<== Retour


BALZAC À ISSOUDUN
AU CHÂTEAU DE FRAPESLE


ZULMA CARRAUD

Le château de Frapesle appartenait au père de Zulma Tourangin, une amie d’enfance de Laure, la sœur de Balzac. Zulma épousa un officier d’artillerie, François-Michel Carraud, qui fut nommé en 1831 à Angoulême comme inspecteur de l'Arsenal. Ils habitaient à la Pouderie, à quelques kilomètres d'Angoulême.

[L’arrière-petit-fils de Zulma Carraud, Raymond Payelle (1898-1971), écrivit, sous le pseudonyme de Philippe Hériat, des romans comme La Famille Boussardel, Les Enfants gâtés (Goncourt de 1939) et des pièces de théâtre.]

Balzac fit connaissance des Carraud à Versailles. Il alla leur rendre visite à Angoulême en 1831, 1832, 1833. C’est la raison pour laquelle Les Illusions perdues, roman paru en 1837, commencent dans la ville d’Angoulême.

En 1833, les Carraud sont venus s’installer au château de Frapesle. Balzac leur fit une courte visite en avril 1834 et décida “de ne passer jamais une année sans aller habiter [sa] chambre de Frapesle”.

Il y revint tout le mois de février 1838. Zulma Carraud l’aida à découvrir Issoudun, ville qui tiendra une grande place dans son roman La Rabouilleuse (1841). En remerciement, Balzac lui dédia La Maison Nucingen (1838):  “A vous, madame, dont la haute et probe intelligence est comme un trésor pour vos amis, vous qui êtes à la fois pour moi tout un public et la plus indulgente des sœurs”. Elle fut toujours pour lui une amie sincère et dévouée.

Frapesle dans La Rabouilleuse : "Une vaste et longue avenue ornée de deux contre-allées de peupliers, mène de la ville an travers des prairies à un ancien couvent nommé Frapesle, dont les jardins anglais, uniques dans l'Arrondissement, ont reçu le nom ambitieux de Tivoli. Le dimanche, les couples amoureux se font par là leurs confidences."

Balzac a utilisé le nom de Frapesle pour un château du Lys dans la Vallée, "situé sur l'Indre entre Montbazon et Azay-le-Rideau", transposition du château de Valesne.

Le parc, créé vers 1830, a été réaménagé dans les années 1860-1870. Un réseau d'allées délimite massifs boisés et pelouses. Les éléments remarquables de ce parc paysager sont le bélier hydraulique en fonctionnement (on utilise la déclivité du terrain pour distribuer l'eau), les fabriques, la fausse rivière avec les quatre ponts qui l'enjambent, le kiosque rustique, le potager.

Le grand bâtiment de 1804 a été amélioré de 1869 à 1871 : toiture avec zinc décoratif, cheminées surélevées, balcon en bois type Louisiane.

Wiki - Martine Maillard


ISSOUDIN DANS LA RABOUILLEUSE

La Rabouilleuse contient un véritable “dossier” historique, archéologique et sociologique sur Issoudun.

UNE VILLE QUI REMONTERAIT AUX ROMAINS

[Alors que le nom de la ville vient du celtique Uxeldunum, Balzac explique le toponyme en Is-sous-dun, dun(um) désignant le donjon du château et is étant l’abréviation d’Isis; d’où sa théorie selon laquelle le donjon s’élèverait sur un ancien temple d’Isis…]

N'en déplaise à Paris, Issoudun, est une des plus vieilles villes de France. […]

En effet, des fouilles récemment opérées par un savant archéologue de cette ville, M. Armand Pérémet, ont fait découvrir sous la célèbre tour d'Issoudun une basilique du cinquième siècle, la seule probablement qui existe en France. Cette église garde, dans ses matériaux même, la signature d'une civilisation antérieure, car ses pierres proviennent d'un temple romain qu'elle a remplacé. Ainsi, d'après les recherches de cet antiquaire, Issoudun comme toutes les villes de France dont la terminaison ancienne ou moderne comporte le DUN (dunum ), offrirait dans son nom le certificat d'une existence autochtone. Ce mot Dun, l'apanage de toute éminence consacrée par le culte druidique, annoncerait un établissement militaire et religieux des Celtes. Les Romains auraient bâti sous le Dun des Gaulois un temple à Isis. De là, selon Chaumeau, le nom de la ville : Is-sous-Dun ! Is serait l'abréviation d'lsis. Richard-Cœur-de-Lion a bien certainement bâti la fameuse tour où il a frappé monnaie, au-dessus d'une basilique du cinquième siècle, le troisième monument de la troisième religion de cette vieille ville. […]

Il existe un autre témoignage de l'antique puissance d'Issoudun dans la canalisation de la Tournemine, petite rivière exhaussée de plusieurs mètres sur une grande étendue de pays au-dessus du niveau de la Théols, la rivière qui entoure la ville. Cet ouvrage est dû, sans aucun doute, au génie romain. On a pratiqué, pour les besoins des fabriques ou pour inonder les douves des remparts au temps où florissait la ville, un canal appelé maintenant la Rivière-Forcée, dont les eaux sont prises  à la Théols. La Rivière-Forcée forme un bras artificiel qui se décharge dans la rivière naturelle.

Enfin le faubourg qui s'étend du Château vers le nord est traversé par une rue, nommée depuis plus de deux mille ans, la rue de Rome. Le faubourg lui-même s'appelle faubourg de Rome. Les habitants de ce faubourg, dont la race, le sang, la physionomie ont d'ailleurs un cachet particulier, se disent descendants des Romains.


LES CHEVALIERS DE LA DÉSŒUVRANCE ET L'AUBERGE DE LA COGNETTE

Dans cette ville sans aucune activité même commerciale, sans goût pour les arts, sans occupations savantes, où chacun reste dans son intérieur, il devait arriver et il arriva, sous la Restauration, en 1816, quand la guerre eut cessé, que, parmi les jeunes gens de la ville, plusieurs n'eurent aucune carrière à suivre, et ne surent que faire en attendant leur mariage ou la succession de leurs parents. Ennuyés au logis, ces jeunes gens ne trouvèrent aucun élément de distraction en ville ; et comme, suivant un mot du pays, il faut que jeunesse jette sa gourme, ils firent leurs farces aux dépens de la ville même. Il leur fut bien difficile d'opérer en plein jour, ils eussent été reconnus ; et, la coupe de leurs crimes une fois comblée, ils auraient fini par être traduits, à la première peccadille un peu trop forte, en police correctionnelle ; ils choisirent donc assez judicieusement la nuit pour faire leurs mauvais tours. […] Ils se nommèrent les Chevaliers de la Désœuvrance.

Pendant le jour, ces jeunes singes étaient de petits saints, ils affectaient tous d'être extrêmement tranquilles; et, d'ailleurs, ils dormaient assez tard après les nuits pendant lesquelles ils avaient accompli quelque méchante œuvre. Les Chevaliers de la Désœuvrance commencèrent par des farces vulgaires, comme de décrocher et de changer des enseignes, de sonner aux portes, de précipiter avec fracas un tonneau oublié par quelqu'un à sa porte dans la cave du voisin, alors réveillé par un bruit qui faisait croire à l'explosion d'une mine. […]

Ces nouveaux Mauvais-Garcons n'étaient pas encore sortis, vers la fin de 1816, des plaisanteries que font dans toutes les provinces les gamins et les jeunes gens. Mais en janvier 1817, l'Ordre de la Désœuvrance eut un Grand-Maître, et se distingua par des tours qui, jusqu'en 1823, répandirent une sorte de terreur dans Issoudun, ou du moins en tinrent les artisans et la bourgeoisie en de continuelles alarmes. Ce chef fut un certain Maxence Gilet, appelé plus simplement Max, que ses antécédents, non moins que sa force et sa jeunesse, destinaient à ce rôle. […] Sous un tel chef, l'Ordre fit des merveilles. À partir du mois de janvier 1817, il ne se passa pas de semaine que la ville ne fût mise en émoi par un nouveau tour.

Max, par point d'honneur, exigea des chevaliers certaines conditions. On promulgua des statuts. Ces diables devinrent alertes comme des élèves d'Amoros, hardis comme des milans, habiles à tous les exercices, forts et adroits comme des malfaiteurs. Ils se perfectionnèrent dans le métier de grimper sur les toits, d'escalader les maisons, de sauter, de marcher sans bruit, de gâcher du plâtre et de condamner une porte. Ils eurent un arsenal de cordes, d'échelles, d'outils, de déguisements. Aussi les chevaliers de la Désœuvrance arrivèrent-ils au beau idéal de la malice, non seulement dans l'exécution mais encore dans la conception de leurs tours. Ils finirent par avoir ce génie du mal qui réjouissait tant Panurge, qui provoque le rire et qui rend la victime si ridicule qu'elle n'ose se plaindre. Ces fils de famille avaient d'ailleurs dans les maisons des intelligences qui leur permettaient d'obtenir les renseignements utiles à la perpétration de leurs attentats.

Par un grand froid, ces diables incarnés transportaient très bien un poêle de la salle dans la cour, et le bourraient de bois de manière à ce que le feu durât encore au matin. On apprenait alors par la ville que monsieur un tel (un avare !) avait essayé de chauffer sa cour.

Ils se mettaient quelquefois tous en embuscade dans la Grand'Rue ou dans la rue Basse, deux rues qui sont comme les deux artères de la ville, et où débouchent beaucoup de petites rues transversales. Tapis, chacun à l'angle d'un mur, au coin d'une de ces petites rues, et la tête au vent, au milieu du premier sommeil de chaque ménage ils criaient d'une voix effarée, de porte en porte, d'un bout de la ville à l'autre : – Eh ! bien, qu'est-ce ?... Qu'est-ce ? Ces demandes répétées éveillaient les bourgeois qui se montraient en chemise et en bonnet de coton, une lumière à la main, en s'interrogeant tous, en faisant les plus étranges colloques et les plus curieuses faces du monde.

Il y avait un pauvre relieur, très vieux, qui croyait aux démons. Comme presque tous les artisans de province, il travaillait dans une petite boutique basse. Les Chevaliers, déguisés en diables, envahissaient sa boutique à la nuit, le mettaient dans son coffre aux rognures, et le laissaient criant à lui seul comme trois brûlés. Le pauvre homme réveillait les voisins, auxquels il racontait les apparitions de Lucifer, et les voisins ne pouvaient guère le détromper. Ce relieur faillit devenir fou.

Au milieu d'un rude hiver, les Chevaliers démolirent la cheminée du cabinet du Receveur des Contributions, et la lui rebâtirent en une nuit, parfaitement semblable, sans faire de bruit, sans avoir laissé la moindre trace de leur travail. Cette cheminée était intérieurement arrangée de manière à enfumer l'appartement. Le Receveur fut deux mois à souffrir avant de reconnaître pourquoi sa cheminée, qui allait si bien, de laquelle il était si content, lui jouait de pareils tours, et il fut obligé de la reconstruire.

Ils mirent un jour trois bottes de paille soufrées et des papiers huilés dans la cheminée d'une vieille dévote. Le matin, en allumant son feu, la pauvre femme, une femme tranquille et douce, crut avoir allumé un volcan. Les pompiers arrivèrent, la ville entière accourut, et comme parmi les pompiers il se trouvait quelques Chevaliers de la Désœuvrance, ils inondèrent la maison de la vieille femme à laquelle ils firent peur de la noyade après lui avoir donné la terreur du feu. Elle fut malade de frayeur.

Quand ils voulaient faire passer à quelqu'un la nuit tout entière en armes et dans de mortelles inquiétudes, ils lui écrivaient une lettre anonyme pour le prévenir qu'il devait être volé ; puis ils allaient un à un le long de ses murs ou de ses croisées, en s'appelant par des coups de sifflet.

Un de leurs plus jolis tours, dont s'amusa longtemps la ville où il se raconte encore, fut d'adresser à tous les héritiers d'une vieille dame fort avare, et qui devait laisser une belle succession, un petit mot qui leur annonçait sa mort en les invitant à être exacts pour l'heure où les scellés seraient mis. Quatre-vingts personnes environ arrivèrent de Vatan, de Saint-Florent, de Vierzon et des environs, tous en grand deuil, mais assez joyeux, les uns avec leurs femmes, les veuves avec leurs fils, les enfants avec leurs pères, qui dans une carriole, qui dans un cabriolet d'osier, qui dans une méchante charrette. Imaginez les scènes entre la servante de la vieille dame et les premiers arrivés ? puis les consultations chez les notaires!... Ce fut comme une émeute dans Issoudun.

Enfin, un jour, le Sous-Préfet s'avisa de trouver cet ordre de choses d'autant plus intolérable qu'il était impossible de savoir qui se permettait ces plaisanteries. Les soupçons pesaient bien sur les jeunes gens ; mais […] il était impossible d'avoir des preuves. Le Sous-Préfet fut mis à l'Ordre de nuit , et pris aussitôt pour bête noire. Ce fonctionnaire avait l'habitude de déjeuner de deux œufs frais. Il nourrissait des poules dans sa cour, et joignait à la manie de manger des œufs frais celle de vouloir les faire cuire lui-même. Ni sa femme, ni sa servante, ni personne, selon lui, ne savait faire un œuf comme il faut ; il regardait à sa montre, et se vantait de l'emporter en ce point sur tout le monde. Il cuisait ses œufs depuis deux ans avec un succès qui lui méritait mille plaisanteries. On enleva pendant un mois, toutes les nuits, les œufs de ses poules, auxquels on en substitua de durs. Le Sous-Préfet y perdit son latin et sa réputation de Sous-Préfet à l'œuf. Il finit par déjeuner autrement. […]

Entre la rue des Minimes et la place Misère, il existait alors une portion de quartier encadrée par le bras de la Rivière-Forcée vers le bas, et en haut par le rempart, à partir de la Place d'Armes jusqu'au Marché à la Poterie. Cet espèce de carré informe était rempli par des maisons d'un aspect misérable, pressées les unes contre les autres et divisées par des rues si étroites, qu'il est impossible d'y passer deux à la fois. […] Au coin d'une de ces rues sombres, du côté le plus vivant de ce quartier, il exista de 1815 à 1823, et peut-être plus tard, un bouchon tenu par une femme appelée la mère Cognette. Ce bouchon consistait en une maison assez bien bâtie en chaînes de pierre blanche dont les intervalles étaient remplis de moellons et de mortier, élevée d'un étage et d'un grenier. Au-dessus de la porte, brillait cette énorme branche de pin semblable à du bronze de florence. Comme si ce symbole ne parlait pas assez, l'œil était saisi par le bleu d'une affiche collée au chambranle et où se voyait au-dessous de ces mots : BONNE BIÈRE DE MARS, un soldat offrant à une femme très décolletée un jet de mousse qui se rend du cruchon au verre qu'elle tend, en décrivant une arche de pont, le tout d'une couleur à faire évanouir Delacroix.

Le rez-de-chaussée se composait d'une immense salle servant à la fois de cuisine et de salle à manger, aux solives de laquelle pendaient accrochées à des clous les provisions nécessaires à l'exploitation de ce commerce. Derrière cette salle, un escalier de meunier menait à l'étage supérieur, mais au pied de cet escalier s'ouvrait une porte donnant dans une petite pièce longue, éclairée sur une de ces cours de province qui ressemblent à un tuyau de cheminée, tant elles sont étroites, noires et hautes. Cachée par un appentis et dérobée à tous les regards par des murailles, cette petite salle servait aux Mauvais-Garçons d'Issoudun à tenir leur cour plénière. Ostensiblement le père Cognet hébergeait les gens de la campagne aux jours de marché ; mais secrètement il était l'hôtelier des Chevaliers de la Désœuvrance.

Ce père Cognet, jadis palefrenier dans quelque maison riche, avait fini par épouser la Cognette, une ancienne cuisinière de bonne maison. […] En réunissant leurs économies, le père Cognet et sa femme avaient acheté cette maison pour s'y établir cabaretiers. La Cognette, femme d'environ quarante ans, de haute taille, grassouillette, ayant le nez à la Roxelane, la peau bistrée, les cheveux d'un noir de jais, les yeux bruns, ronds et vifs, un air intelligent et rieur, fut choisie par Maxence Gilet pour être la Léonarde de l'Ordre, à cause de son caractère et de ses talents en cuisine. Le père Cognet pouvait avoir cinquante-six ans, il était trapu, soumis à sa femme, et, selon la plaisanterie incessamment répétée par elle, il ne pouvait voir les choses que d'un bon œil, car il était borgne.

En sept ans, de 1816 à 1823, ni le mari ni la femme ne commirent la plus légère indiscrétion sur ce qui se faisait nuitamment chez eux ou sur ce qui s'y complotait, et ils eurent toujours la plus vive affection pour tous les Chevaliers; quant à leur dévouement, il était absolu ; mais peut-être le trouvera-t-on moins beau, si l'on vient à songer que leur intérêt cautionnait leur silence et leur affection. À quelque heure de nuit que les Chevaliers tombassent chez la Cognette, en frappant d'une certaine manière, le père Cognet, averti par ce signal, se levait, allumait le feu et des chandelles, ouvrait la porte, allait chercher à la cave des vins achetés exprès pour l'Ordre, et la Cognette leur cuisinait un exquis souper, soit avant, soit après les expéditions résolues ou la veille, ou pendant la journée.

C'est là que les Chevaliers de la Désœuvrance préparèrent un de leurs meilleurs tours. Un vieil Espagnol, ancien prisonnier de guerre, et qui, lors de la paix, était resté dans le pays, où il faisait un petit commerce de grains, vint de bonne heure au marché, et laissa sa charrette vide au bas de la Tour d'Issoudun. Maxence, arrivé le premier au rendez-vous indiqué pour cette nuit au pied de la Tour, fut interpellé par cette question faite à voix basse : – Que ferons-nous cette nuit ? – La charrette du père Fario est là, répondit-il, j'ai failli me casser le nez dessus. Montons-la d'abord sur la butte de la Tour, nous verrons après. […] En une heure, la charrette fut démontée, hissée pièce à pièce sur la butte au pied de la tour par un travail semblable à celui des soldats qui portèrent l'artillerie au passage du Mont Saint-Bernard. On remit la charrette en état et l'on fit disparaître toutes les traces du travail avec un tel soin qu'elle semblait avoir été transportée là par le diable ou par la baguette d'une fée. Après ce haut fait, les Chevaliers, ayant faim et soif, revinrent tous chez la Cognette, et se virent bientôt attablés dans la petite salle basse, où ils riaient par avance de la figure que ferait le Fario, quand, vers les dix heures, il chercherait sa charrette.

Wiki-Benjism89

 

La Cognette aujourd'hui


LES MASSEPAINS D'ISSOUDUN

Balzac était toujours à court d’argent (il demandait en juin 1838 à son amie Zulma Carraud de lui trouver une femme de trente ans qui acceptât de l’épouser et de payer ses dettes). Il essayait de monter des “affaires” qui auraient dû être lucratives (papeteries d’Angoulême, mines d’argent de Sardaigne…). C’est ainsi qu’en découvrant les “massepains d’Issoudun”, une spécialité de la pâtisserie locale à base d’amandes pilées et de sucre, il eut l’idée de les faire commercialiser à Paris, par un pâtissier de la rue Vivienne. Il rédigea lui-même le prospectus publicitaire, dans lequel il glissa une citation de son propre roman La Rabouilleuse:

“Je viens d’ouvrir rue Vivienne, 38 bis, un magasin pour l’exploitation de ce produit dont la réputation, dans le Berry, a près d’un siècle d’existence et dont le plus remarquable romancier de notre époque parle ainsi dans un des ses ouvrages : “Cette digne femme avait eu la recette de ces si célèbres religieuses auxquelles on doit le massepain d’Issoudun, l’une des plus grandes créations de la confiturerie française et qu’aucun chef d’office, cuisinier, pâtissier et confiturier n’a pu contrefaire. M. de Rivière, ambassadeur à Constantinople, en demandait tous les ans de grandes quantités pour le sérail du sultan Mahmoud.” (H. de Balzac). Cette pâtisserie unique, qui, jusqu’à ce jour, n’avait été faite que pour la table des riches, va être popularisée au moyen de la division adoptée pour la vente; on offrira au public parisien des massepains d’Issoudun depuis soixante francs jusqu’à cinq francs. Dans le but de faire apprécier les qualités hors lignes de cette pâtisserie, on en débitera des tranches de cinquante centimes au magasin.”

Ce fut un succès… qui ne dura guère plus de quinze jours !


<== Retour