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MONTAIGNE LECTEUR DE TACITE



La bibliothèque de Montaigne contenait 250 volumes, dont 140 étaient latins et tout lecteur, même occasionnel, sait combien sont nombreuses dans les Essais les citations d’auteurs latins et les références à leurs œuvres ; les travaux récents de Mary B. Mac Kinley [1] ont, par exemple, montré que sur un total d’environ 1300 citations 800 étaient latines.

Ce sont les œuvres de toutes les époques qui intéressent Montaigne, de Plaute à Juvénal en passant par Cicéron, Virgile et Sénèque ; il lit aussi les auteurs de la fin de l’empire : Claudien, par exemple, et Saint-Augustin, sans négliger bien sûr les néo-latins de son temps.

Montaigne manifeste cependant une prédilection certaine pour les poètes, parmi lesquels Lucrèce, Horace Ovide, Martial, et surtout Virgile, sont manifestement ses préférés [2]. Cependant la philosophie morale et l’histoire sont à la base du système éducatif de la Renaissance et Montaigne, parmi les prosateurs, pratique évidemment beaucoup les œuvres morales de Cicéron et les historiens, qui sont, dit-il, sa droite balle [3].

Dès 1578, Montaigne lit César et en annote un exemplaire encore actuellement conservé à la bibliothèque du château de Chantilly. Le commentaire, qu’on peut déchiffrer sur la page de garde, est du même type que ceux que Montaigne a retranscrits à la fin de l’essai 2,10 (Des Livres) et c’est la raison pour laquelle A. Thibaudet le reproduit en note dans l’édition de la Pléiade [41]. Une différence pourtant : les commentaires que Montaigne recopie sont ceux des ouvrages qu’il ne lira qu’une fois ; ce n’est évidemment pas le cas pour César, qui l’intéresse aussi en tant qu’homme. Montaigne lit également Salluste, Tite-Live, assez tardivement découvert et dont il ne laisse pas de commentaire, enfin, et surtout peut-être, Tacite dont la situation est très particulière, puisqu’il fournit à la fois peu de références et un long développement critique.

Découvert grâce à l’édition commentée de Marc Antoine de Muret et par celle que Juste Lipse, un ami de Montaigne, produit de 1574 à 1607, Tacite connaît une grande faveur en France à partir de 1570 et va même rapidement faire figure de guide dans le domaine politique, bien que certains jugent son influence néfaste. Dès 1575 sans doute, Montaigne lit les Opuscules et découvre l’œuvre entière qu’il ne lira vraiment qu’après 1580 et probablement vers 1585-1586.

Assez curieusement pourtant, ce n’est pas par Juste Lipse, mais, aux dires de Montaigne lui-même [51] à la suasion d’un gentil’homme que la France estime beaucoup qu’il découvre Tacite ; il s’agit sans doute du comte de Guison, Louis de Foix, au mariage duquel Montaigne assiste en 1579 et à l’enfant à venir duquel il a dédié l’Institution des enfants ; il ne s’agit donc pas apparemment d’un véritable élan.

Dès 1580 cependant, on trouve deux citations de Tacite et quatre références à son œuvre.

En 2,10 [6], à propos du style de Cicéron, Montaigne reprend deux remarques du Dialogue des Orateurs et il cite, en 2,20 [7], mais en désordre, la sententia finale du discours de Cassius Longinus au Sénat : habet aliquid ex iniquo omne magnum exemplum, quod contra singulos utilitate publica rependitur (Ann., 14,44,4).

En 1,44 [8], il prend l’exemple d’Othon qui dormit avant son suicide (Hist., 2, 49), mais la référence peut venir aussi de Suétone (Vie d’Othon, 11). En 2,8 [9], il évoque Lucain, qui mourut en récitant un passage de la Pharsale (Ann., 15,70, 1). En 2,17 [10], il rappelle, en l’attribuant à Messala, une phrase de Julius Secundus sur l’inadaptation à l’art oratoire des salles et des vêtements de son temps (Dial., 39). En 2,35 [11] enfin, il reprend le récit de la mort de Sénèque en suivant de près le texte même des Annales (Ann., 15,60-64).

On peut ainsi remarquer que dans l’édition de 1580 les citations ne proviennent que du Dialogue des Orateurs et des Annales. Dans les Annales, elles ne sont en outre prises que dans les livres 14 et 15 et concernent toutes le thème de la mort : Othon, Lucain, Sénèque, et même la dernière phrase du discours de Cassius Longinus, qui concerne la nécessité de tuer tous les esclaves du préfet Pedanius Secundus. La régularité du choix pourrait laisser croire qu’elles ont été tirées d’un recueil, à moins que Montaigne n’éprouve un intérêt particulier pour le thème.

La seconde hypothèse est évidemment la meilleure, car ces tendances, déjà sensibles avant 1580, se confirment dans les éditions de 1588 et de 1595.

D’une part, les citations restent rares. On n’en trouvait que deux dans le texte de 1580, on n’en trouvera encore que deux en 1588 : l’une en 3,8 [12] (Ann., 4, 18, 3 : Beneficia eo usque laeta sunt dum videntur exsolvi posse ; ubi multum antevenire. pro gratia odium redditur), l’autre en 3,11 [13] (Hist., 1, 22, 4 : cupidine ingenii humani libentius obscura credendi), et que 3 en 1595, la première en 2,17 [14] (Agr., 1 : nec id Rutilio et Scauro citra fidem aut obtrectationi fuit), la seconde en 3,3 [15] (Ann., 13,45 : neque adfectui suo aut alieno obnoxia), la dernière en 3,13 [16] (Ann., 3, 25, 1 : utque olim flagitiis, ita tum legibus laborabatur).

D’autre part, les références et les emprunts restent tous en rapport avec le thème de la mort. Sans vouloir être absolument exhaustif, et sans inclure le chapitre 8 du livre 3, sur lequel on reviendra, on trouve, par exemple, en 1,3 [17] une référence aux soldats qui accusent Néron devant lui avant de mourir (Ann., 15,66-69), en 2,8 [18] une référence à la mort de Cremutius Cordus dont les livres furent brûlés (Ann., 4, 34-35), en 2,32 [19] une référence à la mort de Sénèque et à celle d’Epicharis (Ann., 15, 57), en 3,1 [20] une référence au refus de Tibère à faire tuer Arminius (Ann., 2, 88, 1), en 3,5 [21] une référence à la mort de Messaline (Ann., 11, 26-38), en 3,9 [22] une référence à la mort de Tigellin (Hist., 1, 72, 4).

Peu nombreuses et souvent couplées à d’autres, les citations sont utilisées, comme presque toujours chez Montaigne, dans un but qui est plus ornemental que d’autorité. Expression d’un pessimisme mordant et presque amer, portant sur les bienfaits qu’on rend, sur la crédulité de l’homme ou sur les lois, elles sont toujours très caractéristiques de Tacite, qui n’est cependant que peu utilisé et peu cité.

Guère plus fréquents que les citations, les emprunts expriment manifestement la préoccupation de Montaigne devant la mort, mais ils sont aussi très caractéristiques d’une certaine attitude devant l’historien latin. Si nous n’avions en effet de Tacite que les emprunts et les citations des Essais, nous pourrions penser qu’il a écrit, non pas des histoires, mais des biographies, des vies parallèles comme Plutarque, ou plutôt même des « morts parallèles ».
L’unité du thème indique ainsi chez Montaigne, une démarche particulière, une lecture spéciale de Tacite, fondée en fait sur une ambiguïté que l’étude du long commentaire de 3,8 [23] va nous confirmer.

Ce commentaire présente d’emblée un caractère exceptionnel : c’est le plus long que Montaigne consacre à un auteur ; fragmentées dans les Essais ou présentées sous forme de comparaison, les réflexions de ce genre sont en effet généralement plus courtes. Autre signe distinctif, s’il ressemble beaucoup aux notes que Montaigne jetait sur les pages de garde de ses livres, il n’est nullement présenté comme tel et s’intègre au contraire, au cours même de l’essai, dans le mouvement propre à la pensée de Montaigne.

Je viens de courre d’un fil l’histoire de Tacitus (ce qui ne m’advient guère : il y a vint ans que je ne mis en livre une heure de suite). Dès le début, le texte surprend et sa première phrase peut passer d’abord pour une pure coquetterie : il est en effet possible de lire beaucoup sans jamais lire une heure de suite et courre d’un fil est à la fois le signe d’une lecture superficielle et l’expression d’une passion qui ne peut se contenir. Si l’on pense, d’autre part, que le jugement sur Tacite sera présenté à la fin comme fait de mémoire et en gros, et que la lecture n’aurait été entreprise qu’à la suasion d’un gentil’homme, alors qu’un contact avec Tacite a certainement été pris beaucoup plus tôt [24], on voit qu’existe d’emblée, sur la nature même du rapport entre Montaigne et l’historien des Césars, une ambiguïté qui va se confirmer.

Se référant probablement à Amyot, dont la traduction de Plutarque est parue en 1559, Montaigne fait en effet aussitôt entrer Tacite dans un classement des historiens, qui distingue entre une histoire de mœurs et une histoire événementielle .

...mais il y a, écrit Amyot à propos de l’histoire [25], entre autres deux principales espèces : l’une qui expose au long les faits et aventures des hommes, et s’appelle du nom commun d’histoire : l’autre qui déclare leur nature., leurs dits et leurs mœurs, qui proprement se nomme Vie. Et combien que leurs sujets soient fort conjoints, si est-ce que l’une regarde plus les choses, l’autre les personnes : l’une est plus publique. l’autre plus domestique : l’une concerne plus ce qui est au dehors de l’homme, l’autre ce qui procède du dedans : l’une des évévements et l’autre les conseils...

Selon Amyot, et dans une moindre mesure selon Bodin [26], l’histoire rapporte donc les événements et les faits, elle est conduite par la fortune ou le hasard et son écriture est du domaine de la narration ; les vies, en revanche, ou si l’on préfère les biographies, présentent plutôt les mœurs, les projets et la nature individuelle des hommes ; leurs auteurs pratiquent la description et rapportent le contenu des discours. Cette opinion est bien celle de Montaigne : or ceux qui escrivent les vies, d’autant qu’ils s’amusent plus aux conseils qu’aux evenements, plus à ce qui part du dedans qu’à ce qui arrive au dehors, ceux là me sont plus propres. Voylà pourquoy, en toutes sortes, c’est mon homme que Plutarque [27].

C’est manifestement à cette opinion que se réfère Montaigne lorsqu’il juge une première fois Tacite : je ne sçache point d’autheur qui mesle à un registre public tant de consideration des meurs et inclinations particulieres. Il n’est pas en cela moins curieux et diligent que Plutarque, qui en faict expresse profession. Cette forme d’Histoire est de beaucoup la plus utile. Les mouvements publics dépendent plus de la conduicte de la fortune, les privez de la nostre. C’est plustot un jugement que déduction d’Histoire ; il y a plus de préceptes que de contes.

Montaigne fait ainsi l’éloge sans réserves de Tacite ; lui reconnaissant les mérites de l’historien, il lui attribue en même temps toutes les qualités du biographe et le place à cet égard sur le même plan que Plutarque.

Il s’agit cependant ici du texte de l’édition de 1588, sans doute encore empreint de l’émotion provoquée par une première lecture. En 1595, les choses ont en effet beaucoup changé ; d’une part, Montaigne biffe la phrase concernant PIutarque, d’autre part, il modifie son texte par l’adjonction suivante : <...inclinations particulières>. Et me semble le rebours de ce qu’il luy semble à luy, que, ayant spécialement à suivre les vies des Empereurs de son temps, si diverses et extremes en toute sorte de forme, tant de notables actions que nommément leur cruauté produisit en leurs subjects, il avait une matiere plus forte et attirante à discourir et à narrer que s’il eust eu à dire des batailles et agitations universelles ; si que souvent je le trouve sterille, courant par dessus ces belles morts comme s’il craignoit nous fascher de leur multitude et longueur. <Cette forme...>

Songeant au passage des Annales [28] dans lequel l’historien se plaint de n’avoir pas de grandes actions à raconter, Montaigne modifie donc radicalement son jugement. Tacite n’est plus celui qui alliait l’Histoire et les Vies : il avait l’homme, ses comportements, ses conduites, ses cruautés, l’étrange et le monstrueux, mais il l’a négligé ; par dépit de n’avoir pas la grande histoire, il s’est mutilé du récit des vies et de celui des morts. La lecture d’un fil avait provoqué un enthousiasme qui a disparu : les citations et les références à Tacite ne pourront pas être nombreuses et ne concerneront le plus souvent que ces belles morts dont il fut trop avare.

Cette réserve faite, Montaigne ne change pourtant pas la suite : ce n’est pas, dit-il, un livre à lire, c’est un livre à estudier et apprendre. L’ambiguïté déjà sensible au début du texte se trouve ainsi tout à fait confirmée : l’approbation n’est plus complète, mais l’admiration subsiste.

Par une démarche très caractéristique, l’adjonction de 1595 donne à la suite du texte l’allure d’une conversation dans laquelle Montaigne semble dialoguer autant avec Tacite qu’avec lui-même.

Tacite est ainsi une pepinière de discours ethiques et politiques, mais ce n’est que pour la provision et ornement de ceux qui tiennent rang au maniement du monde ; il plaide tousjours par raisons solides et vigoreuses, mais suivant le stile affecté du siècle ; il a les opinions saines et pend du bon party aux affaires Romaines, mais il juge mal Pompée [29] ; ses narrations sont naifves et droictes, mais elles ne s’appliquent pas tousjours exactement aux conclusions de ses jugements. Dans l’esprit de Montaigne cette dernière remarque n’est pas entièrement critique ; il reconnaît aussi que Tacite est plus charnu que Sénèque et qu’historien des temps troublés, on dirait souvent qu’il peinct et qu’il pinse les gens de l’époque ; on ne peut non plus lui reprocher d’être resté païen, c’est son malheur, non pas son defaut.

Montaigne porte donc un jugement nuancé, fait de contradictions et de corrections, qui donne de l’historien une image assez exacte ; il semble pourtant éprouver aussi comme une impression d’insuffisance et se débarrasse en fait assez vite de l’écrivain ; ce qui l’intéresse ce sont les jugements qu’il porte et la personnalité qui se dégage de son œuvre ; ce qu’il écrivait de César vaut sans doute aussi pour Tacite : mais Caesar singulierement me semble meriter qu’on l’estudie, non pour la science de l’Histoire seulement, mais pour luy mesme [30]. Montaigne va donc délaisser l’historien pour l’homme et ses opinions.

La pensée de Montaigne se développe ici en jouant sur deux idées : d’une part, Tacite a été trop hardy en ces jugements, d’autre part, il s’est montré un peu lâche.

Trop hardy, par exemple, à propos de Tibère [31] ou lorsqu’il rapporte deux anecdotes relatives, l’une au soldat dont les mains gelées se détachèrent des bras [32], l’autre aux miracles accomplis par Vespasien [33].

Un peu lâche, quand ayant eu à dire qu’il avoit exercé certain honorable magistrat à Romme, il va s’excusant que ce n’est point par ostentation qu’il l’a dit [34]. Ce traict, dit Montaigne, me semble bas de poil pour une ame de sa sorte.

Entre ces deux reproches cependant, Tacite est jugé positivement : c’estoit un grand personnage, droicturier et courageux, non d’une vertu superstitieuse, mais philosophique et genereuse, et il le sera encore pour avoir rapporté, sans les commenter, des faits qui paraissent peu vraisemblables, mais sont admis par beaucoup : c’est très bien dict.

Il ne s’agit ainsi ni d’un éloge véritable, ni d’une vraie critique et le jugement de Montaigne sur Tacite semble se récuser sans cesse lui-même. De retournements en retournements s’établit en fait une opinion dont l’ambiguïté était sensible depuis le début: il est si plain de sentences qu’il y en a à tort et à droict. Notre capacité et notre liberté d’appréciation demeurent de la sorte entières et sans doute faut-il chercher la clef ailleurs que dans une réflexion sur l’histoire seule.

Nous la trouverons pourtant d’abord dans la définition que Montaigne donne des historiens. Il distingue en effet [35] les simples, qui enregistrent à la bonne foy toutes choses sans chois et sans triage, les bien excellens, qui ont la suffisance de choisir ce qui est digne d’estre sçeu et ceux d’entre-deux, qui entreprennent de choisir les choses dignes d’estre sçeuës. Tacite, à l’évidence, est classé dans les simples à la fin du commentaire et dans les bien excellens au début ; tantôt en effet, il règle nostre creance à la sienne, tantôt il nous laisse le jugement entier pour la cognoissance de la verité. L’ambiguïté que l’on attribuait à la pensée de Montaigne est sans doute en effet celle de Tacite lui-même.

Il y a cependant aussi une ambiguïté de Montaigne et c’est dans son attitude littéraire qu’il faut en chercher les raisons. Les adjonctions de 1595, qui tendent pratiquement toutes dans le même sens, prennent alors une grande importance.

Dans la première, que nous avons intégralement citée plus haut, le reproche fait à Tacite est qu’il considère le récit des batailles et agitations universelles, comme plus intéressant que la présentation, bien plus utile en fait aux yeux de Montaigne, des meurs et inclinations particulieres. Dans la seconde, Montaigne, qui vient de dire que le n’oser parler rondement de soy a quelque faute de cœur, développe en fait, contre les modesties de Tacite, sa propre théorie de l’écriture et en pose en même temps les limites: c’est pareillement faillir de ne veoir pas jusques où on vaut, ou d’en dire plus qu’on n’en void. Il y reviendra encore plus bas, en donnant cette fois comme les grandes règles d’une méthode : je me presente debout et couché, le devant et le derriere, à droite et à gauche, et en tous mes naturels plis.

Le reproche fondamental qu’il fait à Tacite, c’est donc de ne pas s’impliquer, de ne pas se livrer lui-même à ses lecteurs. Il disait la même chose de César (je pense qu’en cela seul on y puisse trouver à redire qu’il a esté trop espargnant à parler de soy), et c’est en fait par une définition de la pratique ordinaire de Montaigne que se conclut le développement sur Tacite. Elle seule peut en effet fournir la liberté qui permet d’atteindre la vérité et l’écriture de l’histoire ne vaut que dans la mesure où elle donne l’homme, auteur ou personnage historique, à voir dans son éternité. Qu’il s’agisse de Tacite ou de César, l’entreprise de l’historien n’est ainsi valable que si, comme les Essais, elle entreprend de rendre à l’individualité des vies passées toute l’universalité qu’elles contiennent toujours.

Nous cherchions, dans un jugement qui, par nature et par dessein, ne pouvait en avoir, l’unité qu’il fallait chercher dans la pensée même de Montaigne. Au terme d’un chapitre qui commence par un éloge de l’art de converser, mais se termine par un compte rendu de lecture, il ne fait en effet que redéfinir et que reprendre sa propre entreprise ; ce qu’il attend toujours de l’histoire, c’est la conférence avec d’autres hommes et l’occasion d’une meilleure connaissance de soi. Parlant de lui-même et des personnages de son temps, s’intéressant plus aux mœurs et moins aux grands événements, moins lâche d’un côté, moins hardy de l’autre, parlant plus, écrivant moins, le Tacite idéal de Montaigne aurait en fait écrit des Essais.

 


NOTES

[1] Mary B. Mac Kinley, Words in a corner ; studies in Montaigne’s Latin quotations, Lexington, 1981. On trouvera toute la bibliographie nécessaire dans Pierre Bonnet, Bibliographie méthodique et analytique des ouvrages el documents relatifs à Montaigne, Genève, 1983.

[2] Par exemple en 1,37 (Du jeune Caton) et 2,15 (Que nostre desir s’accroit par la malaisance). Toutes les références et les indications de pages renvoient à l’édition des Essais par S. de Sacy, Club Français du Livre, Portiques 18, Paris, 1952.

[3] 2,10, Des Livres, p. 454.

[4] Edition des Essais par A. Thibaudet, La Pléiade, 1958, p. 463-464.

[5] 3,8, De l’art de conférer, p. 1022.

[6] 2,10, Des Livres, p. 454.

[7] 2,20, Nous ne goustons rien de pur, p. 732.

[8] 1,44, Du dormir, p. 299-300.

[9] 2,8, De l’affection des peres aux enfants, p. 437.

[10] 2,17, De la praesumption, p. 694.

[11] 2,35, De trois bonnes femmes, p. 812-816.

[12] 3,8, De l’art de conférer, p. 1021.

[13] 3,11, Des boyteux, p. 1117.

[14] 2,17, De la praesumption, p. 687.

[15] 3,3, Des trois commerces, p. 900

[16] 3,13, De l’expérience, p. 1152.

[17] 1,3, Nos affections s’emportent au dela de nous, p. 14, édition de 1588.

[18] 2,8, De l’affection des peres aux enfants, p. 437, édition de 1588.

[19] 2,32, Defence de Seneque et de Plutarque, p. 783 et 785, éditions de 1588 et
1595.

[20] 3,1, De l’utile et de l’honeste, p. 861, édition de 1588.

[21] 3,5, Sur des vers de Virgile, p. 947, édition de 1588.

[22] 3,9, De la vanité, p. 1067, édition de 1588.

[23] 3,8, De l’art de conférer, p. 1022 à 1025.

[24] Le texte est de 1588, mais Tacite est cité dès 1580.

[25] Avis au lecteur de l’édition des Vies. Le texte cité est emprunté à G. Mathieu-Castellani, Montaigne. L’écriture et l’essai, Paris, 1988, p.66.

[26] Methodus ad facilem historiarum cognitionem, Paris, 1566.

[27] 2,10, Des Livres, p. 454.

[28] Ann., 4, 32.

[29] A propos de Hist., 2,38 : post quos Cn. Pompeius occultior non melior.

[30] 2,10, Des Livres, p. 455.

[31] Ann., 6, 6, 1.

[32] Ann., 13,35,3.

[33] Hist., 4, 81. Encore qu’ici Montaigne oublie la consultation des médecins qui transforme le miracle en calcul médiatique.

[34] Ann., 11, 11, 1 : ...iisque intentius adfui, sacerdotio quindecimvirali praeditus ac tunc praetor. Quod non iactantia refero...

[35] 2,10, Des Livres, p. 455.


Article publié dans Collection Caesarodunum XXVI bis, Actes du colloque Présence de Tacite, E.N.S. rue d’Ulm, 11 et 12 octobre 1991, Hommage au professeur G. Radke, Université de Tours, Centre de Recherches A. Piganiol, 1992