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CLAVERET

L'ÉCUYER OU LES FAUX NOBLES MIS AU BILLON



Cette comédie, l'Écuyer ou les faux nobles mis au billon, ne fut pas représentée, Claveret étant alors éloigné de Paris (il était peut-être revenu à Orléans) ; elle fut seulement imprimée en 1665.

Claveret s'en explique dans la dédicace : "Je sais bien, Messieurs, que cette comédie vous aurait semblé plus agréable si je l'avais parée de toutes les grâces et de tous les ornements que lui peut donner le théâtre, sans lequel ce n'est qu'un corps inanimé. Mais les fruits de l'esprit, aussi bien que ceux de la terre, ne mûrissent pas facilement lorsqu'ils sont éloignés du soleil ; et je ne suis plus d'humeur à briguer la faveur du Parnasse et affecter encore la gloire de voir mon nom affiché au coin des rues de Paris pour de semblables bagatelles. […] Quoique les Muses soient filles du Ciel, et par conséquent immortelles, il est certain que je croyais la mienne pour jamais morte au théâtre ; mais la galanterie que je vous présente l'a ressuscitée. […] Je vous avoue sans vanité, Messieurs, que quelques-uns de mes ouvrages ont été représentés autrefois sur les plus beaux théâtres de la France. […] Mais si vous prenez la peine de lire cette pièce sans préoccupation d'esprit, j'ose me persuader que la beauté et la force de votre imagination lui serviront d'un théâtre tout à fait agréable."

Cette comédie est dédiée "aux vrais nobles de France" dont, dit-il, le roi a voulu faire éclater la vraie gloire en démasquant les faux nobles qui ont usurpé ce titre. En effet, la pièce exploite un thème d'actualité, la recherche de noblesse.

La recherche de noblesse

Devant la foule de ceux qui, dans la seconde moitié du XVIIe siècle se disaient « écuyers », le roi, le 22 juin 1664, confia à la Cour des Aides — et, particulièrement à un certain Thomas Bousseau — la mission de détecter les usurpateurs de noblesse et tous ceux qui avait pris illégalement la qualité d'écuyer.

Les raisons de cette usurpation étaient essentiellement fiscales, puisque les écuyers étaient dispensés de payer la taille. C'est pourquoi, souvent, ils étaient dénoncés par ceux qui avaient affermé les tailles (qu'on appelait les "traitants"), d'autant que c'est à eux qu'étaient versées les amendes prononcées contre les faux nobles.

Pour cette raison, tous ceux qui étaient ou se disaient nobles, tous ceux qui accompagnaient leur nom de la qualité d'écuyer ou de chevalier, ont été invités à venir montrer leurs parchemins  à des fins de vérification. On exigeait d'eux des documents écrits dont l'authenticité était soigneusement vérifiée par de officiers de la Cour des Aides.

Parfois les commissaires se montraient intraitables à l'égard d'un noble authentique qui ne pouvait fournir de preuves écrites, ses papiers ayant disparu ("rongés par les rats"). Parfois aussi ils se montraient indulgents si un noble suspecté de roture savait se montrer généreux envers eux, pratique qui obligea les intendants à surveiller de plus près les procédures. On assista aussi à la fabrication de faux papiers établissant des parentés avec d'anciennes familles homonymes qui s'étaient éteintes.

C'est ainsi que La Fontaine, accusé d'usurpation du titre d'écuyer dans le libellé deux contrats, a été, de ce fait, condamné à deux mille livres d'amende par le fameux Thomas Bousseau. Pour la même raison, la noblesse qui avait été conférée au père de Corneille en mars 1637 fut alors abolie (avant d'être rétablie l'année suivante) ; et c'est peut-être pour se venger de son vieil « ennemi », un quart de siècle plus tard, que Claveret a choisi ce thème de la noblesse usurpée…

Cette « recherche de noblesse » a causé beaucoup de troubles en 1664-1665, et Claveret en a fait, cette année-là, le sujet d'une comédie.

Résumé de L'Écuyer

Dans sa pièce, Damon est un jeune gentilhomme riche et qui s'est illustré dans la guerre. Il est fiancé à une jeune fille, Fanchon, qu'il est sur le point d'épouser. Mais Fanchon ne veut plus de ce mariage, car Damon a perdu les papiers qui lui permettraient de prouver qu'il est bien Écuyer et elle craint que son futur mari ne soit déchu de son titre par la commission, donc humilé et, de plus, obligé de payer des impôts.

Le père de Fanchon ne sait comment faire devant la lubie de sa fille. Finalement cette affaire d'écuyer fait perdre la tête à tout le monde. Car le terme d'écuyer prêtait à confusion, d'autant plus que de nombreuses charges et emplois conféraient, mais pour la durée de la charge seulement, cette qualité d'écuyer.

Alors Claveret, jouant sur les différents sens qu'avait alors le mot "écuyer", fait entrer en scène, trois prétendants à la main de Fanchon : d'abord Clidamor, mais c'est un écuyer d'écurie (c'est-à-dire qu'il enseigne l'équitation dans une académie) ; ensuite Lisandre, mais c'est l'écuyer d'une dame (c'est-à-dire qu'il a charge d'accompagner cette dame dans ses sorties pour l'aider à monter dans sa voiture ou en descendre) ; enfin Bertrand, mais c'est un écuyer de la maison du roi (c'est-à-dire qu'il exerce les fonctions de maître d'hôtel)…. Bien sûr Fanchon écarte tous ces prétendants.

Un autre prétendant à la main de la jeune fille, appelé le Président, a, lui aussi, été sommé de justifier sa noblesse : s'il est reconnu réellement noble, Fanchon pourrait bien l'épouser.

Donc on attend fébrilement le verdict de la Cour des Aides. Certes Damon a montré ses titres à noblesse au père de Fanchon ; mais, comme ce ne sont que des copies (les originaux étant entre les mains de la Cour), le père n'accepte pas de lui donner sa fille ; il n'en aura que la copie, c'est-à-dire seulement un portrait d'elle !

Finalement, tout s'arrange. Comme on s'y attendait, la Cour des Aides a validé les titres de Damon, qui pourra épouser sa Fanchon.


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