PIERRE MARIE SÉBASTIEN BIGOT DE MOROGUES (1776-1840)
Pierre Marie Sébastien Bigot de Morogues, est né à Orléans en 1776 dans une famille d'ancienne noblesse du Berry imprégnée par l'esprit des Lumières.
Après un court séjour (1788-1791) à l'école de la Marine de Vannes, interrompu par la Révolution, il fut, à partir de 1794, étudiant à Paris à l'École des Mines de Paris. En 1807, il alla étudier sur le terrain la géologie et la minéralogie (Bretagne, Vosges, Jura, Savoie). En 1810, il devint membre de la Société des Sciences physiques et médicales d'Orléans.
L'AGRONOME ET L'ÉCONOMISTE
Son épouse ayant reçu de sa famille la propriété de La Source, au sud d'Orléans, il y passa désormais la plus grande partie de l'année, restaurant le château, rajeunissant le parc et mettant en exploitation tout le domaine. L'agronomie fut au centre de ses intérêts. Visitant la Sologne, il décida de travailler à l'amélioration de cette région très pauvre, grâce à l'assèchement des marécages, à la plantation de pins et de vignes. Ce qui l'amena à publier un Essai sur les moyens d'améliorer l'agriculture en France, particulièrement dans toutes les provinces les moins riches et notamment en Sologne (1822), suivi de Importance des connaissances agricoles pour la prospérité de la France (1823).
Convaincu que le défaut de production était dû en grande partie à l'ignorance et aux mauvaises habitudes du peuple, il proposa de développer l'instruction dans les plus petits villages. Les compétences qu'il avait acquises lui permirent de devenir membre correspondant de la Sociéré royale et centrale d'agriculture. Il multiplia les publications sur l'oenologie, la dendrologie, le commerce des laines… Pour le Nouveau cours complet d'agriculture des frères Pourrat, qui devait paraître en 16 volumes en 1834, il donna une quinzaine d'articles.
Tous ses travaux l'amenèrent à s'intéresser à l'économie alors que, surout à partir de 1830, le monde agricole était confronté au développement de l'industrie et des machines. En 1831, il présenta à l'Académie royale des Sciences, un mémoire De l'utilité des machines, de leurs inconvénients et des moyens d'y remédier en assurant l'extension et les progrès de notre agriculture.
Sous le règne de Louis-Philippe, toujours soucieux d'améliorer le sort des paysans et des ouvriers, il publia un mémoire De la misère des ouvriers et de la marche à suivre pour y remédier (1832), Du paupérisme, de la mendicité et des moyens d'en prévenir les funestes effets (1834) et Recherches des causes de la richesse et de la misère des peuples civilisés; application des principes de l'économie politique (1834).
L'HOMME POLITIQUE
Le baron de Morogues a connu plusieurs régimes politiques : dans son adolescence la monarchie absolue de Louis XVI, puis l'anarchie de la République, suivie du despotisme de l'Empire; il avait 38 ans lorsqu'il salua le retour des Bourbons et approuva la Charte du 4 juin 1814; il connut ensuite les six années du règne de Charles X et les dix premières années du règne de Louis-Philippe, auquel il s'était rallié dès 1830.
Dès le début de la Restauration, il publia à Orléans De l'influence de la forme du gouvernement sur l'honneur et la tranquillité nationale (1815), affirmant la nécessité de se rallier aux formes constitutionnelles de la Charte.
Il fut maire de Saint-Cyr-en-Val de 1815 jusqu'à son décès en 1840 (c'est son fils Achille qui lui succèdera à la mairie, puis son petit fils Édouard). Il siéga, dès la même année 1815, au Conseil d'arrondissement d'Orléans. Plus tard Louis-Philippe le nomma Conseiller général du Loiret (1831) et lui décerna la dignité de Pair de France (1835). A la Chambre des Pairs, il votait avec le gouvernement, tout en ne ménageant pas ses critiques.
Ses propositions pour une monarchie adaptée en fonction des progrès de la Société sont contenues dans trois ouvrages principaux :
– La Noblesse constitutionnelle ou Essais sur l'importance politique des honneurs et des distinctions héréditaires appliqués et modifiés conformément aux progrès actuels de la Société (1825)
– Politique religieuse et philosophique ou Constitution morale du gouvernement (4 vol., 1827)
– La Politique basée sur la morale et mise en rapport avec les progrès de la Société ou Constitution morale du gouvernement (1834)
Parmi les multiples propositions que contiennent ces ouvrages, on peut retenir:
– Le progrès social est indispensable pour garantir la paix sociale.
– Il faut développer l'économie agricole au détriment des activités commerciales et manufacturières, par exemple en créant des colonies agricoles pour la mise en valeur des terroirs pauvres par les chômeurs des villes.
– Il faut encourager le goût du luxe pour maintenir le travail artisanal et garder un savoir faire précieux.
– Il faut faire en sorte que l'instruction primaire puisse éduquer l'ensemble de la population.
– L'instruction supérieure doit laisser de côté les études littéraires (grec et latin, Homère et Virgile) pour se consacrer à la formation d'un corps permanent d'ingénieurs.
– Un gouvernement représentatif issu de la Constitution n'est viable que si ses membres font preuve de vertu, celle-ci leur permettant de ne pas céder à la tentation, de résister aux pressions égoïstes et de promulguer des lois sociales réformistes, dans l'intérêt général
– Souhaitant fonder la société sur des bases morales, il estime que la religion est nécessaire, car la conviction de l'existence active de Dieu est le premier point de départ en fait de morale. Il se livre pourtant à une vive critique du catholicisme, car « ceux qui ont voulu se servir de la religion pour étayer leur pouvoir lui ont sustitué des pratiques astreignantes ». Toutefois, écrit-il, les pratiques pieuses doivent être conservées, car elle sont utiles.