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Charles Barbara

LE RIDEAU


 

RÉSUMÉ :

En face de ma fenêtre, je voyais une fenêtre obturée par un rideau de taffetas vert. Et ce rideau me fascinait. Chaque nuit j'attachais mon regard à la pâle lumière qu'on voyait derrnière et aux ombres qui bougeaient. Une nuit, je crus y voir la silhouette d'une jeune fille; je crus même qu'elle me regardait à travers le rideau et nos regards croisés établirent comme une union magnétique entre nous; alors dans mon esprit se constitua l'image d'une femme parfaite.

Mon voisin, un petit vieux malicieux, qui me surprenanait dans ma contemplation, essayait de m'aborder; mais chaque fois je repoussais l'importun.

Un jour, alors que le rideau était éclairé par le soleil, je vis qu'il était animé par des sortes d'ondulations et bientôt il me sembla qu'un doigt traçait sur lui des lettres; je crus lire JE T'AIME, et ces deux syllabes m'inondèrent de bonheur.

La nuit suivante, à la clarté de la lune, j'eus la surprise de trouver le rideau relevé, laissant voir le buste d'une femme étrangement belle, harmonieusement parfaite. Je m'imaginais qu'elle était une jeune vierge contrainte d'épouser un homme qui lui était indifférent et qui, depuis qu'elle m'avait vu, avait choisi de mourir, afin de nos âmes puissent s'unir dans un éternel embrassement. À mon réveil, fou de jalousie, je descendis dans la rue. Je vis alors entrer dans sa maison des hommes vêtus de noir; celui qui paraissait plus jeune que les autres était sans doute mon rival, le fiancé venu pour la signature du contrat…

Au début de la nuit, on entendit des cris venant de derrière le rideau. Mon voisin me dit: « C'est la voisine qui se meurt, la pauvre fille! ». Je passai une nuit affreuse. Le jour venu, je crus voir à nouveau des ondulations sur le rideau et je déchiffrai ce mot: « Adieu ».

Le soir, le rideau fut arraché et je vis plusieurs personnes pleurant autour d'un lit sur lequel gisait ma maîtresse morte. Le lendemain se déroulèrent les obsèques; au cimetière, j'essayai de me persuader que l'esprit de la morte, qui m'avait aimé pour mon âme, continuerait de m'accompagner dans ma vie.

Quelques jours plus, je découvris dans le journal que ma voisine morte s'appelait Mlle Dulac et qu'elle avait 87 ans…

 


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