rata, un jardinier, le père Bajou, un fermier, trois vaches, une centaine de lapins et une nombreuse domesticité. Il règne sur tout ce petit monde et nul ne s'aviserait de braver son autorité.

Hier au cours d'une promenade, je sonnai à la grille du Castel; on m'introduisit dans l'oratoire, je veux dire dans le cabinet de travail de sire Bruant. Je le trouvai en train de nettoyer son fusil, occupation noble et digne d'un gentilhomme. Il portait les grosses bottes, la chemise rouge, le feutre, le gilet breton qu'a popularisés le crayon de Toulouse-Lautrec. C'était toujours notre Bruant, le Bruant de la Butte, avec sa tête de chouan, sa joue bleue, sa lèvre rosée, ses cheveux noirs rejetés en arrière, son œil énergique et goguenard, sa voix puissante, à l'accent faubourien. Pourtant il y avait dans sa physionomie un air d'allégresse que je ne lui connaissais point.

Il ne me laissa pas le loisir d'ouvrir la bouche, il m'entraîna vers une fenêtre, d'où l'on dominait la campagne environnante; et, enveloppant d'un beau geste la vallée ombreuse, le rideau de peupliers qui frissonnaient à la brise, me désignant au loin les coteaux plantés de vignes et les routes poudroyant sous le soleil, il s'écria :  “On respire ici ! ce n'est pas comme à Montmartre ! je suis rudement content d'être sorti de ce cloaque !” Cloaque est dur… Eh quoi ! Bruant renie Montmartre, sa patrie, le piédestal de sa gloire ! Je m'imaginais, avec tout le monde, que Montmartre et Bruant étaient unis l'un à l'autre par les liens d'une indissoluble reconnaissance. Fiez-vous donc aux légendes !  Comme je me refusais à concevoir une si monstrueuse ingratitude, et que j'émettais un doute timide sur la sincérité de cette aversion, un strident éclat de rire m'interrompit :  “Ah ! non, j'en ai assez ! Pendant huit ans, j'ai passé mes nuits dans les bocks et la fumée, j'ai hurlé mes chansons devant un tas d'idiots qui n'y comprenaient goutte et qui venaient par désœuvrement et par snobisme se faire insulter au Mirliton. Je leur en ai donné pour leur argent, je les ai traités comme on ne traite pas les voyous des rues. Et ils se figuraient que mes injures n'étaient qu'une comédie. Triples crétins… Ils s'en amusaient ! ils en riaient ! Je me tenais à quatre pour ne pas leur casser la margoulette.. Maintenant n, i, ni, je les ai vus suffisamment. Il m'ont enrichi, je les méprise… Nous sommes quittes !”

L'impétueux Bruant me pousse à travers les pièces de son logis, qui sont luxueusement meublées de bahuts, de vieux fauteuils, de bibelots, décorées de dessins de Steinlein et d'une multitude de photographies. Il me raconte qu'il a acheté 25 hectares de bois, 30 hectares de prairies, un bras de rivière, une île, un moulin, et qu'il a déjà refusé d'être nommé conseiller municipal de Courtenay, voulant à tout prix garder son indépendance. . .  Puis il siffle sa chienne Ravaude, saisit son fusil, ouvre la porte, et me demande très sérieusement :  “Deux heures de marche ne vous effrayent pas ? Allons faire le tour du propriétaire !” Ce tour est considérable. Monsieur Bruant est un autre marquis de Carabas. Toute la commune lui appartient. “Cette garenne est à moi ! Ce bouquet d'arbres est à moi ! Ce monticule est à moi”.

Et le chansonnier exige que son bien soit à l'abri des invasions. Il l'a entouré de grilles; malheur à qui se permettrait de les franchir ! Des pièges à loup sont tendus aux maraudeurs. Ses routes (car il a des routes) sont barrées par d'énormes poutres. Il a plaidé contre la commune qui lui contestait le droit d'entraver de la sorte la circulation, et il a gagné son procès. Et il est aussi orgueilleux de cette victoire que put l'être Napoléon le soir d'Austerlitz. Il veille avec son fermier Bajou, avec son garde Rata, à relever les contraventions. Voilà de quoi l'occuper. Mais les journées d'été sont longues. Et quand on a rimé fut-ce dans la langue verte, on est tourmenté de temps à autre par le besoin de mettre “du noir sur du blanc”. Monsieur Aristide Bruant n'a pas rompu tout commerce avec sa muse. Il compose des romances en l'honneur de Monsieur Félix Faure (c'est l’ président qui mont' à ch'val !).  Oui, ce vieux révolté, l'Homère de Belleville, chante les louanges du gouvernement ! Quantum mutatus !

Et il se divertit aussi à rédiger un dictionnaire d'argot. L'argot est resté cher à son cœur. C'est de tous les cultes passés, le seul qu'il ait conservé…  Sur ce chapitre, il ne tarit pas, et son entretien est fort instructif. Arpentant à larges enjambées une allée interminable, l’allée centrale de son bois, il se livre à de savantes considérations grammaticales (ici Aristide Bruant explique la genèse de l'argot des faubourgs parisiens). Pourtant les beautés de la langue verte pâlissent à côté de celles de la nature, Monsieur Bruant donnerait tous les becs de gaz de Grenelle pour un de ces vers luisants de Courtenay et pour les saines, les réconfortantes odeurs qui montent de l'herbe mouillée. Il les aspire, elles le grisent. Il s'arrête, appuyé sur son fusil, comme Bas de Cuir : “Hein; sentez-vous l'humidité des feuilles ? Ça embaume !” Mais, soudain, Monsieur Bruant frémit. Il vient d'apercevoir un de ses pieux arraché, une partie de sa clôture forcée… Il appelle d'une voix terrible : “Bajou !” Bajou apparaît, un peu tremblant. “Je défends à qui que ce soit d'envahir mon clos. Si on cherche à passer, tirez dessus !”  

Ce chansonnier est barbare. Il malmène bien durement les pauvres diables, dont il a narré jadis les souffrances avec une si merveilleuse émotion. Il est revenu de ses illusions; il a changé d'état d'âme. Il m'explique que les malheurs du populo proviennent du développement excessif de l'instruction “on leur a enlevé la foi, on ne leur a rien donné en échange”. Et je crois écouter un bourgeois ventripotent, disserter après boire sur les affaires publiques… Il ajoute pour conclure “J'en ai soupé du bon peuple ! Je prétends être le maître chez moi !”

Nous avons parcouru plus d'une lieue dans les terres labourées et nous sommes toujours sur le domaine de Monsieur Bruant, et nous n'en avons vu qu'une parcelle. Nous descendons jusqu'aux bords de la Cléry, petite rivière aux eaux lentes, abondantes en roseaux. Un bruit de cascade, un toit délabré. Nous sommes au moulin. Les maçons y travaillent; ils transforment cette ruine en élégante habitation. Au premier étage Monsieur Bruant installera son musée, ses portraits, ses souvenirs; il disposera dans un coin une scène de théâtre (là Aristide Bruant évoque quelques souvenirs du Mirliton). C'est le retour… Nous avons suivi la Cléry, traversé le pré de la Belle-Etoile, franchi les futaies du bois de la Cave, coupé le carrefour du veneur, Monsieur Bruant me montre un lopin riant et vert arrosé par le ruisselet : “Ce morceau de terre appartenait à mon aïeul, il y a juste un siècle. Je viens de le racheter…”

Une intime fierté vibre en ce discours. Monsieur Bruant est ravi d'être rentré au pays “qui fut son berceau” et d'y être rentré en triomphateur. Il resta vingt années sans y mettre le pied. Cette période fut pénible. Monsieur Bruant connut le pire dénuement; il occupait un méchant emploi dans une compagnie de chemin de fer; il touchait moins qu'un ouvrier et devait être vêtu en bourgeois. Quelle “dèche”, mon empereur ! Il recousait ses chaussures et trempait dans l'encre les reprises de sa redingote d'alpaga. Il courait, en société de Steinlein, les bas-fonds de Paris; ils se saturaient d'impressions qu'ils devaient traduire, plus tard, avec une égale force, l'un par le crayon, l'autre par la plume.

“Du temps où j'étais gamin, où je dénichais des merles aux environs de Courtenay, mon rêve était d'avoir un arbre à moi. Je ne croyais pas être si largement exaucé. Regardez-moi ce chêne ! Est-ce beau ? Est-ce vigoureux ? C'est le chêne de Saint-Louis !” Il lève la tête et contemple avec amour, ce géant de sa forêt. Et il ajoute d'un ton bonhomme : “On me prend pour un malin. La vérité c'est que tout m'a réussi. Je remplaçais Rodolphe Salis au Mirliton. Et j'ai eu l'idée de prendre le contrepied de ce qu'il disait ou faisait. Il saluait ses clients du titre de “Monseigneur”, je les appelai “Crapules”; il affectait la tenue d'un général en civil, je m'habillai en “gouape”. Je ne me monte pas le cou sur mon mérite. Il y en a d'aussi forts que moi qui sont morts à l'hôpital. J'ai eu de la chance. J'ai raison d'en profiter. Pas vrai?… Tenez ! Je vais vous présenter mon garde, le père Rata”.

Le père Rata, un vieux finaud, qui ne doit jamais dire que le quart de ce qu'il pense, raconte à Monsieur Bruant l'histoire d'un lièvre qu'il a aperçu, tout à l'heure près du moulin… l’aventure est compliquée, elle se déroule avec une sage lenteur. “Vous saurez donc Monsieur Bruant que ce diab' de lièvre…” Monsieur Bruant endure ce discours sans ennui, ce lièvre, après tout, ne le laisse pas indifférent : c'est son lièvre, puisqu'il s'est aventuré sur ses terres. Et le père Rata continue à pérorer. Et Monsieur Bruant prête l'oreille. Je sens que le père Rata est plein de considération et d'admiration pour le Monsieur Aristide qui est revenu si riche au village, après l'avoir quitté si miséreux. Et je comprends aussi que Monsieur Bruant jouisse mieux ici de sa fortune qu'il n'en pourrait jouir partout ailleurs. Son existence ne se compose que de délices. Il est célèbre; il a toujours 25 louis, en cas de besoin dans le gosier; il est propriétaire, son ventre pousse… j'ai donc vu un homme heureux.


BRUANT PAR LUI-MÊME
préface au recueil Dans la rue

Si tu n'oses pas frapper, fous un coup de pied dans la porte. A. B.

Il était une fois un petit gars, né dans une petite ville du Gâtinais, au bord d'une jolie rivière qui, après avoir arrosé les prairies d'alentour, s'en allait paresseusement en chantonnant tout le long de sa course. Dès qu'il avait pu trotter, courir et gambader, il s'était mis à explorer les champs, les bois et la vallée. Du printemps à l'automne, il battait la plaine, fouillait les taillis et les buissons, humait avec délices l'odeur âcre et pénétrante des mille fleurettes épanouies autour de lui, galopait des après-midi entières et s'arrêtait seulement le soir lorsque la cloche tintait, en les espaçant, les trois premiers coups de l'Angélus. Alors, tandis que les rayons du soleil illuminaient le faîte des grands peupliers, et que tout s'endormait au bord de la jolie rivière dont l'éternel cantique berçait sa jeune imagination, le petit gars restait là… ébloui, grisé par les senteurs de cette flore agreste qu'il lui semblait avoir respirées depuis toujours… Et de sa petite âme montait un hymne de joie naïve et de gratitude infinie.

Devenu plus grand, le petit gars fut envoyé à l'école. Grâce à ses aptitudes spéciales, on l'admit au cours de solfège que M. le Curé de la paroisse, mélomane impénitent, y avait fondé avec l'assentiment de l'instituteur. Tous les ans, vers juillet, les élèves de ce cours apprenaient une cantate qu'au jour de la “distribution solennelle des prix” ils entonnaient triomphalement, devant les familles enthousiasmées. Or, cette année-là, le succès fut encore plus vif, grâce à la voix juste et déjà timbrée du petit gars qui, de plus, remporta le premier prix de musique vocale. Aussi, ravi, M. le Curé voulut-il bien, sur la demande des parents, lui enseigner les premières notions du latin. Outre le cours de solfège qu'il dirigeait à l'école, le vieux mélomane faisait répéter au presbytère les morceaux liturgiques de l'année, suivant l'Ordo du diocèse. A l'harmonium il accompagnait lui-même sa “maîtrise” : deux chantres trapus, tourne-gueule discordants, flanqués d'un long dadais d'enfant de chœur hydrocéphale. Heureux d'encourager les dispositions de son élève, M. le Curé, deux fois par semaine, après la leçon de latin, le conduisait à la “salle de répétition” pour l'initier aux mystères du plain-chant et de la musique sacrée.  Par la suite, ce fut une grande satisfaction que d'entendre, à la messe et aux vêpres du dimanche, le petit gars, attaquant les répons, entraîner et maintenir, de sa voix déjà solide de baryton, le troupeau bêlant de fidèles que, depuis de longues années, on n'avait jamais réussi à faire chanter en mesure.

En sortant du presbytère, le petit gars entrait souvent dans l'ancien cimetière, attiré par la solitude accueillante où dormaient ses ancêtres. Accoudé au mur à demi écroulé et recouvert de mousse, les yeux fixés sur le vieux clocher percé de baies romanes, pensif, ému, l'enfant s'absorbait dans une profonde rêverie et, quand les cloches se réveillaient, égrenant par la vallée leurs sonorités joyeuses ou funèbres, il tressaillait comme au sortir d'un songe… Ces cloches !… Elles étaient pour lui de très vieilles amies. Il avait l'impression de les entendre depuis toujours… L'esprit troublé, il rentrait chez ses parents, poursuivi par les voix du vieux clocher. Et, tout en marchant, il fredonnait :  Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry… Ce refrain, ce très vieux refrain chanté par ses pères et répété par les vibrations du bronze à travers les siècles, il ne pouvait aussi se rappeler ni où, ni comment il l'avait appris !

Grâce à de bonnes leçons, le petit gars put entrer en sixième au lycée alors “impérial” de Sens. Il y tint honorablement sa place, mais, s'il avait d'excellentes notes en compositions françaises, latines et grecques, il était complètement réfractaire au calcul, si bien qu'en cinquième le professeur de mathématiques jurait ses grands dieux que personne ne ferait rien d'un pareil cancre.  Fort heureusement, l'année suivante, le petit gars eut pour maître un vieux poète entiché de littérature. Le brave homme s'intéressa particulièrement à cet élève qu'il sentait doué pour les humanités et, tout en lui faisant scander les dactyles et les spondées de l'Enéide, il corrigeait volontiers les alexandrins que le jeune “potache” s'essayait à écrire, lui expliquant les exigences et les beautés de la rime et s'appliquant à développer en lui le sens du rythme et de la cadence.  Aussi quel souvenir attendri le petit garde-t-il à son vieux professeur de quatrième, rimeur sincère et convaincu, pêcheur de lune famélique, vivant de rêves et de chimères, supportant les plus dures privations pour nourrir les siens avec un salaire de famine, acceptant tous les sacrifices et faisant sa classe en robe d'agrégé pour cacher aux élèves sa redingote élimée et son héroïque misère !

Mais un jour, le petit gars dut quitter le lycée. Ce fut un crève-cœur pour lui que d'abandonner l'étude des classiques et de ne plus traduire Virgile où il retrouvait parfois ses visions d'automne, lorsque, tout gamin, sous les rameaux d'un hêtre, il s'attardait à contempler les horizons lumineux de son pays natal.

Envoyé à Paris pour y gagner sa vie, au temps où les appointements d'un troisième clerc d'avoué s'élevaient à 75 francs par mois, 1e salaire d'un ouvrier à 35 ou 40 francs par semaine, et la paie d'un employé de chemin de fer à 3 francs 25 centimes par jour, le petit gars connut le tarif de la crèmerie, de la gargote et du “bistrot” où fréquentaient la plèbe et la gouape des faubourgs. Dans ce milieu, le nouvel “implanté”, jusqu'alors très réservé et d'un naturel excessivement timide, se trouvait dépaysé et fort mal à l'aise.

D'abord choqué par la trivialité du langage usité en ces endroits peu select, il ne tarda pas à en remarquer la saveur émaillée d'expressions imprévues, de locutions imagées dont il reconnaissait l'humour, la puissance et quelquefois la poésie. De même qu'il avait été séduit par l'élégance des langues mortes, de même il fut attiré par l'originalité de ce “jargon” prime-sautier, coloré, vivant, brutal, cynique, mais riche en métaphores pittoresques, en néologismes hardis et en harmonies imitatives. Spontanément, il se mit à “potasser” l'argot, ayant cette fois pour professeurs les ambulants de la rue rencontrés au cours de longues randonnées qu'il aimait à faire sur les boulevards extérieurs. Il s'y promenait surtout la nuit, quand brillaient les interminables rangées de becs de gaz, lueurs sinistres à la clarté desquelles “truquait” le monde des filles, des pègres et des escarpes. De ce qu'il s'exprimait comme eux, tous le prenaient pour un “de la tierce” et l'accueillaient d'autant plus volontiers que, très galamment ou très aimablement, il ne manquait jamais de leur offrir un verre de “cric” chez le mastroquet proche où ces messieurs du surin ou ces dames de la retape tiennent habituellement leurs assises. Pendant plusieurs années il poursuivit — si l'on peut dire — ses classes de “largonji” , écrivant en guise de devoirs quelques monologues argotiques sur les scènes de la vie parisienne, toujours à la recherche de vocables aux étymologies bizarres, trouvailles précieuses destinées à “situer” les couplets et les refrains qu'il composait en marchant dans la rue. Avec succès, il les récitait le soir au public des goguettes et des petits concerts d'amateurs.

Encouragé par les vieux habitués de ces établissements populaires, chansonniers eux-mêmes et qui étaient heureux d'applaudir un jeune confrère, il embrassa délibérément la carrière artistique. Bientôt on l'entendit aux cafés-concerts des boulevards et des Champs-Elysées. Jusqu'alors il n'avait osé s'y présenter, retenu par une timidité que, malgré tous ses efforts, il ne parvenait à vaincre.

Mais le temps était arrivé pour le petit gars de faire son service militaire. Incorporé au 113e de ligne, il fut dirigé, au printemps, avec les conscrits de sa classe, sur la garnison de Melun où il s'habitua vite à sa nouvelle existence. Dès la première semaine, il avait composé la Marche du 113e et la chantait au milieu de son escouade, en allant à l'exercice dans le “Pré Chamblin”. Le “colon” l'ayant entendu le fit appeler; il l'exempta de corvées et l'envoya dans les chambrées, avec l'ordre d'apprendre le refrain entraînant aux troupiers de toutes les compagnies. A l'automne le jeune soldat eut la joie de partir pour son pays natal où le 113e devait faire les grandes manœuvres. Quand, dans la brume du jour naissant, il entendit la vieille route de France résonner sous le pas cadencé des hommes qui chantaient V'là l’Cent treizièm’ qui passe… un sursaut d'orgueil le redressa. Il était fier, le petit gars, de “compter” comme “animateur” dans cette phalange qui a pour mission la garde du drapeau et la défense de la patrie ! Pendant les quinze jours que durèrent les manœuvres, le régiment traversa une grande partie du Gâtinais, puis cantonna à Château-Landon où fut passée la revue finale. Ce jour-là, après le défilé, le 113e avait fait la pause au milieu d'une plaine de chaumes. Soudain les baïonnettes en faisceaux étincelèrent au soleil de septembre. Sur le drapeau déployé au centre des bataillons, la devise “Honneur et Patrie” et le nom des principales victoires remportées par le régiment flamboyèrent dans une auréole de lumière et de gloire. De toutes parts s'approchèrent les jeunes recrues impatientes de voir de plus près le glorieux étendard que le colonel leur avait présenté dans la cour de la caserne, avant le départ pour les manœuvres. Arrivé devant l'emblème sacré, le petit gars le contempla en silence. Tout à coup, ses yeux s’emplirent de larmes, une émotion violente l’étreignit à la gorge; dans le chatoiement des trois couleurs, il apercevait la petite ville, le vieux clocher et la jolie rivière qui s'en va en chantonnant tout le long de sa course !

Son service militaire terminé, le jeune chansonnier revint à Paris. Le petit gars du Gâtinais était devenu citadin. Il aimait l'agitation, le mouvement, la vie intense des grands boulevards, le grondement continu, les cris et les mille bruits de la rue et des faubourgs. Tout de suite il avait repris ses longues pérégrinations nocturnes dans les quartiers excentriques, les “fortifs” et les banlieues : "Faisant le tour de Paris / De Montmartre à Montsouris". Maintenant qu'il possédait à fond le langage des miséreux et des malandrins, il entreprit, sans but bien déterminé, de noter, d'étudier et d'approfondir les mœurs et l'état d'âme des errants de la nuit : vagabonds grelotteux se chauffant aux braseros des chantiers, sous l'œil soupçonneux du gardien; tristes pierreuses battant leur quart au coin des impasses; rôdeurs sinistres embusqués dans l'encoignure des portes cochères; tous comparses plus ou moins dangereux du lamentable troupeau qui naît, pullule, grouille et crève dans les taudis malsains, les bouges sordides, les ruelles noires et les cités maudites. Profondément ému devant l'effroyable détresse de ces déshérités condamnés par leur naissance à la misère, à l'abjection et souvent à l'infamie, il voulut plaider leur cause en clamant à la face des riches, des jouisseurs insouciants, des satisfaits et des repus, la désespérance des sans-logis, des sans-feu et des sans-pain, victimes de lois mal faites et d'iniquités sociales.

Ce fut à Montmartre, dans l'ancien “logis” du Chat Noir, que le petit gars installa son cabaret. A travers une profusion de bibelots hétéroclites, il suspendit aux murs des toiles de Bail, de Desboutins, de Faverot, de B. Masson, un bas-relief de Gueyton, son portrait par Yrondy, des croquis de Steinlen et des tableaux de Toulouse-Lautrec. Puis, avec l'audace provocante et l'aplomb brutal du timide qui se “rebiffe” et se bute, de sa voix mordante et persuasive, il cria la plainte des bas-fonds, des geôles et des pénitenciers, implorant justice en faveur des insoumis et des révoltés, revendiquant droit de cité pour les malheureux abandonnés, reniés dès l’enfance par une société marâtre qui pourrait les sauver si elle voulait les reconnaître. Ces accents “sincères jusqu'au cynisme, mais empreints de tendresse et de douce pitié”, on ne les avait pas entendus depuis Villon dont ils venaient “en ligne directe et légitime”. Le peuple des faubourgs les avait compris et acclamés d'instinct; Paris, le Tout-Paris les écouta surpris et bientôt se donna rendez-vous dans la salle enfumée du boulevard Rochechouart devenue trop étroite pour contenir le flot envahisseur.

Les “sapins cahin-cahotant”, les coupés de cercle, les équipages de maître déversèrent leurs “chargements” devant la porte du Mirliton : étudiants et “serveuses en riolle”, fêtards en “vadrouille” accompagnés de jolies filles, beaux messieurs guindés, cavaliers de belles madames un peu effarouchées, qu'au milieu des clameurs et au hasard des arrivées, le garçon Maxime poussait, tassait et attablait pêle-mêle avec les rapins du quartier, les rimeurs de la Butte et les danseuses du quadrille naturaliste. De dix heures du soir à deux heures du matin, le petit gars déclamait les strophes pitoyables ou claironnait les refrains vengeurs que “d'autorité” il faisait reprendre en choeur par toute l'assistance. Entre-temps, il accueillait l'armée, trinquait avec l'Académie, malmenait les mufles, qualifiait les imbéciles, apostrophait les puissants du jour, traitait les grands-ducs de cosaques et tutoyait les rois… Quinze ans plus tard, au cours d'une visite qu'il fit au musée Carnavalet, Edouard VII, se souvenant des soirées du prince de Galles, demandait à l'érudit conservateur Georges Cain : “Et Bruant, que devient-il ?”

Aujourd'hui, le petit gars est retourné dans la petite ville où il médite au bord de la jolie rivière. Souvent, à la Noël, pendant la messe de minuit, écoutant les rythmes et les accords du plain-chant qui ont bercé sa prime jeunesse et dont il s'est souvenu pour exprimer les tristesses et la résignation des damnés de l'enfer parisien, il se promène autour de la vieille église sur l'emplacement de l'ancien cimetière désaffecté, entre les grands arbres dont les racines puisent la force et la vitalité dans la terre sacrée qui recouvre les ossements de ses ancêtres. Ses ancêtres !… Et la pensée du petit gars devenu vieux se reporte vers un autre cimetière où son fils — officier d'élite qui a fait preuve, en toutes circonstances, des plus belles qualités de bravoure, de sang-froid et de conscience — repose à l’ombre du Drapeau. Dans le chatoiement des trois couleurs, le jeune officier avait vu, lui aussi, la petite ville, le vieux clocher et la jolie rivière qui s'en va en chantonnant tout le long de sa course !

Aristide Bruant,  Courtenay, 1924


L'ANCIEN CHÂTEAU DE COURTENAY

A la maison baroniale de Courtenay qui comprenait Milon, Guillaume et Renaud de Courtenay, succéda la maison "royale", lorsque Pierre de France, sixième fils de Louis le Gros, épousa Elisabeth de Courtenay. Mais son père, n'ayant pas de fils, exigea que Pierre de France prenne le nom et les armes de Courtenay. Ainsi, par ce mariage, le nom de Courtenay devenait celui d'une branche de la maison royale. Cette famille devait s'élever encore lorsque leur fils Pierre II devint, en 1217, empereur de Constantinople. Mais les Courtenay n'eurent guère de pouvoir en Orient et l'empire latin, qui avait été fondé en 1204, s'écroulait en 1261 avec Beaudoin de Courtenay qui avait perdu toute sa fortune. La terre de Courtenay passa ensuite entre les mains des Chabannes et des Boulainvilliers (1485 à 1631), puis, par alliance, fut en possession de la famille des Rambures qui la conserva jusqu'en 1710. La dernière comtesse de Courtenay fut Mme de Ligny qui, à partir de 1770, ordonna la destruction de la vieille forteresse, avant d'émigrer en 1790.

Courtanay château Ch. pensee

Château de Courtenay, par Charles Pensée

"La ville de Courtenay possède de belles promenades dans sa partie la plus élevée et, si elle n'était pas pour ainsi dire étouffée par une halle monstrueuse, qui couvre la moitié de la place publique, elle serait incontestablement la plus jolie de nos villes cantonales. Elle était, sous le régime féodal, le siège d'une maison princière qui descendait des rois de Hongrie et qui s'allia à la famille régnant sur la France par le mariage d'une héritière de Courtenay avec un fils de Louis-le-Gros, qui prit le nom de Pierre de Courtenay. Un grand nombre de personnages illustres sont sortis de cette maison. Elle donna quatre empereurs et une impératrice à Constantinople. C'est seulement dans les armes de Charles de Courtenay, premier du nom, qu'on aperçoit en 1485 pour la première fois le croissant mêlé aux tourteaux et aux fleurs-de-lis. Cette addition aux armes des Courtenay est-elle le résultat des conquêtes d'Orient, auxquelles ils avaient pris une part active ? La construction de la grande tour surmontée d'un minaret semble accréditer cette pensée. De même que Pierre, fils de Louis VI, unit les tourteaux de Courtenay aux lis de sa famille, de même les successeurs de Baudouin ont pu unir le Croissant, qu'ils avaient vaincu, aux lis et tourteaux de leurs ancêtres. Si mes conjectures ne sont pas erronées, il s'ensuivrait que les tours élancées et surmontées de globes et d'aiguilles, telles que celles de Courtenay et de Bellegarde, sont postérieures aux croisades. […]. La ville de Courtenay était défendue par d'épaisses murailles, des tourelles et un château fort, au milieu duquel se trouvait une immense tour qui dominait tout le pays et du haut de laquelle on pouvait donner et recevoir des signaux de la tour de Chantecoq, située à deux lieues de Courtenay. Le château, bâti partie en briques, partie en pierres, qui semblent provenir des démolitions de constructions romaines, présentait une belle façade du côté de la prairie et deux ailes moins élevées que le corps principal; le pont-levis était sur l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la ville royale; une tour avec ses meutrières dominait de ce côté l'arrivée du château; une autre, plus au nord, dominait la rivière et le chemin de la ville basse. Le corps principal avait beaucoup de fenêtres de grandeurs irrégulières; ce qui reste aujourd'hui ne peut donner aucune idée du vieux château, dont les murs avaient cinq et six pieds d'épaisseur. Les habitants, devenus propriétaires des murailles, les ont démantelées, mais il reste encore des traces de l'enceinte et même des tourelles sur la promenade et du côté de la prairie. La plupart de ces tourelles sont utilisées par les propriétaires. Il reste aussi une portion du dernier château ou plutôt de ses dépendances, auxquelles on a donné le nom de château pour que le souvenir n'en fût pas perdu." (M. Boyard : Statistique de l'arrondissement de Montargis, 1836).


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