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MONTFORT-L'AMAURY

SES ÉCRIVAINS ET SES ARTISTES


Montfort fut jadis le siège d'une très puissante maison féodale ; le château fut fondé, sous Robert le Pieux, par Guillaume, gouverneur du pays d'Yveline et fils d'Amaury. C'est son fils Amaury II qui laissa son nom à la localité. En 1312, par le mariage d'une Montfort avec le duc breton Arthur, le comté fut réuni à la Bretagne: c'est ainsi que la duchesse Anne de Bretagne fut comtesse de Montfort;  quand elle épousa Charles VIII, puis Louis XII, elle apporta le comté à la Couronne de France.

Montfort a conservé quelques restes de ses deux châteaux, des restes de remparts dominant les "poulies" (les prairies sur lesquelles on "pouliait" les draps pour les faire blanchir); les galeries de l'ancien cimetière ont des éléments des XVe, XVIe et début XVIIe siècle (en 1830, Cicéri, le décorateur de l'Opéra de Paris, s'en inspira pour le décor du troisième acte de Robert le Diable, de Scribe et Delavigne, musique de Meyerbeer). L'église a été reconstruite par Anne de Bretagne sur des restes antérieurs; elle possède de beaux vitraux du XVIe siècle et des clefs de voûte pendantes dans les bas-côtés.


On pourra voir :

– L'église Saint-Pierre avec une trentaine de vitraux du XVIe siècle.

– Le cimetière où une porte du XVe siècle donne accès à l'ancien charnier (fin XVIe-début XVIIe s.)

– La porte Bardoul du XVIe s. vestige d'une enceinte fortifiée.

— La maison à tourelles du 9 rue de la Treille (XVIe s.) a appartenu d'abord au poète Jean-Antoine Roucher, l'auteur des Mois, qui y fut receveur des gabelles de 1774 à 1790 et qui mourut sur l'échafaud en même temps qu'André Chénier; puis elle appartint à Claude Souillard (mieux connu sous le nom plus euphonique d'Adolphe de Saint-Valry) qui y reçut Hugo en octobre 1825.


– Sur la butte, les ruines de l'ancienne forteresse démantelée au XIVe s. par les Anglais et la tourelle octogonale vestige du château reconstruit par Anne de Bretagne à la fin du XVe siècle.


** HENRI IV **

Agrippa d'Aubigné rapporte, dans sa Vie à ses enfants (Pléiade, p. 401), une anecdote concernant Henri IV de passage près de Montfort-l'Amaury.
Nous sommes en 1576. Henri, qui n'était alors que roi de Navarre, a décidé de s'enfuir de la cour catholique d'Henri III, où, bien qu'il ait épousé la soeur du roi,  Marguerite de Valois, il est tenu pour une sorte de prisonnier privilégié du pouvoir royal. Profitant d'une partie de chasse en forêt de Senlis, le 4 février 1576, il passe la Seine près de Poissy, puis traverse la Beauce dans l'intention de gagner le sud de la Loire. Le lendemain, avant de poursuivre sa chevauchée vers Châteauneuf-en-Thymerais, il s'arrête un moment près de Montfort-l'Amaury où une vieille femme, qui ne l'avait pas reconnu, faillit le tuer.
Voici le récit qu'en fait Agrippa d'Aubigné :
Le Roy de Navarre fit une petite respeuë en un village prés de Montfort l'Amorré, où, lui étant arrivé de faire ses affaires (i.e. "faire ses besoins") dans une mait (i.e. "une huche", "un pétrin"), une vieille qui l'y surprit lui fendoit la teste par derriere d'un coup de serpe, sans Aubigné qui dit à son Maistre pour le faire rire: "Si vous eussiez eu ceste honorable fin, je vous eusse donné un tombeau en stile de Sainct Innocent (i.e. "rédigé une épitaphe comme au cimetière Saint-Innocent"); c'estoit :

Cy gist un Roy par grand merveille
Qui mourut, comme Dieu permet,
D'un coup de serpe, et d'une vieille
Comme il chioit dans une met.


** VICTOR HUGO **

Adolphe de Saint-Valry  écrivit un poème pour célébrer Les Ruines de Montfort-l'Amaury. Hugo, quand il vint le voir en 1825, écrivit une Ode dans laquelle, pour la première fois, il chante la beauté et la grandeur poétique des ruines médiévales, thème qu'il devait développer abondamment plus tard.

Ode aux ruines de Montfort l'Amaury

Je vous aime, ô débris ! et surtout quand l'automne
Prolonge en vos échos sa plainte monotone.
Sous vos abris croulants je voudrais habiter,
Vieilles tours, que le temps l'une vers l'autre incline,
Et qui semblez de loin sur la haute colline,
Deux noirs géants prêts à lutter.

Lorsque, d'un pas rêveur foulant les grandes herbes,
Je monte jusqu'à vous, restes forts et superbes !
Je contemple longtemps vos créneaux meurtriers,
Et la tour octogone et ses briques rougies;

Et mon oeil, à travers vos brèches élargies,
Voit jouer des enfants où mouraient des guerriers.

Ecartez de vos murs ceux que leur chute amuse !
Laissez le seul poète y conduire sa muse,
Lui qui donne du moins une larme au vieux fort,
Et, si l'air froid des nuits sous vos arceaux murmure,
Croit qu'une ombre a froissé la gigantesque armure
D'Amaury, comte de Montfort.

Là, souvent je m'assieds, aux jours passés fidèle,
Sur un débris qui fut un mur de citadelle.
Je médite longtemps, en mon cœur replié;
Et la ville, à mes pieds, d'arbres enveloppée,
Etend ses bras en croix et s'allonge en épée,
Comme le fer d'un preux dans la plaine oublié.

Mes yeux errent, du pied de l'antique demeure,
Sur les bois éclairés ou sombres, suivant l'heure,
Sur l'église gothique, hélas ! prête à crouler,
Et je vois, dans le champ où la mort nous appelle,
Sous l'arcade de pierre et devant la chapelle,
Le sol immobile onduler.

Foulant créneaux, ogive, écussons, astragales,
M'attachant comme un lierre aux pierres inégales,
Au faîte des grands murs je m'élève parfois.
Là je mêle des chants au sifflement des brises;
Et, dans les cieux profonds suivant ses ailes grises,
Jusqu'à l'aigle effrayé j'aime à lancer ma voix !

Là quelquefois j'entends le luth doux et sévère
D'un ami qui sait rendre aux vieux temps un trouvère.
Nous parlons des héros, du ciel, des chevaliers,
De ces âmes en deuil dans le monde orphelines;
Et le vent qui se brise à l'angle des ruines
Gémit dans les hauts peupliers !

Octobre 1825.

Paul Fort connaissait bien ce poème et il s'amusa du vers, certes un peu inattendu: "Jusqu'à l'aigle effrayé j'aime à lancer ma voix". Il écrivit à ce sujet : "Génie lyrique! Fantaisie! Où Victor Hugo voit un aigle, perdu chez le bon Dieu quasi, je ne vois rien: je vois ici l'hirondelle rasant les seigles. Il est vrai qu'il n'est pas de règle à mesurer la poésie. Aigle, je suis de ton école ! nous signons tous deux sans paraphe. Mais dans ces pins, haussant leur col, Hugo saurait voir des girafes... A leur pied je vois des giroles. Bah! comme le Génie prévaut, le "ton"espace les rivaux.


** HEREDIA **

Hérédia, le poète des Trophées (1893), était administrateur de la bibliothèque de l'Arsenal. Quand la maladie l'obligea à prendre des congés, il aima se réfugier dans des demeures paisibles pour se reposer au contact de la nature. On le vit, près de Nantes, dans un ancien couvent bénédictin qui appartenait à l'un de ses amis.

En 1900, il loua à Montfort-l'Amaury, rue de la Moutière, une maison qu'il avait choisie pour son jardin pittoresque. Il y recevait ses filles qui toutes trois avaient épousé des écrivains, Pierre Louys, Maurice Maindron et Henri de Régnier.

Heredia aimait se promener dans la forêt de Rambouillet, et Henri de Régnier évoque dans ses Souvenirs la mémoire de son beau-père à Montfort : "Le poète a vieilli, ses cheveux et sa barbe sont presque blancs. La maladie l'a touché, il est souvent silencieux et absorbé, il se chauffe et fume, parfois il prend sur la table un petit livre, Les Trophées, en lit quelques pages, se repose, et songe. Après avoir parlé de sa jeunesse, il se retire et va dormir, car demain il sera levé le premier. La forêt de Rambouillet est à deux pas des dernières maisons de Montfort et c'est elle qui attire le poète matinal. Il s'enfonce sous ses ombrages d'automne. Il sait où sont les plus beaux feuillages jaunissants et où croissent les plus beaux arbres, il connaît toutes les routes, tous les détours, le chemin des étangs, les sentes qui se perdent sous bois. Il connaît aussi la plaine et les villages et revient de ses courses comme égayé et rajeuni."

Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,
Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
Où le feuillage épais tamise un jour pareil
Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.

Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde
Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil
Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.

Vers la gaze de feu que trament les rayons,
Vole le frêle essaim des riches papillons
Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves;

Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,
Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

Puis Hérédia s'installa chez ses amis Itasse au château de Bourdonné (à 15 km de Montfort), où il devait passer les dernières semaines de sa vie.


** MARCELLE TINAYRE **

La romancière Marcelle Tinayre (1870-1948) qui résidait tout près, à Grosrouvre, a situé à Montfort-l'Amaury l'action de son roman La Maison du Péché, qu'elle publia en 1903. Sous le nom de Hautfort-le-Vieux, elle y décrit la petite ville, ses ruines, son cimetière, son église avec ses vitraux. (chap. I-III, p. 3 à 27).

Le front appuyé aux vitres fraîches, il guettait l'apparition du nouvel hôte dans le chemin roide qui grimpait entre deux haies, vers la maison. Ce logis patrimonial des Chanteprie, bâti sur l'extrême bord d'un plateau, domine la pente rapide où s'étage Hautfort-le-Vieux. À droite, le donjon couronne de ses tours ruinées la masse verdoyante du jardin municipal. La porte Bordier, autre fragment de la forteresse, enjambe la rue qui descend à pic vers la place de l'Église et l'hôpital du comte Godefroy. Ce cintre de pierre moussue découpe un morceau de paysage — toits enchevêtrés, pavés disjoints, fonds bleuâtres — précis comme un dessin d'Albert Dürer. À mi-côte, Saint-Jean-de-Hautfort élève un portail Renaissance, un vaisseau soutenu par des arcs-boutants gothiques, un clocher restauré au XVIIe siècle. Entre les arcades de briques d'un petit cloître, les chapelles et les cyprès du cimetière apparaissent à vol d'oiseau. Çà et là, parmi les groupes de maisons, on devine les coudes, les lacets des rues, les petites places plantées de tilleuls en charmilles. La cendre du soir éteint dans une harmonie grise le sombre violet des ardoises, le vermillon des tuiles neuves, le brun rougeâtre des vieux toits. Des fumées montent. Sous la pâleur irisée du vaste ciel, à droite et à gauche, des ondulations boisées s'étendent, en demi-cercle, et, vers le nord, s'échancrent largement pour découvrir un horizon de plaine, infini et bleuissant comme la mer. Pas un bruit, pas un roulement de chariot, pas un sifflement de machine : le silence… Le silence des couvents et des villes mortes où la vie semble figée dans le souvenir et l'attente.
Augustin de Chanteprie aimait la petite cité féodale sans commerce, sans industrie, et, toute proche de Paris, tombée à la torpeur de la province, mais qui retenait dans ses ruines l'âme héroïque et pieuse du passé. Ce paysage aux molles vallées, aux plaines nuancées d'azur, aux bois de châtaigniers et de chênes c'était bien la "douce France" des trouvères. […]
Forgerus remonta la terrasse et trouva une porte de sortie, derrière le pavillon. En quelques pas il fut dans le jardin municipal, près de la vieille tour du Xe siècle, masse éventrée sous le lierre arborescent. Au loin, s'élevait l'autre tour, en briques rouges, crénelée, percée de fenêtres en ogive. À travers les ormes et les châtaigniers, on découvrait, tout en bas, la campagne immense, les foins bottelés, les pommiers au milieu des champs, les platanes rangés au bord des routes, et les lignes vertes des haies qui descendent sur la déclivité du plateau.
Une allée tournante conduisit Forgerus jusqu'à la ruelle qu'il avait suivie, la veille, au crépuscule. Il passa sous la porte Bordier. Les bourgeois à leur fenêtre, les marchandes accroupies autour de la fontaine et, devant le portail de l'église, un bonhomme en pantalon blanc, coiffé d'un panama, une femme qui revenait de la messe, les mains jointes sous sa pèlerine, les maisons inégales, les boutiques pauvres, les enseignes naïves, rappelaient à Forgerus les décors provinciaux et les personnages de Balzac.
Il eut la curiosité de visiter le cimetière, dont la porte gothique attira son regard. Dès l'entrée, on apercevait les marbres pressés dans l'enclos, un carré de ciel, un pan de colline surplombante, les tuiles rouges et brunes des toits étagés. Le cloître fermait trois côtés seulement. La charpente de la voûte, incurvée et toute pareille à l'ossature du Léviathan marin, retombait sur des piliers de briques. Le soleil frappait les vitraux d'une petite chapelle adossée aux arcades et projetait sur les dalles une lumière bleue qui tremblait. Forgerus examina les plaques commémoratives fixées au mur. La plus ancienne portait une longue épitaphe latine. […]
Il sortit pour voir l'église, toute proche, consacrée à saint Jean. La messe venait de finir. Il n'y avait plus, devant l'autel, qu'une femme prosternée et un sacristain en surplis trop court qui arrangeait des pots de fleurs blanches. Dans la nef centrale, une lumière dorée tombait des hautes fenêtres aux vitres dépolies, mais les nefs latérales étaient baignées d'ombre, et les fameuses verrières de la Renaissance* y scintillaient, d'un éclat doux et chaud, plus vivant que l'éclat des pierreries. Au fond, au chevet de l'église, l'arbre de Jessé, montant du flanc d'Abraham endormi, étendait ses branches chargées de patriarches et de rois ; et, sur les côtés, les légendes de la Bible, les paraboles de l'Evangile, les Actes des saints s'inscrivaient en figures lumineuses serties par un linéament de plomb. On voyait le bon Samaritain et la Madeleine, les prophètes dans le désert, le Christ au tombeau. Les personnages portaient des vêtements du XVIe siècle, et l'on reconnaissait dans les attitudes théâtrales, dans l'exagération des musculatures et la splendeur des draperies, l'influence des maîtres italiens. Des bourgeois chevauchaient, vêtus de velours et de fourrures. Des apôtres à barbe frisée avaient des robes jaunes, modelées en violet, et gonflées de vent. Les saintes femmes étaient délicieuses, avec leurs cheveux dont le blond verdissait sous un chaperon pointu et le blanc gris de leurs collerettes tuyautées. Les paysages tourmentés et minutieux montraient à la fois des rochers, des cèdres, les méandres déroulés d'un fleuve, les petits sentiers à travers la plaine, les petits arbres en boule, et toutes les maisons des villes, et toutes les fenêtres des maisons. Dans la partie inférieure du vitrail, le donateur et sa femme, agenouillés, étaient reproduits scrupuleusement dans leur laideur authentique.

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* Parmi les principaux thèmes des verrières : la manne, le sacrifice d'Abraham, l'arbre de Jessé, sainte Anne, la vie de Marie, l'histoire de Joseph, la sainte Famille, l'enfance du Christ, la tentation de Jésus, la résurrection de Lazare, la Passion, le Calvaire, la Déploration, la Transfiguration, la Pentecôte, glorification de Jésus-Christ, glorification de Marie, dormition de Marie, saint Pierre, saint Eustache, saint Louis et Charlemagne, saint Eloi, saint Paul, saint Yves, saint Hubert, saint Roch, etc.

Le château La porte L'Arbre de Jessé La porte du cimetière Le cloître

** COLETTE **

Colette, obligée de quitter son premier appartement du Palais-Royal, en éprouva grand regret. Pour la consoler, son amant Maurice Goudeket acheta en janvier 1930, à la limite de Montfort et de Méré, La Gerbière, une maison qui satisfaisait "le goût de Colette pour les horizons resserrés, les domaines étouffés, les logis à la mesure moyenne des hommes et aussi son besoin de larges espaces aérés". Elle se mit aussitôt à pendre aux branches du jardin des nichoirs à oiseaux et à faire des boutures avec le jardinier, tout en annonçant à Marguerite Moreno : "J'ai pondu quarante et une pages". Colette s'était vite constitué un cercle d'amis : le peintre Luc-Albert Moreau et sa femme la violoniste Hélène Jourdan-Morhange, qui résidaient aux Mesnuls, Annie de Pène et sa fille Germaine Beaumont. Mais dès 1931, le krach ruinait Goudeket. Il vendit la Gerbière à Coco Chanel.
Colette revint de temps à autre à Montfort, rencontrant Jacques de Lacretelle installé dans la Maison de l'Horloge, rue de Paris, Manuel Rosenthal et surtout Ravel qu'elle connaissait depuis L'Enfant et les Sortilèges (1916). Elle raconte ainsi sa dernière rencontre avec le compositeur : "Assis parmi nous, il avait pourtant l'apparence d'un être qui, d'un instant à l'autre, risque de se dissoudre…"
Chassée en 1938 de Saint-Tropez par la vogue grandissante du lieu, elle revint vers ses vieux amis des Mesnuls et eut un coup de cœur, à Méré, pour une glycine ourlant les soixante mètres de clôture d'une propriété, Le Parc. C'était l'ancien presbytère, dont la maison venait d'être reconstruite. Elle l'acheta en février 1939. Mais, à la fin de l'année, Colette et Maurice, qui ne venaient à Méré que les fins de semaines, verront cette maison réquisitionnée pour un détachement de soldats marocains. La propriété a été récupérée le 3 juin 1940 et pour éviter une nouvelle réquisition, Colette s'y installa, à plein temps, pour attendre la fin de cette "drôle de guerre". Le 12 juin l'exode l'entraîna au loin. Revenue à Paris en septembre, elle essaya de s'y maintenir au Parc sous l'Occupation grâce à Carlos de Beistegui qui lui prêtait sa voiture à gazogène pour qu'elle puisse venir de Paris. Mais, en octobre 1941, elle dut revendre le Parc, cette maison qui, dit-elle, "n'avait pas encore capté son cœur".
Après la guerre cette demeure a été rebaptisée "La Pastorale", puis elle a été divisée en deux et une nouvelle maison y a été construite. Coupée en deux par un mur, l'allée de tilleuls (que Colette appelait son "chemin de ronde") a perdu de son attrait.

LA MAISON PROCHE DE LA FORÊT
Colette : En Pays connu

Tout ce qui se dit d'une forêt est vrai, ou le devient.
Mais il faut que ce soit une très grande forêt, assez vaste pour résorber, à l'aube, ses secrets nocturnes en même temps que sa frange de bêtes sauvages qui outrepassent ses lisières pendant la nuit. Il faut qu'elle soit à la mesure de cacher ses étangs, rassurer ses hardes, renouveler les étonnements de ses braconniers, affermir la réalité de ses propres fantômes. Ainsi de la forêt qui cerne Rambouillet. Battue en tous sens, mordillée, étoilée de pattes-d'oie et d'écriteaux indicateurs, pourtant elle nous égare selon que le veulent le temps et la saison. Elle se disperse en brouillards, se taille en baguettes de pluie, reploie méconnaissables ses pins et ses houx sous une fourrure de neige, et nous pouvons toujours croire qu'à l'extrémité d'un tunnel de futaie, sous le couvert arrondi en arcade romane, une silhouette s'est tenue debout sur deux pieds indistincts, ou sur quatre jambes, et qu'elle a fondu juste au moment où elle nous apparaissait. […]
Une maison me tenait hors de la forêt proche, et m'appelait quand je retournais à Paris. […] Elle ne ressemblait à aucune de ces légères bâtisses qu'une forêt domaniale suscite à son entour, qui vieillissent vite et changent facilement de maître. Deux hectares l'environnaient, vierges de culture potagère. La primevère en trois couleurs, l'orchis pourpré, le polygala bleu et le muscari à odeur de prune lui venaient tout naturellement, à même sa prairie, avant les grandes marguerites et les boutons-d'or. Je n'eus qu'à tailler ses rosiers amaigris, ses buis inégaux. Au centre d'une des façades – elles étaient deux, coudées – un œil-de-bœuf inattendu, agréable, regardait le pré entre deux marronniers gros et gras à fleurs rouges. Qui sait comme l'Ile-de-France planter le marronnier, auvent contre la pluie, ombrelle contre le soleil ? […]
La maison proche de la forêt me donnait des plaisirs certains. Quand je ne citerais à son actif que l'empressement des mésanges, la familiarité des bergeronnettes, les constantes hirondelles… Le fait est qu'elles furent servies les premières, et pourvues de nids quand nos lits n'étaient pas encore dressés. [...]
Un fils de la Chatte, âgé d'environ six semaines, disparut un matin, à l'heure où il avait coutume de s'étonner de toutes choses, de vouloir prendre les mouches en posant une patte dessus, de loucher sur les ombres mouvantes et d'exploiter le sable jaune au profit de sa connaissance, neuve, du plat-à-chat. Sa disparition bouleversa la maison proche de la forêt. Mais l'homme-de-journée répandit la pire consternation en révélant que les rapaces, busards, éperviers et bondrées, ne faisaient nulle différence entre lapereaux et chatons, poussins, menu gibier. Nous nous tûmes, assiégés d'images funestes : la grande buse planante au haut des airs, et pendu à ses serres un petit chat mou, comme déjà mort... La nichée de la grande buse, autour d'un affreux festin... Le lendemain, le petit chat égaré, retrouvé, bien vivant, pleurait sous une averse printanière, transi contre notre porte close. Qui en pyjama, qui en chemise de nuit longue, à l'ancienne mode, qui en vieil imperméable cartonneux, nous courûmes... Ici finit l'histoire du petit chat, mais non sa légende. Plus tard, il nous arriva de dire : "Le petit chat, vous savez bien, le petit chat enlevé par une buse…", puis, plus tard encore : "Cette propriété de Seine-et-Oise, vous vous rappelez, où les bondrées enlevaient tous les petits chats…" […]
Pour proche qu'elle fût de la forêt, j'ai souhaité, un temps, que la maison s'en rapprochât encore, aux fins de combler ce qu'un tel voisinage m'inspirait d'appréhension nocturne, d'allégresse au clair du jour. Mais elle n'était qu'une toute petite maison qui garda, tant que je l'eus, sa grâce un peu truquée, son flanc refroidi qu'elle tournait au nord-est. Ni songes ni prières ne firent qu'elle glissât sur la pente jusqu'à l'orée où commençait massive la futaie. Je ne l'ai pas habitée longtemps, mais juste assez pour que, l'ayant perdue, je puisse rêver d'elle, forcer en songe des petits murs devant une forêt en marche, et les emplir d'un contenu fabuleux.

La Gerbière, impasse du Mont-Rôti à Méré


** MAURICE RAVEL **

La villa du "Belvédère", au pied du château, a appartenu au musicien Maurice Ravel, de 1921 à sa mort en 1937.

wikipedia - Lionel Allorge

En 1920, Maurice Ravel avait chargé une amie de lui trouver "une bicoque à 30 km au moins de Paris". Dans sa lettre il avait ajouté : "Je pense quelquefois à un admirable couvent, en Espagne. Mais, sans la foi, ce serait complètement idiot. Et le moyen d'y composer des valses viennoises et autres fox-trotts ?"
Cette maison, relativement modeste et exiguë, qu'il a acquise en janvier 1921, doit son nom "Le Belvédère" à sa situation à flanc de coteau et au panorama qu'elle offre sur la ville. C'est dans cette maison que Ravel a composé presque toutes ses œuvres entre 1925 et 1932, notamment L'Enfant et les Sortilèges, les Chansons madécasses, le Boléro (1928), le Concerto en sol pour piano et orchestre, le Concerto pour la main gauche
En 1928 y fut organisée une grande fête en l'honneur du compositeur avec environ cinquante invités. Cette surprise-party, connue comme "L'impromptu de Montfort-l'Amaury", préparée par la cantatrice Marcelle Gerar, a été l'occasion d'inaugurer le buste de Maurice Ravel par son ami Léon Leyritz.

Après la mort de Ravel, en 1937, c'est son frère Edouard qui a hérité de la maison. Celle-ci  est restée d'abord sous la garde de la gouvernante du musicien, Marie Reveleau (1871-1952). Puis la garde a été confiée en 1954 conjointement à Céleste Albaret, ancienne gouvernante de Marcel Proust, et à sa sœur Marie Gineste.
Céleste Albaret quitta le Belvédère en 1970, pour prendre sa retraite à Méré (tout près de Montfort) et consacrer son temps à l'enregistrement de ses souvenirs avec Marcel Proust. Elle est morte en 1984 et est enterrée au cimetière de Montfort-l'Amaury aux côtés de son mari et de sa sœur, Marie Gineste

Un musée "Ravel" a été ouvert dans la maison en 1973. On a conservé la décoration à laquelle Ravel a veilla avec un soin tout particulier, ainsi que les nombreux bibelots, parfois insolites, qu'il collectionnait. Dans le salon de musique se trouvent plusieurs portraits de famille, ainsi que le bureau du compositeur et son piano Erard fabriqué en 1908 et acquis en 1911.
L'ensemble, maison et jardin, a été classé en 2022.


** JACQUES DE LACRETELLE **

L'écrivain et académicien Jacques de Lacretelle (1888-1985) avait acheté la Maison de l'Horloge, 75 rue de Paris.

 

UNE MAISON DE CAMPAGNE

Montfort-l'Amaury?… Cette vieille petite ville au bord de la forêt de Rambouillet, avec des maisons Louis XIII et un cimetière dans un cloître?… Oh! mais c'est charmant!
Ces phrases tant de fois entendues lorsqu'on vient de m'interroger sur mon habitation de campagne me font toujours sourire, car ces curiosités ne comptent guère pour moi. Montfort-l'Amaury, c'est bien autre chose que le donjon et le célèbre cloître qui a, dit-on, inspiré le décor de Robert le Diable.
Oh! il a sans doute fallu son architecture à l'ordonnance de Versailles, ses fonds de verdure qui apparaissent derrière chaque porte cochère et tout son air digne et endormi pour que cette ville m'attire, mais elle n'est pas la seule cité de l'Ile-de-France qui restitue ainsi, dans le calme et l'humilité, l'image du passé. Au bord de la Seine et du côté de Chantilly, combien de fois avais-je déjà été tenté! Si bien que, dussé-je paraître d'un égoïsme haïssable, je serai franc: j'aime Monfort-l'Amaury uniquement pour l'âme que je m'y suis faite.
Âme que j'ai senti s'éveiller dès le jour où j'ai visité la maison, clefs en mains, après avoir porté l'enchère du "dernier feu" dans l'étude provinciale, toute fortifiée de cartons bleus.
"C'est l'amour de la possession, sentiment assez mesquin", va-t-on dire. Nullement. Cette vieille glycine, nourrie au plâtre du mur, cette porte qui a vu deux ou trois générations se voûter, ces arbres fruitiers qui ont entendu des cris de joie fêter leur robe blanche, tout cela, me suis-je dit sur le seuil, peut être un puits de richesses, si je sais regarder. J'ai le sentient d'aborder unîlot inconnu où les plus grands mystère de la nature et l'antique ordre des homes étaient misnà me mesure.
On le voit, il ne s'agissait pas des satisfations du propriétaire, mais de promesses autrement précieuses.
Et elles ont été tenues. Je viens de retrouver la feuille d'adjudication de ce domaine. Il comporte une maison bourgeoise, divisée en dix pièces principales, un jardin d'agrément avec bosquets et jardin potager s'étendant au fond par une porte sortante… le tout d'une contenance de 1037 mètres. Et c'est entre ces limites étroites que j'ai recueilli, sainson après saison, un butin que je n'avais jaais su garder jusque-là.
C'est que les choses sont comme les êtres. Pour les connaître vraiment, pour en avoir une compréhension intime, il faut les posséder, il faut contracter avec elles une alliance for the better and the worse, ainsi que disent les Anglais.
Oh! je ne reconnais pas le fruit du voyage, que je renie pas ces visions rapides et ces captures inoubliables qui vous jettent pour un moment au sommet de vous-même. Mais que de fois l'on a éprouvé, en même temps, l'impression de piller inutilement la beauté du monde! Ivresse d'être libre, orgueil de ne pas s'engager, peut-être… mais quelque chose manque, et on le sent, à cette étreinte violente: le compagnonnage, l'envieillissement côte à côte.
Maintenant il est un paysage dont je connais toutes les nuances, tous les crépitements, parce que je l'ai vu se froncer en hiver et bondir au printemps. Il y a des ruisseaux et de simples fleurs d'herbes qui m'ont initié à la mythologie et aux grandes fêtes religieuses. Je sais un endroit où règne une tranquillité sonore, car si les pensées inutiles y sont étouffées, l'écho des autres y revient jusqu'à ce que je l'entende.
Endroit d'élection, je veux dire où le choix se fait. Retraite, défense contre l'excès, contre la vitesse et la multitude qui embrouillent le jeu de vivre. Bain qui nettoie les taches d'hypocrisie et tempère le prurit d'ambition. Il y a là des balances qu'on retrouve toujours, et pour elles on emporte les plus beaux livres, les plus belles tâches.
Certes, je ne renoncerai jamais à Paris, mais c'est parce qu'il me plaît, à moi, d'être dévoré… un moment. Bien vite je rapporte dans mon île, pour mieux m'en divertir, le souvenir de cette courte et agréable sensation.
Alors, si l'on a compris les raisons de mon attachement pour Montfort, qu'on ne me demande pas une description de guide, ni un discours de distribution de prix. Oui, il y a un donjon, une ceinture de vieux remparts, couverts de lierre, qui ressort de jardin en jardin. Il y a une ou deux façades en brique, d'un rose qui fait penser au corsage de Marion Delorme. Il y a un hospice et un couvent dont les cloches se chamaillent doucement avec des voix fêlées, il y a une église dont Proust admirait les vitraux Renaissance*.
Montfort se fait gloire aussi de célébrités. On montre une maison, ornée d'une plaque, où Victor Hugo abrita ses amours. Mais quand je l'ai fait voir à la bru du poète, elle m'a répondu, avec une mémoire respectueuse que ses quatre-vingts ans n'avaient pas altérée : "Non, non, Père n'a jamais vécu ici, je ne l'ai jamais entendu dire". Je n'ai pas osé parler de Juliette Drouet.
D'autres traditions sont plus certaines. Cette maison de Saint-Nicolas, sur la hauteur, avec un grand pré, Colette y a passé plusieurs anées. Cette autre, très étroite, de construction récente, et posée comme une double croche au bord de la route, est celle de Ravel. Entrez-y, et vous verrez comme il jouira malicieusement de vos cris d'admiration: car rien, dans ce terrain mal loti et ce toit baroque à fioritures de bois, ne laisse deviner la vue large et sensible que l'on découvre de son cabinet de travail sur la campagne.
Que dire encore? Que José-Maria de Heredia a aussi habité Montfort et qu'Henri de Régnier, en se promenant dans les environs, a imaginé, devant le beau château des Mesnuls – où vous aurez peut-être la chance de rencontrer Paul Morand – tout son roman
Le Passé vivant.
Mais ce n'est pas cette histoire anecdotique que je voudrais enseigner. Que celui qui lira ces pages vienne dans ma ville d'adoption et s'en éprenne ou non, peu importe. Ce que je voudrais, c'est faire comprendre que chacun de nous possède au fond de soi un Montfort et qu'il perd sa vie s'il le néglige trop.

––––––––––––––––––

* Dans Sodome et Gomorrhe (2e partie), la duchesse de Guermantes invente un prétexte pour ne pas se rendre à une invitation de Mme de Saint-Euverte : Je vous dirai (ce que je ne devrais pas avouer) que je suis arrivée à mon âge sans connaître les vitraux de Montfort-l'Amaury. C'est honteux, mais c'est ainsi. Alors pour réparer cette coupable ignorance, je me suis promis d'aller demain les voir. M. de Bréauté sourit finement. Il comprit en effet que, si la duchesse avait pu rester jusqu'à son âge sans connaître les vitraux de Montfort-l'Amaury, cette visite artistique ne prenait pas subitement le caractère urgent d'une intervention "à chaud" et eût pu sans péril, après avoir été différée pendant plus de vingt-cinq ans, être reculée de vingt-quatre heures. […] En réalité, elle en avait assez d'entendre Froberville, lequel ne cessait plus de l'envier d'aller à Montfort-l'Amaury quand elle savait fort bien qu'il entendait parler de ces vitraux pour la première fois…
(éd. Pléiade, p. 683-685)


** CHARLES DE BEISTEGUI **

La famille de Beistegui, d'origine basque, avait fait fortune en exploitant des mines d'argent au Mexique. Elle s'installa en France à partir de 1876.

Charles de Beistegui (1895-1970), de son véritable nom Carlos de Beistegui y de Yturbe, séjourna surtout en France, où il était né, ce qui lui valut d'être appelé familièrement "Charlie" par ses amis.

Il était le neveu de son homonyme, Carlos de Bestegui,qui, mort en 1953, a réuni une grande collection de tableaux de maîtres dont, en 1942, il a légué une partie au Musée du Louvre, donnant ainsi son nom à l'une des galeries du Musée.

Il a fait ses études au collège d'Eton et s'apprêtait à les continuer à l’université de Cambridge quand éclata la Guerre. Il partagea sa jeunesse entre Madrid, Biarritz et Paris, où sa famille possédait un hôtel particulier donnant sur l’Esplanade des Invalides. Il a fait, avec son frère, un tour du monde de plusieurs années, qui le conduisit dans toute l'Europe, mais aussi en Inde, qu'il parcourut dans un wagon prêté par le vice-roi, et en Chine, d'où il rapporta des recueils de poèmes illustrés de sa main.

Très vite, il se passionna pour l'architecture et surtout pour la décoration : il ne cessa jamais de créer des décors et d’en faire la signature de son style de vie. Elégant et distant, l'oeil bleu azur, invité permanent d'une société cosmopolite, voyageant de Londres à Madrid en passant par l'Irlande ou Venise, esthète inspiré, amateur de poésie, il a été passionné, au point d'y perdre sa fortune, par la création et l'aménagement de lieux qui vont façonner sa légende. Son goût audacieux, néoclassique et baroque, a été baptisé dans le monde entier le "goût Beistegui". Il est l'auteur, à Paris, de la décoration de l'hôtel particulier où résidait sa famille, rue de Constantine, ainsi que de la bibliothèque de l’ambassade de Grande-Bretagne, rue du Faubourg-Saint-Honoré.

En 1929, influencé par ses amis Charles et Marie-Laure de Noailles — qui avaient commandé à Mallet-Stevens une villa cubiste à Hyères — il sacrifia à la modernité et commanda à Le Corbusier la construction d'un APPARTEMENT SUR LES CHAMPS-ELYSÉES. Cet appartement n'était pas destiné à être habité, mais à servir de cadre à des fêtes où seraient invités ses amis : Jacques de Lacretelle, les Noailles, Salvador Dali, Nathalie Paley… Beistegui conçut lui-même le décor des pièces de réception et des terrasses. Il y installa des cheminées baroques, des commodes rococo, des sièges Napoléon III, des statues et des lustres vénitiens, qui apparaissaient comme les éléments hétéroclites d’un rêve. Malgré des négociations tendues avec un Le Corbusier réticent, il parvint à créer un pot-pourri étrange et original : escalier blanc en colimaçon, terrasse tapissée de gazon et décorée d'une cheminée rocaille, meublée de mobilier Louis XV. Toutes les baies vitrées donnant sur les Champs-Elysées fonctionnaient électriquement. Cette décoration un peu "surréaliste" marqua son époque et inspira notamment à Jean Renoir le décor de l'hôtel du marquis de La Chesnaye dans son film La Règle du jeu. Le photographe Cécil Beaton raconte dans ses Mémoires qu'on n'a rien vu de plus extravagant depuis Louis II de Bavière. Mais, bientôt lassé par cet appartement, Charles de Beistegui en tira la conclusion que "l'homme qui pense moderne est démodé". Il chercha donc une occasion d'excercer autrement ses talents.

En 1938, Jacques de Lacretelle, qui possédait une maison à Montfort l'Amaury, lui signala que le CHÂTEAU DE GROUSSAY était à vendre, avec son parc de 30 hectares.

Il l'acheta, en vue de le réaménager de fond en comble et trouva l'architecte qu'il lui fallait en la personne d’Emilio Terry. Ses aménagements, qu'il poursuivit jusqu'à sa mort, empruntèrent à l'Italie, à la Russie, à la France, à l'Angleterre du XIXe siècle siècle, avec une nostalgie cosmopolite qui lui était particulière. Christian Bérard s’en inspira en créant le décor du film de Jean Cocteau, L'Aigle à deux têtes.

Le château de Groussay avait été construit entre 1815 et 1823 par "Madame de Tourzel", Henriette Adélaïde de Tourzel, duchesse de Charost. Sa mère (née en 1750) avait été la gouvernante des enfant de Louis XVI; son père, Louis François du Bouchet de Sourches, marquis de Tourzel, avait été grand prévôt de France. Madame de Tourzel était veuve et héritière du maire de Paris, Armand Joseph de Béthune, duc de Chârost. Sa mère, ayant échappé à l'échafaud, vint s'installer à Groussay où elle reçut la duchesse d'Angoulême, fille de Louis XVI. Quelques mois plus tard, en 1832, elle mourut au château à l'âge de 82 ans. Madame de Chârost mourut, elle, en 1840 et fut inhumée au cimetière de Montfort-l'Amaury.
En 1843 la comtesse Julie de Pahlen acquit le domaine après la mort de son mari, Pierre Antonin Perry, survenue la même année. Elle y reçut l'empereur et l'impératrice.
En 1873, elle vendit Groussay à Henriette Dufour d'Hargeville, épouse du prince Soltikoff.
En 1939, le château fut acquit par Charles de Beistegui, qui fit travailler sur le château et le parc jusqu'à sa mort en 1970.

 

wikipedia - Phildic

En 1948, Charles de Beistegui acquit le PALAIS LABIA à Venise, sur le Grand-Canal, célèbre pour ses fresques de Tiepolo.

Il le restaura avec la volonté de faire perdurer le témoignage d'une civilisation européenne détruite par la guerre et aussi par une conception radicale de la modernité.

Et, le 3 septembre 1951, il donna dans ce palais Labia restauré un bal costumé connu depuis sous le nom de "Bal du siècle". Cette fête suggéra à Alfred Hitchcock la scène du bal costumé de La Main au collet, à Orson Welles une autre scène de bal dans Monsieur Arkadin, à Luchino Visconti la scène du bal du Guépard. La soirée, l'une des plus fastueuses de l'après-guerre, réunit environ 1500 invités costumés, dont Orson Welles, Salvador et Gala Dali, Alexis de Redé, le marquis de Cuevas, Barbara Hutton, Leonor Fini, l'Aga Khan, etc. Winston Churchill avait décliné l'invitation. Robert Doisneau, Cecil Beaton et André Ostier furent les photographes de la soirée. Le peintre Alexandre Serebriakoff a également peint une série d’aquarelles représentant différents moments du bal. Certains costumes étaient l'œuvre de Salvador Dali, de Christian Dior, de Nina Ricci, de Jacques Fath et de Pierre Cardin, alors débutant.

— Le prince Jean-Louis de Faucigny-Lucinge écrivit en se remémorant l'événement : "Beistegui décida de donner la Fête des Fêtes sur le thème le plus logique en ces lieux : la Venise de Longhi et de Casanova, et de lui réserver l'ampleur d'un spectacle de cour. Il en fut ce qu'il espérait. Les invités étaient venus de tous les coins de l'Europe, de Lady Clementine Churchill au vieil Aga Khan, en passant par les plus belles princesses romaines ou napolitaines."
— Jean Cocteau s'est également intéressé à l'évènement : "Bal de Venise. Beistegui n'avait pas invité la méchante fée : le journalisme. Donc, son bal est un désastre et il a plu. La vérité c'est qu'il n'a pas plu et que le bal était une réussite. Le peuple de Venise adore les fêtes et applaudissait les costumes. Beistegui avait refusé huit millions des Américains pour filmer le bal."
— Paul Morand, qui avait été invité au bal, évoque l'œuvre de Beistegui dans son livre consacré à Venise : "Palais aux fresques si renommées en leur temps que Reynolds et Fragonard avaient fait le voyage de Venise pour les copier. L'histoire des Labia : un demi-siècle de puissance outrageante, de vaisselle d'or jetée par les fenêtres, de murs vierges confiés au talent de Tiepolo, de Zugno, de Magon, de Diziani. Ruinés par Napoléon, les Labia avaient cédé l'édifice. Notre fastueux ami Beistegui avait décidé de tenir tête au temps. Reconstituer un palais, c'est dire non au gouffre, c'est comme d'écrire le Temps perdu. Son œuvre terminée, Beistegui s'en désintéressait."

En 1964, Charles de Beistegui vendit le palais Labia à la RAI, qui y installa son siège régional. Maurice Rheims, fut chargé de la vente aux enchères publiques du mobilier rassemblé par Beistegui dans le palais vénitien.

— Maurice Rheims l'évoque ainsi : "Et de la bouche de ce Mexicain qui, sa vie durant, rêva d'être pris pour un Grand d'Espagne, ne sortaient plus que des propos soldeurs : à vendre, à vendre, à vendre. Parvenu au centre de la salle d'apparat, décorée du haut en bas par Tiepolo, il balaya d'un geste la reine de Troie et le dieu Vulcain : Que cela aussi disparaisse ! Il ne voulut rien entendre et me livra le palais. 700 objets dont il souhaitait tirer 300 millions de lires, que nous adjugeâmes pour bien plus du double et qui, me révéla-t-il, ne lui avaient guère coûté plus de 100 millions."

— Paul Morand parle aussi de cette vente : "M. Rheims savait que toute possession humaine n'est jamais qu'un entrepôt. Sous son marteau d'ivoire, toute une vie d'amateur s'évaporait : les objets n'ont pas de maître. Au-dessus, la cohue des déesses peintes à fresque pour toujours, désormais maîtresses d'un Labia désert, au rire éternel. Sous les voûtes nues, en marbre d'Istrie, se répercutait : plus personne... Funérailles d'une vie, non pas de grand collectionneur, mais de grand amateur."

Dans ses dernières années, Charles de Beistegui, malade, s'installa à Groussay, jusqu'à sa mort en 1970.


QUELQUES JUGEMENTS SUR CHARLES DE BEISTEGUI

Le faste de Charles de Beistegui et la théâtralisation de son mode de vie provoquèrent l'admiration, la fascination, l'envie, la rivalité et parfois les critiques venimeuses de ses contemporains.

"Maniaque débordant d'énergie, Charles de Beistegui évite les simples reconstitutions exactes de styles et d'époques passées. Son imagination est si fertile que ses imitateurs ne réussissent jamais à le suivre ou à deviner la mode qu'il lancera le lendemain. Il est tellement plongé dans ses réalisations, soit dans la construction, soit dans la décoration d'intérieurs, qu'on se demande quand il prend le temps de goûter aux fruits de son génie."

"M. Charles de Beistegui cherche, dans chacune de ses réalisations, à établir un rapport harmonieux entre l'architecture d'une pièce et son mobilier. Ainsi fait-il voisiner sans scrupule, dans son salon parisien, une table Louis XVI et des sièges Louis XV, et place-t-il un portrait du début du XVIIIe dans un cadre nettement postérieur. Le vrai et le faux se conjuguent pour ressusciter avant tout un style. Nulle volonté de reconstitution, mais une tentative originale pour fondre des éléments anciens et modernes dans l'harmonie précise et caractérisée conçue par le décorateur." (Cecil Beaton)

"Charles de Beistegui était l'essence même de la Café Society : somptueuse façade dissimulant un certain vide intérieur. Mexicain, il se faisait passer, quand il le pouvait, pour Espagnol. Roturier, il aimait que ses gondoliers l'appelassent Monsieur le Baron. Il résidait le plus clair de son temps dans les environs de Paris, au château de Groussay. Se plaisant à vivre dans un décor d'œuvres d'art uniques au monde que même sa fortune fabuleuse ne lui permettait pas d'acquérir, il n'hésitait pas à s'entourer de faux de grande qualité : les copies, se plaisait-il à préciser, me coûtent souvent plus cher que l'original. Riche comme Crésus, il avait le sens de l'économie. Il mourut à Groussay, seul et abandonné de tous, parmi une valetaille qui l'enterra, comme Louis XIV, presque à la sauvette."


L'OEUVRE DE CHARLES DE BEISTEGUI À GROUSSAY

Pendant la seconde guerre mondiale, alors que les événements ne semblaient pas avoir prise sur ses projets, Beistegui avait entrepris à Groussay, dont il était propriétaire depuis 1938, une succession de travaux qui ne s'arrêtèrent qu'à sa mort, en 1970. Il a fait appel pour cela à plusieurs architectes et décorateurs, entre autres l'architecte et décorateur d'origine cubaine Emilio Terry et le peintre d'intérieur Alexandre Serebriakoff (neveu d'Alexandre Benois, qui réalisa les costumes et décors pour les fameux ballets russes de Serge Diaghilev).

Beistegui agrandit et décora le château : deux ailes supplémentaires, un théâtre, une bibliothèque monumentale en acajou (avec deux escaliers en colimaçon), une galerie habillée de tapisseries uniques conçues d'après les cartons de Goya du Musée du Prado à Madrid, un vaisselier inspiré des bibliothèques de Riesener, une galerie où se marient le style Louis XII et les lustres hollandais, un théâtre de 250 places décoré d'étoffes flamboyantes et de lustres de Murano. Dans les chambres d'amis, les tissus anglais rivalisaient de couleurs avec les tapis aux feuilles de lierre, tout droit sortis de son imagination foisonnante.

Ce ne sont pas les meubles estampillés et les tableaux de maîtres qui intéressaient Beistegui, même s'il en possédait d'exceptionnels, mais plutôt le mélange inattendu des bureaux russes de Roentgen, des lits Empire, des bergères Louis XV et des poêles autrichiens. Il préférait de loin l'effet, le trompe-l'oeil, le grand décor théâtral à l'authenticité parfois ennuyeuse des châteaux français. C'est à contre courant qu'il décida de border les fenêtres de la salle hollandaise de faïence de Delft bleu et blanc, de marier le vert et le bleu, de recouvrir les fauteuils de sa bibliothèque de cotonnade blanche et de créer des médaillons encastrés dans les portes en acajou, contenant exclusivement de fausses médailles en plâtre aux profils historiques...

Dans le parc, il a fait construire des fabriques ou folies inspirées des  parcs  anglo-chinois  du XVIIIe siècle et du Désert de Retz, tout proche : le Temple d'Amour (1949), la Tente Tartare (1960), le Pont Palladien (1960), la Colonne Observatoire (1962), la Pagode Chinoise (1963), le Temple du Labyrinthe (1967), la Pyramide (1968).


GROUSSAY APRÈS BEISTEGUI

En 1970, son neveu JUAN DE BEISTEGUI, dit "Jimmy", hérita de Groussay et, pendant trente ans il s'efforça de le préserver. Il tira profit du cadre en le louant pour des tournages de films.

Déjà en 1969, peu de temps avant la mort de Charles de Beistegui, Marc Allégret y avait tourné Le Bal du comte d'Orgel, d'après le roman de Raymond Radiguet, avec Sylvie Fennec, Jean-Claude Brialy et Micheline Presle. Dans le film, on voit le parc et ses fabriques, en particulier la Pyramide et la Tente Tartare, et l'intérieur du château dans son état à la fin du XXe siècle avec la bibliothèque et le théâtre (où se déroulent les répétitions du bal du comte d'Orgel).

A signaler aussi deux documentaires de Patrick Mimouni : Don Carlos de Beistegui (1989) et À Groussay (1998).

En 2000, l'édifice et tout son contenu ont été vendus dans des enchères publiques organisées par Sotheby's.

ARTICLE DE VINCENT NOCÉ, dans Libération du 1er juin 1999 : Un rêve à vendre : le château de Groussay, oeuvre du pionnier de la décoration Charles de Beistegui, est mis aux enchères. Histoire d'un temple du pastiche et du faux de bon goût.

Soudain, dimanche matin, le ciel est devenu d'un noir d'encre et, dans un long roulement de tonnerre des trombes d'eau sont tombées sur les milliers de visiteurs qui se pressaient au château de Groussay. Beaucoup n'y ont vu que l'orage tropical qui s'est abattu sur toute l'Ile-de-France. Mais certains ont bien dû percevoir le signe du courroux des dieux, furieux de voir que le château sis en bordure de Montfort-l'Amaury resterait à jamais le rêve d'un seul homme et ne survivrait pas au siècle qui l'avait vu naître.
Plus de 25000 personnes, de la femme de ménage de Montfort à Catherine Deneuve, en passant par quelques personnages débarqués en hélicoptère, ont jeté un dernier regard sur l'oeuvre de celui qui fut un pionnier de la décoration contemporaine, déambulant dans le parc de trente hectares et se pressant devant des portes minuscules pour accéder aux salles hollandaise, espagnole ou anglaise sorties de son imagination. Trente ans durant, il fut le maître de ce rêve, dont il était la figure centrale. Avant Charles de Beistegui (1895-1970), on confiait le soin d'améliorer un intérieur aux "tapissiers", dont l'intervention se limitait en gros aux rideaux et aux sièges. Avec lui, et quelques autres de sa génération, dont son ami Emilio Terry, naîtra le concept de "décorateur".
Héritier d'une grande fortune constituée par sa famille d'origine basque dans les mines d'argent au Mexique, il a acquis en 1939 ce château palladien datant de 1815 ayant appartenu à la duchesse de Charost et à une princesse russe. La demeure était sans grand caractère: c'est justement cela qu'il cherchait, ne voulant à aucun prix d'un monument historique, dont les contraintes l'auraient empêché d'agir à sa guise. Il décora pour l'essentiel pendant la guerre le château, sur lequel il avait fait planter le drapeau espagnol, à l'écart des occupants qu'ils tenaient à distance. Lié à Paul Morand, Cocteau, Cecil Beaton, au Corbusier ou aux Noailles, Beistegui a adjoint deux ailes symétriques, inventant un décor pour chaque pièce: aile Louis XIII, salon Louis XVI bleu layette, salle de billard autrichienne, galerie Goya évoquant le palais royal du Prado. Mais les tapisseries de Goya sont contemporaines, les murs peints en trompe l'oeil (même les fissures sont fausses), la plupart des tableaux qui se chevauchent du sol au plafond des pastiches. Tout est dans le pastiche, dans les deux sens du mot : l'imitation et le mélange, celui des siècles passés comme des influences de toute l'Europe. Beistegui fut un décorateur-voyageur. Les dernières années de sa vie, victime d'une attaque cérébrale, laissant à ses visiteurs le souvenir d'un vieillard insupportable, il passait encore des heures sur son lit à imaginer de nouvelles constructions. Toutes n'ont pas été réalisées (dessins et maquettes seront mis aux enchères), mais le parc présente une série probablement unique en Europe de petits pavillons, qu'on appelle selon des termes anciens, bibelots de jardin, fabriques, ou, ce qui convient le mieux, folies : pagode chinoise, pyramide, obélisque dressé devant une "tente tartare" en métal, réminiscence de celle du Désert de Retz, elle-même inspirée par celle de Gustave II de Suède à Drottningholm, pont reprenant celui de lord Pembroke à Wilton House. Ses réalisations les plus spectaculaires sont une bibliothèque anglaise à deux niveaux avec un double escalier d'acajou en colimaçon, magnifique de formes,couleurs et proportion, ainsi qu'un petit théâtre, inspiré par celui de la margravine de Bayreuth ou des théâtres royaux français. On y fit jouer en 1957 deux représentations en tout et pour tout, d'une pièce commandée à Marcel Achard,
L'Impromptu de Groussay, dans des costumes dessinés par le maître de cérémonie. Il prit soin d'adjoindre aux invitations un échantillon de tissu des tentures pour que les femmes puissent commander des robes en harmonie. Il resta célèbre pour avoir organisé en 1951 le "bal Labia" au palais éponyme de Venise qu'il avait acheté trois ans plus tôt et entièrement redécoré.Ce fut "le bal du siècle", symbole marquant la fin de la guerre. Invités six mois à l'avance, aristocrates et stars en costume XVIIIe s'y pressaient en gondole, selon un strict cérémonial établi par de Beistegui qui les recevait coiffé d'une perruque, déguisé en procurateur de Venise. Certains de ses amis ont le sentiment que la fête en elle-même comptait moins pour lui que le décor, il serait plus exact de dire que pour lui la fête était le décor.
"Avant Beistegui, la décoration se pratiquait par sédimentation" de style d'époques successives, souligne Alexandre Pradère, l'expert en mobilier de Sotheby's. A Groussay, il ne se gênait pas pour mêler meubles allemands, vrai bureau Louis XVI et faux guéridon Louis XV. Mais les copies sont réalisées à la perfection, à un coût certainement bien supérieur à celui de l'ancien. C'est ainsi, écrivait un chroniqueur mondain de l'époque, que sont nés "un style Regency-Beistegui, un Louis XIII-Beistegui, un Second Empire-Beistegui", autant de brillantes variations sans souci des critiques adressées à celui qui s'octroyait tant de liberté. Dans un couloir est d'ailleurs accroché le témoignage de son ironie mordante: un lapin sous verre, qui fut son premier trophée de chasse, façon de se moquer des rites de l'aristocratie. Séducteur (on lui prête nombre d'enfants naturels), il mourut sans héritier. Le 6 juin au soir, le marteau tombé sur les dernières casseroles en cuivre de la cuisine, il ne restera plus que le parc et ses folies, la folie dévastée de cette vaste demeure dont les murs paraîtront bien nus aux visiteurs qui se proposeraient de l'acquérir. Son neveu, Juan de Beistegui, a fait son possible pour maintenir les lieux, mais il n'est pas aisé de vivre dans le rêve d'un autre.

Le domaine a été acheté par JEAN-LOUIS REMILLEUX, producteur de télévision, qui y a installé sa collection de meubles, peintures et objets d'art, qui a restauré le château et l'a ouvert à la visite. Le château a servi encore de studio de télévision ou de cadre pour certains films : Les Parisiens de Claude Lelouch (2004), L’Homme au ventre de plomb (série des "Aventures de Nicolas Le Floch") d’Edwin Baily (2008), La Maison du chat-qui-pelote d’après Balzac (série "Contes et nouvelles du XIXe siècle") de Jean-Daniel Verhaeghe (2008).


L'INTÉRIEUR DU CHÂTEAU

La bibliothèque est flanquée de deux escaliers en colimaçon, dans le syle des bibliothèques que l'on trouve dans certains châteaux anglais ou écossais; en acajou, en placage d'acajou ou en imitation d'acajou, elle s'offre aux visiteurs comme un décor de théâtre.

La Galerie Goya est habillée de grandes tapisseries tissées spécialement d'après les cartons de Goya conservés au Musée du Prado de Madrid ; elle mène au théâtre.

Le théâtre, de 250 places, est inspiré du Théâtre de la Margravine à Bayreuth; il a été inauguré en 1957 par la comédie Française qui  joua pour l'occasion "L'impromptu de Groussay" commandé spécialement à Marcel Achard.

La salle hollandaise a été construite dans les années cinquante dans l'aile opposée au théâtre, le sol et le plafond ayant été dessinés par Charles de Beistegui lui-même. Cet ensemble est un étonnant carambolage historique entre le style Louis XIII de la galerie, les grandes portes en acajou néo-classiques, une cheminée vénitienne, une salle à manger tout en longueur ornée de grands portraits d'aristocrates anglais, des tissus verts bordés de faïence de Delft bleu et blanc, un plafond à caisson (dont la réplique en trompe-l'oeil se trouve dans la bibliothèque), le tout éclairé par un colossal lustre hollandais en bronze de près d'un tonne.

— Le salon Marie-Antoinette, la salle de billard, le bureau, etc.


LA VISITE DU PARC ET DES FABRIQUES

wikipedia - Myrabella

Le Temple de l'Amour
Il a été construit en 1949.


wikipedia - Gfmorin

La Tente Tartare
Édifiée en 1960 et conçue en tôle peinte, elle abrite dix mille carreaux de Delft; elle s'inspire de celle que le roi Gustave III de Suède a élevée en 1781 à Drottningholm.


wikipedia - Phildic

La Pagode Chinoise
Réalisée en 1963 par Emilio Terry, décorateur et architecte d'origine cubaine, complice de Charles de Beistegui, elle a nécessité de lourds aménagements.


wikipedia - Phildic

Le Pont Palladien
Conçu en 1960 par Emilio Terry, il rappelle le pont de Wilton-Park en Angleterre et le pont des Guglie à Venise.


La Pyramide
C'est en 1968 que Beistegui conçut cette pyramide de briques roses, inspirée de celle de Caïus Cestius à Rome. 


La Colonne Observatoire
Inspirée de la colonne Vendôme, elle a été conçue en 1962.


Le Temple du Labyrinthe
Au centre d'un petit labyrinthe végétal, une "fabrique" en pierre, construite en 1967; à l'intérieur sont présentées des oeuvres du photographe anglais Cecil Beaton, qui a beaucoup fréquenté Groussay.


Les écuries et le potager
Les écuries datent de la création des bâtiments pour la duchesse de Charost entre 1815 et 1825. Les appliques lumineuses ont été probablement ajoutées dans les années quarante par Emilio Terry sous la direction de Charles de Beistegui, qui avait décoré aussi la sellerie et l'appartement des palefreniers du premier étage.

Pendant la guerre, les écuries abritaient un cheval de trait tirant un omnibus pour raccompagner les invités jusqu'à la gare. Sur un document d'époque, on peut y voir une invitée traire une vache, ce qui montre que les écuries remplissaient un rôle utile en fournissant du lais frais à toute la maisonnée.

Un jardin potager avait été installé par la duchesse de Charost dans le prolongement de l'orangerie et avait été conservé par Charles de Beistegui. Il a été transformé en jardin d'agrément et de fleurs par Juan de Beistegui. Un autre potager a été créé en 2001 près de l'entrée publique du château, par le chef jardinier, Alain Picard.


BEISTEGUI, GROUSSAY ET LE CINÉMA

— Le "Bal du siècle" costumé que donna Beistegui en 1951 à Venise a inspiré Hitchcock à la fin de La Main au Collet, Orson Welles pour la scène de bal masqué de Monsieur Arkadin et Visconti dans la grande scène de bal du Guépard.
— La décoration intérieure de Groussay a influencé Christian Bérard, un familier du château, pour le décor du film de Jean Cocteau, L'Aigle à deux têtes (1947). Cecil Beaton, le décorateur du film de Cukor My Fair Lady (1964), s'en est inspiré pour le décor de l'appartement et du bureau-bibliothèque du professeur Higgins, avec un escalier en acajou tout à fait semblable à celui de Groussay.
— En 1969, Marc Allégret a tourné à Groussay Le Bal du comte d'Orgel, avec Jean-Claude Brialy et Micheline Presle. On y voit le parc, son troupeau de daims, la Pyramide et la Tente Tartare, ainsi que l'intérieur du château avec la bibliothèque et le petit théâtre.
— Depuis que Jean-Louis Remilleux est propriétaire du château, on a pu reconnaître Groussay dans Les Parisiens de Claude Lelouch (2004), dans L’Homme au ventre de plomb (série des "Aventures de Nicolas Le Floch") d’Edwin Baily, (2008), dans des scènes d'intérieurs de La Maison du chat-qui-pelote d’après Balzac (série "Contes et nouvelles du XIXe siècle") de Jean-Daniel Verhaeghe (2008)…


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