<– Retour à la bibliographie d'A. Malissard


ROME ET LA GESTION DES EAUX À L’ÉPOQUE DE FRONTIN



On sait que le De aquaeductu urbis Romae a été publié au début de l'année 98 [1] et qu'il résulte d'une enquête, on dirait aujourd'hui d'un audit, que Frontin conduisit, en tant que procurateur des eaux, pendant l'année 97.

Or en 97-98, sous les règnes de Nerva, puis de Trajan, Rome se trouve à un tournant politique important, et la publication, très rapide, de ce qui peut n'apparaître que comme un rapport technique montre que la gestion des eaux se trouve placée au premier plan des préoccupations du pouvoir qui vient de s'installer: il s'agit en fait de la première manifestation visible d'un esprit politique nouveau.

La diffusion d'un tel ouvrage ne peut cependant produire un impact révélateur que si deux conditions se trouvent réalisées. Il faut, d'une part, que la situation apparaisse comme suffisamment mauvaise pour que d'importantes réformes soient senties comme urgentes et nécessaires; il faut en outre que les mesures qu'on propose soient à la fois significatives et adaptées à la situation.

Trois questions peuvent donc être envisagées: quelle était la situation que les Flaviens avaient laissée ? Quelles réformes étaient nécessaires? Quel était en fait le sens et surtout l'esprit du « rapport Frontin » ?

La situation en 97

Historiquement, et telle qu'elle apparaît sur le plan que Frontin avait fait installer dans ses bureaux [2], la situation en 97 est celle qui résulte des constructions de la République, des travaux et des réformes d'Agrippa, rassemblées pour l'essentiel dans la loi de 11 avant J.-C., des constructions de Claude en 52 et des aménagements apportés par Néron ou Domitien [3].

Sans entrer dans le détail des bains et des thermes, que Frontin ne mentionne d'ailleurs pas, des fontaines et des bassins, on peut dire qu'avec ses huit aqueducs [4], Rome est à la fin du premier siècle abondamment pourvue d'eau et que tous les quartiers sont desservis, collines incluses, à l'exception notable cependant du Trastévère [5]. Pour gérer l'ensemble, un curateur et un procurateur avec leurs services administratifs et deux équipes techniques dépendant, l'une du Sénat, l'autre directement de l'empereur [6].

L'enquête minutieuse [7] que Frontin conduit au nom de Nerva, puis au nom de Trajan, révèle cependant bien des défauts, tant du point de vue matériel que du point de vue de la gestion financière et administrative.

...des défauts techniques,

Du point de vue de « l'ordre de marche », la situation semble pourtant apparemment satisfaisante: l'enquête ne signale en effet que les fuites persistantes de l'Appia [8]. Elle signale cependant aussi les déprédations commises, en campagne par les riverains qui « perforent les canalisations » [9] et en ville par les fontainiers qui percent les châteaux d'eau [10] pour en tirer profit. Elle souligne surtout la malfaçon presque systématique des ouvrages récents [11] et le mauvais emploi du personnel d'entretien qu'on détourne trop fréquemment à d'autres tâches [12].

Dans ce dernier cas surtout il s'agit ainsi, plutôt que de questions vraiment techniques, de problèmes administratifs touchant à le gestion proprement dite des eaux; c'est donc déjà le fonctionnement même de l'Etat qui se trouve mis en question.

...des fraudes,

Ce que le rapport dénonce cependant d'une manière insistante et récurrente, c'est d'abord l'existence de tout un ensemble de pratiques frauduleuses, dont se rendent coupables non seulement les particuliers, mais aussi et surtout les fontainiers du service public.

Chez les particuliers on voit en effet se développer un luxe excessif qui les conduit à gaspiller l'eau si nécessaire à tous en la détournant pour des usages privés tels que l'entretien des jardins ou l'alimentation de somptueuses fontaines [13]. Ces excès seraient cependant impossibles sans la complicité active des fontainiers qui se laissent aisément corrompre et dont les méthodes peuvent être fort diverses.

Piqûres sur les conduites publiques et pose de tuyaux volants [14], disposition favorable des prises d'eau [15], maintien de sorties officiellement fermées [16], certaines de leurs pratiques ne relèvent sans doute que de l'initiative individuelle ; d'autres cependant supposent l'existence de complicités dans l'ensemble du système administratif. C'est le cas, par exemple, lorsqu'il s'agit d'utiliser des calix non poinçonnés [17], d'en modifier le calibre ou d'inventer pour les tuyaux des nomenclatures hors normes [18].

De telles pratiques supposent en fait l'existence de tout un réseau de complaisances qui met en cause une hiérarchie théoriquement placée sous le contrôle et la responsabilité du curateur et du procurateur. Le rapport révèle ainsi la profonde dégradation du service des eaux de Rome dans lequel la confusion, la négligence et l'incurie se sont manifestement installées.

... une déficience administrative,

L'enquête administrative souligne en effet le caractère anarchique de la gestion des aqueducs : la répartition de l'eau n'est plus faite en fonction des spécificités propres à chaque adduction et les eaux sont mélangées sans discernement et sans contrôle avec une intention probablement frauduleuse [19] ; on finit ainsi par ne plus savoir d'où vient l'eau ni où elle va [20], et même par gâter la qualité des meilleurs aqueducs en mêlant par exemple les eaux souvent troubles de l'Anio Novus aux eaux limpides et pures de l'aqua Marcia [21]. Mieux encore, les registres centraux sont si mal tenus à jour que la Ville semble consommer plus d'eau qu'elle en reçoit [22] !

Dans les bureaux de l'administration centrale règne le même laisser-aller: certains agents sont employés par leurs chefs à titre personnel [23], d'autres, qui émargent toujours au budget, ont été transférés dans d'autres services [24] ; en outre les revenus destinés à l'aerarium, c'est-à-dire au Sénat, sont versés directement à

... Le bilan

Le bilan est donc tout à fait négatif: outre un ensemble de dépenses inutiles et une perte en eau d'environ un cinquième de la production totale [26], on peut y lire un affaiblissement sensible de l'autorité centrale, provoqué, selon Frontin, par le dessaisissement du Sénat et la mise en place à l'époque de Claude d'un procurateur plus ou moins vénal dont les pouvoirs ont affaibli ceux du curateur des eaux qu'Auguste avait créé [27].

La situation de 97 apparaît ainsi comme tout à fait malsaine. Il y a, depuis le règne de Claude, abondance, voire surabondance, et l'ensemble de l'appareil fonctionne de façon relativement satisfaisante, mais le rendement est inférieur aux capacités, des privilèges se sont créés, la loi n'est plus appliquée et la réalité du pouvoir est manifestement passée entre les mains de ceux qui trafiquent de l'eau.

Or, succédant à la ruineuse tyrannie de Domitien, Nerva, puis Trajan désirent mettre en place un pouvoir fort et sans arbitraire; ils se veulent donc à la fois plus augustéens et, si l'on peut dire, plus républicains. Il leur faut de ce fait rétablir une saine collaboration avec le Sénat, faire respecter la loi et pratiquer une gestion saine et contrôlée des finances publiques. Premier grand acte de leur gouvernement, la reprise en main de l'administration des eaux de Rome, désormais de nouveau dirigée par un curateur d'ordre sénatorial, prend alors une grande importance: la fin des abus dans ce domaine devient le symbole éclatant d'une remise en ordre générale et profonde de l'Etat.

Les réformes de 97-98

Les réformes proposées par Frontin, et, pour certaines, immédiatement mises en place, concernent donc moins la structure que la gestion et se placent très vite sous le signe de la rentabilité.

... des mesures répressives

Les premières concernent évidemment les fontainiers indélicats, et Frontin fait enlever et récupérer d'une manière systématique tous les tuyaux volants qu'ils avaient illicitement mis en place [28]. Contre les fraudeurs de toutes catégories les lois répressives, pour la plupart d'époque républicaine ou édictées sous Auguste, sont en même temps rappelées et appliquées [29].

Ces mesures nécessitent cependant une reprise en main des services et une restauration de l'autorité centrale.

... une reprise en main

Pour contrôler d'une manière efficace le travail des agents des eaux, on établit des listes d'appel et de présence qui permettent désormais de savoir où se trouve exactement le personnel et à quelle tâche il est employé [30]. Pour faire disparaître la pratique des pots de vin et des détournements de fonds, on remet clairement en vigueur le système des adjudications [31]. Pour décourager toute tentative de fraude, on contrôle en même temps, d'une manière aussi précise et aussi rigoureuse que possible, les entrées et les sorties d'eau dans les aqueducs, et l'on établit des registres maintenant conformes à la réalité [32]. Pour parachever la réorganisation administrative et lui donner toutes les chances de réussir, on restaure tous les pouvoirs du curateur: d'ordre sénatorial, il nomme un procurateur d'ordre équestre qui est de nouveau entièrement placé sous ses ordres et ne dépend que de lui [33].

... une remise en ordre

La répression des fraudes et le renforcement de l'autorité s'accompagnent évidemment d'une indispensable remise en ordre des services et des moyens d'action et de contrôle dont ils disposent.

Du point de vue des budgets et des financements, on rétablit les crédits propres à l'aerarium sénatorial [34] et l'on étend en même temps les attributions du fiscus impérial. Le Sénat retrouve ainsi ses prérogatives et le rôle de chacun des deux pouvoirs est de nouveau clairement défini.

On établit aussi rapidement une nomenclature fixe et définitive des tuyaux qui améliore la précision des calculs, rend le travail des fontainiers plus rapide et plus efficace [35], interdit toute fraude et rend illégale l'utilisation de tout autre calibre [36]. On reclasse en même temps tous les aqueducs, auxquels sont restituées leurs véritables sources et qui ne doivent plus être utilisés qu'en fonction de la qualité de leurs eaux [37].

L'alimentation et la distribution étant ainsi remises en ordre, on établit pour finir un système complexe, mais précis, de concession des eaux aux particuliers: gratuites et ne dépendant plus que de l'empereur, elles sont contrôlées par le curateur et le procurateur et soumises à un ensemble strict, mais libéral, de conditions dont certaines sont très anciennes [38]

On voit qu'il s'agit en fait d'une politique à la fois restreinte et ambitieuse. Restreinte, elle n'envisage absolument pas la mise en place de nouvelles adductions [39] dont le coût aurait été à l'évidence incompatible avec l'état dans lequel Domitien avait laissé les finances publiques en 97. Ambitieuse, elle restaure complètement la production par la chasse aux abus et un important ensemble de récupérations [40], elle améliore l'efficacité et la rentabilité du système sans engager de nouvelles dépenses et remet, pour ainsi dire, complètement à neuf la gestion des eaux. Elle ne peut ainsi qu'obtenir l'assentiment populaire sans léser pour autant les privilèges des riches auxquels le renforcement du sénat et les largesses annoncées de l'empereur doivent donner satisfaction.

A travers la réorganisation des eaux, le pouvoir propose donc bien comme une première illustration des principes et des méthodes qui lui permettront de rapidement retrouver la confiance et la crédibilité qu'avait perdues le régime précédent.

Le sens politique des réformes

La réforme des eaux souligne en effet d'emblée les principes auquel le Prince entend désormais se référer. Elle trace comme les lignes de force d'une politique qui se fonde sur un retour à la tradition romaine et se veut à la fois plus juste et plus ferme .

... rappel des lois anciennes

Qu'il s'agisse des successions, des fraudes ou des déprédations, de l'utilisation des sols et de la protection des ouvrages, des pouvoirs du curateur ou des règles d'expropriation, le rapport de Frontin ne cesse ainsi de rappeler la législation républicaine et la grande loi promulguée par Auguste au lendemain de la mort d'Agrippa [41]. S'abstenant de proposer des réglementations nouvelles, il cherche manifestement à ranimer les principes fondateurs de l'empire et place, par-dessus Domitien ou les derniers Césars, le règne qui commence dans la lignée la plus purement augustéenne .

... l'intérêt commun

C'est ainsi que se trouve remis avec insistance en vigueur le vieux principe républicain des droits du public et de l'égal accès de tous aux bienfaits de l'eau. Loin de favoriser le luxe et les plaisirs de quelques-uns, l'abondance assurée par les adductions de Claude doit avant tout profiter au plus grand nombre. L'eau est d'abord utile: elle doit couler jour et nuit dans toutes les fontaines [42] et la tâche prioritaire du service public est d'assurer l'hygiène et la sécurité par la qualité et la régularité de la distribution. C'est autour de cette règle fondamentale que tournent en fait toutes les réformes administratives et techniques, prévues ou appliquées par Frontin.

Le reclassement systématique des aqueducs permet, par exemple, de fournir à la consommation courante une eau plus pure et plus agréable, et d'éviter les gaspillages en réservant la qualité inférieure aux jardins, aux latrines et aux usages industriels [43]; en même temps les récupérations produites par la lutte contre les fraudes permettent de doubler toutes les sorties des fontaines en les branchant sur deux sources différentes [44], et les inévitables travaux d'entretien sont désormais toujours organisés de manière à ne jamais provoquer de coupures [45]. Une eau de qualité ne cessera donc jamais d'être fournie, même en cas de réparations ou de rupture soudaine des conduits, et le trop plein des innombrables bassins de Rome, en n'alimentant que les égouts, contribuera à rendre la ville plus saine et plus salubre [46].

... le rôle de l'empereur

L'enquête menée par le curateur et les réformes qu'il propose ont évidemment été voulues par l'empereur, et le texte de Frontin se présente à plusieurs reprises sous l'aspect d'un véritable panégyrique [47]. La parole de Frontin est en fait celle de Trajan.

Clément, le Prince entend moins punir les abus qu'empêcher qu'ils se maintiennent et veut assurer l'avenir plutôt que juger le passé. Dévoué, bienveillant et consciencieux, il maintient, et parfois même augmente, les faveurs qu'il prodigue [48], mais sa munificence est ordonnée : les concessions qu'il accorde aux particuliers ne peuvent être attribuées qu'après un examen soigneux des disponibilités ; rendues pour une grande part possibles par les récupérations et la réorganisation de l'ensemble du système, elles redistribuent légalement ce qui était autrefois détourné sans autorisation [49].

Protecteur et dispensateur de bienfaits, le Prince répand ainsi le luxe et les plaisirs en même temps qu'il assure les besoins de tous, mais sa générosité toute puissante n'est plus le fait d'un bon vouloir tyrannique; elle est au contraire le fruit d'une discipline et d'une sagesse profonde : maître des eaux et des forces de la nature, mais garant de l'ordre du monde, il ne prodigue l'abondance qu'en la gérant avec rigueur.

Plusieurs fois évoquée, cette rigueur trahit peut-être en fait une inquiétude profonde. Le développement régulier du nombre des adductions et l'augmentation sensible des débits ont en effet créé en plusieurs siècles des besoins toujours plus affirmés et plus pressants. A Rome même il a manqué dès le départ, c'est-à-dire dès la mise en place des adductions de la République, un plan d'ensemble cohérent : le réseau s'est accru sans qu'on estime exactement les besoins et souvent en fonction de données plus politiques qu'économiques ou techniques. Partout dans l'empire aussi les municipalités, les particuliers et l'Etat lui-même ont consacré des sommes considérables à la construction d'aqueducs, de bains, de thermes ou de fontaines monumentales [50]. Mais l'abondance a des limites, et le goût du luxe ou le besoin de confort se sont finalement accrus plus vite que les moyens qu'on avait de les satisfaire. Ce qui était facteur d'unité sociale est alors devenu source de tensions et de conflits.

A l'époque de Frontin et de Trajan, les plus nantis abusent manifestement de leur pouvoir et les plus démunis revendiquent leurs droits; la crise est donc sensible et le nouveau régime y répond par un changement radical de point de vue: il sacrifie la complaisance à la rigueur et l'abondance à la gestion. Il n'est plus temps de jeter, si l'on peut dire, l'eau par les fenêtres et l'époque des naumachies est passée; pour rétablir une situation qui devient dangereuse, il faut lutter contre les abus, les pertes et les gaspillages. Erigées en principe fondamentaux l'efficacité, l'honnêteté et la rentabilité de la gestion deviennent après la tyrannie sans règles de Domitien l'image de marque du nouveau pouvoir.

Sans aller jusqu'à l'application des principes que Vitruve envisageait déjà lorsqu'il décrivait un château d'eau dans lequel les particuliers seraient une source de revenus [51], le rapport de Frontin propose donc des réformes qui ne visent pas à densifier le réseau existant, comme ce fut le cas au temps d'Auguste et d'Agrippa, encore moins à l'amplifier comme ce fut le cas au temps de Claude, mais seulement à le rendre plus efficace et plus rentable, en le contrôlant pour réduire les sorties et augmenter les rentrées.

Cette situation particulière est, toutes proportions gardées, très proche de celle que nous connaissons de nos jours : l'abondance existe, mais elle ne peut plus être préservée que par la rigueur. Pour nous, comme pour Frontin, il s'agit en effet d'assurer la gestion rationnelle de l'eau ; lutter contre les gaspillages, rechercher les fuites, entretenir des réserves, prévoir les accidents de toute nature, gérer la ressource et assurer la coordination administrative des services, deviennent désormais des principes prioritaires [52].

A la fin du Ier siècle de Rome comme maintenant, mais dans des contextes évidemment très dissemblables, codifier, standardiser, optimiser étaient ainsi déjà les méthodes fondamentales d'une gestion de l'abondance avant tout destinée à éviter la crise sociale qu'aurait pu produire la non satisfaction des besoins que le pouvoir avait progressivement créés.



NOTES

1. Voir P. Grimal, Frontin, De aquæductu urbis Romae, C.U.F., 1961, introduction p. IX et note 83. C'est à cette édition que renvoient toutes les citations de Frontin et leurs traductions.

2. Frontin, De aquaeductu urbis Romae, 17,3.

3. Voir A. Malissard, Les Romains et l'eau, Les Belles Lettres, Paris, 1994, pp. 246-257. Sur l'alimentation de Rome avant les réformes de Trajan, P. Grimal, op. cit., note 91, et tableau p. 88 et A. Trevor Hodge, Roman aqueducts and Water Supply, Londres, 1992.

4. Alsietina exclue, puisque son eau n'était pas mise en distribution (Frontin, op. cit., 11, 1)

5. Qui n'est desservi que par des ramifications d'aqueducs, voire par l'eau impure de l'Alsietina (Frontin, op. cit., 11, 2).

6. Frontin, op. cit., 98-102 et 116-118. A. Malissard, op. cit., pp. 272-280.

7. Frontin, op. cit., 64, 1 : scrupulosa inquisitione praeeunte providentia optimi diligentissimique Nervae Principis.

8. Id., 65,5, mais le texte de ce passage est incertain.

9. Id., 75,3. Voir aussi 114 et 128,2.

10. Id., 114 : lorsqu'une concession d'eau passe à un nouveau propriétaire, ils (les fontainiers) percent un nouveau trou dans le château d'eau et laissent l'ancien, d'où ils tirent de l'eau qu'ils vendent. Abus qu'il appartient tout particulièrement, en effet, au curateur de faire cesser. Il n'intéresse pas seulement en effet la garde des eaux, mais aussi l'entretien des châteaux d'eau qui sont dégradés par de nombreuses ouvertures inutiles (translata in novum possessorem aqua, foramen novum castello imponunt, vetus relinquunt quo venalem extrahunt aquam. In primis ergo hoc quoque emendandum curatori crediderim. Non enim solum ad ipsarum aquarum custodiam, sed etiam ad castelli tutelam pertinet, quod subinde et sine causa foratum vitiatur).

11. Id., 120 et 123,3.

12. Id., 117,4.

13. Id., 76,2.

14. Id., 65,6, 75,3, 115,3 : je me suis aperçu que ces tuyaux étaient percés çà et là par les soins de celui qu'on appelait "le préposé aux piqûres" et, sur leur parcours, fournissaient de l'eau par des tuyaux particuliers à tous ceux qui voulaient en trafiquer (has comperi per eum qui adpellabatur a punctis passim convulneratas omnibus in transitu negotiationibus praebuisse peculiaribus fistulis aquam).

15. Id., 113.

16. Id., 114,1-2. Cf. note 10.

17. Id., 112.

18. Id., 31, 4-33.

19. Id., 67,3, 77,2, 72,6-8 : l'eau de la Marcia était mélangée "à l'Anio Novus pour que, à la faveur de la confusion, leur débit initial et les distributions fussent moins claires" (ut, confusione facta, et conceptio earum et erogatio esset obscurior).

20. Id., 76,3, 77,2, 86,1.

21. Id., 91 : l'Anio Novus ... gâtait tous les autres car, son cours étant le plus élevé de tous et son eau particulièrement abondante, il sert à compléter les autres. Or, le manque d'habileté des fontainiers ... souillait même des aqueducs suffisants ... et surtout la Claudia qui ... perdait ses qualités propres ... (Novus autem Anio vitiabat ceteras; nam, cum editissimus veniat et in primis abundans, defectioni aliarum succurrit. Imperitia vero aquariorum ... etiam sufficientes aquas inquinabat, maxime Claudiam...)

22. Id., 64, 3-4, 74.

23. Id., 117,4.

24. Id., 101,2-4.

25. Id., 118,3.

26. Id., 74,4.

27. Id., 99-100 et 105,2. On trouve peut-être en 2,1 une allusion à la situation du curateur avant les réformes de Frontin : je ne sais rien de si peu convenable pour un homme d'un certain rang que de gérer la charge qui lui a été confiée d'après les instructions de ses subordonnés (aliutve tam indecorum tolerabili viro quam delegatum officium ex adiutorum agere praeceptis).

28. Id., 115,4 : une quantité appréciable de plomb a été récupérée par l'enlèvement des branchements de cette nature (aliquantum plumbi sublatis eiusmodi ramis redactum est).

29. Id., 105,4, 127, 129. Ces lois seront appliquées désormais avec rigueur (130,3-4). Le nouveau régime, qui désire se montrer souple et généreux, procèdera cependant avec douceur et modération: ceux qui transgressent une loi si utile méritent, il faut l'avouer, le châtiment qu'elle prévoit; mais ceux qu'a trompés une négligence longtemps continuée doivent être rappelés doucement à la règle. Aussi me suis-je franchement appliqué à faire ... que l'on ne connût même pas les contrevenants (Utilissimae legis contemptores non negaverim dignos poena quae intenditur, sed neglegentia longi temporis deceptos leniter revocari oportuit. Itaque sedulo laboravimus ut ... etiam ignorarentur qui erraverant).

30. Id., 117,4.

31. Id., 119,2-3.

32. Id., 109,1,87,1-3.

33. Le curateur désigne désormais le procurateur en lui confiant des missions particulières (105,1) ; le procurateur créé sous Claude (105,2) a donc perdu indépendance et réel pouvoir.

34. Frontin, op. cit., 118 : Ce revenu (celui de l'aerarium) ... était détourné de son objet et sans assiette fixe ; dans les derniers temps, il était versé à la cassette de Domitien. La justice du Divin Nerva le rendit au peuple et, par mes soins, il a été ramené à des règles fixes... (quem reditum ... alienatum ac vagum, proximis vero temporibus in Domitiani loculos conversum, iustitia divi Nervae populo restituit, nostra sedulitas ad certam regulam redegit...)

35. Id., 23-63.

36. Id., 34 et 37.

37. Id., 92.

38. Id., 103-111 et même 130,2.

39. Ce n'est qu'une fois les finances remises en ordre et la prospérité revenue que Trajan fera construire, en 109, l'aqua Traiana dont les eaux alimenteront prioritairement le Trastévère. Voir A. Malissard, op. cit., p.259.

40. Id., 9, 6-7, 87,1-3: Maintenant, grâce à la vigilance d'un prince très consciencieux, tout ce qui était intercepté par les fraudes des fontainiers ou gaspillé par incurie est venu l'accroître (la quantité d'eau) comme si l'on avait découvert de nouvelles sources (nunc, providentia diligentissimi principis, quicquid aut fraudibus aquariorum intercipiebatur aut inertia pervertebatur, quasi nova inventione fontium adcrevit).

41. Id., 106, 108, 127 et 129 notamment.

42. Id., 103,4 : il faut inspecter les châteaux d'eau et les fontaines publiques, "de façon que, sans interruption, jour et nuit, l'eau y coule" (ut sine intermissione, diebus et noctibus, aqua fluat).

43. Cf. note 37. On s'efforce même d'améliorer la qualité des eaux (93).

44. Id., 87,5.

45. Id., 121,4, 122,3, 123,1.

46. Id., 91 et 88,3 : même les eaux d'écoulement ne restent pas oisives; les causes du mauvais air sont enlevées, l'aspect des rues est propre, l'atmosphère plus pure et cet air qui, du temps des anciens, donna toujours mauvaise réputation à la ville a été chassé (ne pereuntes quidem aquae otiosae sunt : ablatae causae gravioris caeli, munda viarum facies, purior spiritus, quique apud veteres semper urbi infamis aer fuit est remotus).

47. Id., 93,4, 88,1 : l'effet de cette sollicitude de son Chef, le Très-Pieux Empereur Nerva, se fait sentir de jour en jour sur la reine et souveraine du monde, qui se dresse comme la déesse de la Terre, et qui n'a ni égale ni seconde... (Sentit hanc curam imperatoris piissimi Nervae principis sui regina et domina orbis in dies, quae terrarum dea consistit, cui par nihil et nihil secundum...).

48. Id., 89, 93.

49. Id., 88,2 : ceux-là même qui dérivaient timidement une eau à laquelle ils n'avaient pas droit jouissent maintenant en sécurité d'une concession régulière (illi quoque qui timidi illicitam aquam ducebant, securi nunc ex beneficiis fruuntur).

50. Voir, par exemple, dans ce même volume les communications relatives à Nîmes ou à Glanum.

51. Vitruve, De architectura, 8, 6, 1-2. Voir P. Grimal, Vitruve et la technique des aqueducs, R.PH., 19, 1945, pp. 162-174 et A. Malissard, A-t-on bien lu Vitruve? A propos de de Architectura, 8,6,1-2, Mélanges Raymond Chevallier, volume 2, 1, Tours, 1994, pp. 201-208.

52. De nos jours, c'est la fonction du Service National d'Information et de Documentation sur l'Eau (S.N.I.D.E.).


Cet article a été publié dans Centre de Recherches A. Piganiol, Caesarodunum, 31, Limoges, 1997, pp. 559-572
(communication au colloque international de Limoges, 10 et 11 mai 1996).


<– Retour à la bibliographie d'A. Malissard