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Charles Barbara

ESQUISSE DE LA VIE D'UN VIRTUOSE


 

RÉSUMÉ :

Le violoniste Ferret était le fils du luthier Antoine Ferret. Celui-ci voulut à tout prix faire de son fils un grand musicien, sans se rendre compte qu'il n'en avait pas la capacité. Après sa sortie du Conservatoire, par un travail acharné, Ferret essaya pendant plusieurs années de donner satisfaction à son père qui voulait faire de lui un brillant soliste et non un vulgaire « racleur d'orchestre ». Pour cela le vieux Ferret, sacrifia tout, dissuadant même son fils de venir à l'enterrement de sa mère afin d'économiser le prix du voyage.

Il arriva que Ferret ait une liaison avec une femme un peu plus âgée que lui, qui veilla sur lui comme s'il était un enfant. Mais il rompit avec elle, se sentant coupable de connaître avec elle un certain bonheur alors que son père, endetté, sombrait peu à peu dans la misère.

Ce n'est que dans ses rêves que Ferret se voyait célèbre, applaudi, aidant son père, élevant un riche tombeau à sa mère, secourant les pauvres et retrouvant la femme aimée.

Un jour, il apprit avec épouvante qu'un violoniste italien, qui remportait d'immenses succès en Italie, en Allemagne et en Hollande, allait venir donner un concert à l'Opéra de Paris. Il put assister à ce qui fut un véritable triomphe : l'Italien joua d'une manière si extraordinaire qu'on soupçonna qu'il avait fait un pacte avec le diable. Ferret comprit que c'était la fin de son unique rêve. En sortant de la salle, il s'évanouit et, rentré dans sa mansarde, fut tenté par le suicide et sombra dans le désespoir.

C'est alors qu'une vieille femme entra discrètement dans sa vie, celle, bien sûr, qu'il avait autrefois rejetée. Entièrement gouverné par elle, il continua à vivre.

Il essaya d'abord de s'intégrer à un orchestre, mais il s'en révéla incapable. Alors il alla de chute en chute : on l'entendit dans un orchestre de vaudeville, puis comme musicien de bal, allant de guinguette en guinguette. Avec sa compagne, il parcourait la province. Un entrepreneur de spectacles annonca, à Genève, la venue de Ferret le grand violoniste génial ; mais le public, apitoyé, ne vit qu'un saltimbanque capable de jouer en tenant son violon dans toutes les positions.

Lorsqu'il passa dans son pays natal, il réussit à trouver, au fond du cimetière, la tombe abandonnée de sa mère; et sa compagne, pour l'apaiser, vint y mettre quelques fleurs. Epuisé, il n'était plus alors qu'un vieillard décrépit, allant jouer de café en café, de cabaret en cabaret.

Il trouva cependant une sorte de consolation, et même un grand bonheur, un jour qu'à Paris, dans le quartier Saint-Marcel, il fut invité au mariage de la fille d'un aveugle. Il joua ce jour-là devant un parterre d'aveugles, qui lui firent un triomphe. Il eut alors l'impression de retrouver la mémoire et d'obtenir enfin cette gloire dont il avait rêvé jadis, mais une gloire dérisoire et éphémère, acquise au prix de longues épreuves et de beaucoup de sacrifices

Alors il peura, ayant toujours près de lui sa fidèle compagne de misère. En effet, « là où il y a des consolations à prodiguer, des courages à soutenir, des sacrifices à faire, quelque acte d'héroïsme à accomplir, n'est-on pas assuré de toujours rencontrer une femme ? 


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