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Marie-Anne Barbier

LE FAUCON

comédie


 

Le thème de l'homme qui sacrifie son faucon par amour pour la femme aimée se trouve d'abord dans le Décaméron de Boccace (1353). Il a été repris en 1668 par Mme de Villedieu dans une de ses nouvelles de Carmante, histoire grecque, puis, la même année, par La Fontaine dans un de ses Contes, Le Faucon. Jean Moréas transposera lui aussi le texte de Boccace dans un de ses Trois Contes.


BOCCACE
A Forence, le beau et jeune Federigo était amoureux d'une gente dame, Monna Giovanna. Pour gagner son amour, il dépensa toute sa fortune en fêtes et cadeaux. Mais la dame restait insensible à tout ce que son amant faisait pour elle. Alors Federigo, ruiné, se réfugia dans une  modeste métairie en compagnie d'un faucon dressé pour la chasse, qui était le seul plaisir qui lui restât. Lorsque le mari de Monna Giovanna mourut, celle-ci vint passer un été, avec son jeune fils,  dans  une maison de campagne proche de la métairie de Federigo. Là le garçon tomba gravement malade et demanda, par caprice, le faucon de son voisin. Après avoit hésité, sa mère alla s'inviter à dîner chez Federigo. Celui-ci, très embarrassé d'être sans ressources, se décida alors à tordre le cou à son faucon, à la mettre à la broche et à le servir en fricassée à la dame. Après le repas, celle-ci se décida enfin à demander le faucon dont la présence auprès de son fils pourrait lui redonner la santé. Désespéré, Federigo ne put que lui montrer les plumes, les pattes et de bec de l'oiseau. Monna Giovanna fut sensible au sacrifice que son amant avait fait pour lui plaire. Après la mort de son enfant, dont elle avait hérité de tous les biens, elle épousa Federigo, qui devient à nouveau très riche et vécut en joie avec elle jusqu'à la fin de ses jours.

Le Décaméron, Ve Journée, IXe nouvelle (1353)


MADAME DE VILLEDIEU
Simas est amoureux d'Iphise, l'épouse de son ami Artémis, qui se trouve momentanément en prison. Bien qu'il ait perdu une partie de ses biens en aidant ses amis, Simas entretient Iphise dans un train magnifique. Quant à lui, il se contente d'une vie pauvre et du plaisir de chasser avec un faucon. Quand Artémis est libéré, il retrouve sa femme qui, imprudemment, lui vante les bontés de Simas à son égard. Artémis en conçoit une jalousie furieuse et il imagine un moyen de les surprendre ensemble. Il assiste, caché, à un maigre repas où le malheureux Simas n'a rien d'autre à offrir à celle qu'il aime que son cher oiseau, réduit en fricassée. Apprenant ce sacrifice inattendu, Iphise fond en larmes de reconnaissance. Mais la jalousie d'Artémis confine à la folie. Il tourmente sa femme au point que celle-ci se donne la mort dans l'espoir de rétablir l'amitié entre Simas et Artémis.

"Histoire de Simas et d'Iphise", dans Carmante, histoire grecque (1668)


LA FONTAINE
A Florence un homme riche, Fédéric, aimait follement une dame Clitie, riche elle même et mariée avec un enfant. Pour la divertir, il dépensa sans compter, mais sans rien obtenir d'elle. Ruiné, il ne conserva qu'une modeste ferme où il se réfugia. Pour se nourrir, il chassait les perdrix avec un faucon auquel il était très attaché. Quand le mari de Clitie mourut, son testament stipulait que, au cas où son enfant mourrait, c'est elle qui hériterait. Bientôt l'enfant tomba malade et, quand sa mère lui demandait ce qu'il voulait, il réclamait chaque fois le faucon de son voisin. Alors Clitie se décida à aller faire visite à ce Fédéric qui l'aimait, lui disant qu'elle venait seulement s'inviter à déjeuner. Fédéric, pris de court, se désola de n'avoir rien à lui offrir ; alors il se résigna à tordre le cou à son faucon et à le servir en fricassée à la dame. Après le repas, Clitie avoua le véritable but de sa visite : son fils mourant voudrait qu'on lui apporte le faucon de son voisin. Et l'amant fut obligé d'avouer : « L'oiseau n'est plus, vous en avez dîné ». La dame fut sensible à cette preuve d'amour et, lorsque le chagrin de la mort de son fils fut dissipé, elle épousa Fédéric, qui fut à nouveau très riche.
Le Faucon, nouvelle tirée de Boccace, dans Contes et Nouvelles III

 


Résumé de la comédie :

Fédéric aimait la belle Axiane et il s'est ruiné en vain pour la séduire. Désormais lui et son valet Pasquin n'ont pour se nourrir que le gibier que leur rapporte un faucon. Mais voici qu'Axiane, lasse d'avoir trop chassé, demande à se reposer auprès de Fédéric; bien plus elle souhaite qu'il l'invite à dîner. Dans le désarroi que suscite cette demande, Federic se résigne à sacrifier son faucon et demande à Pasquin d'aller le mettre à la broche pour qu'il soit servi à la belle. Arrive alors Axiane, qui décide de mettre l'amour de Fédéric à l'épreuve : s'il l'aime, qu'il lui fasse cadeau de son faucon. Fédéric est obligé d'avouer : « l'oiseau n'est plus: vous en allez dîner ». Émue d'apprendre qu'il a sacrifié pour elle le seul bien auquel il était attaché, Axiane lui accorde son amour.


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