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40 ÉPISODES DE LA MYTHOLOGIE

ILLUSTRÉS PAR DES ESTAMPES OU DES TABLEAUX

CONSERVÉS AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS D'ORLÉANS


ARACHNÉ EST DÉFIÉE PAR MINERVE DANS SON ATELIER DE TISSAGE

BACCHUS TOMBE AMOUREUX D'ARIANE DANS L'ÎLE DE NAXOS
BACCHUS ÉPOUSE ARIANE DANS L'OLYMPE
BACCHUS REND ARIANE IMMORTELLE SOUS FORME D'UNE CONSTELLATION DANS LE CIEL

CÉPHALE, JEUNE MARIÉ, REPOUSSE LES AVANCES DE LA DÉESSE AURORE

CYPARISSE EST ÉCRASÉ DE DOULEUR SUR LE CORPS DE SON CERF FAVORI QU'IL A TUÉ PAR MÉGARDE

ERICHTHONIOS, CACHÉ DANS UN COFFRE, EST DÉCOUVERT PAR LES FILLES DE CÉCROPS

HERA ENVOIE UNE ÉPIDÉMIE DE PESTE SUR L'ÎLE DE LA NYMPHE ÉGINE

HERCULE EST ARRIVÉ À L'ÂGE OÙ IL DOIT CHOISIR ENTRE LE VICE ET LA VERTU
HERCULE EST SOUMIS À DOUZE ÉPREUVES PAR EURYSTHÉE
HERCULE PREND DU PLAISIR AVEC OMPHALE, LA REINE DE LYDIE
HERCULE TUE LE ROI D'ÉGYPTE BUSIRIS QUI OFFRAIT EN SACRIFICE À JUPITER LES ÉTRANGERS DE PASSAGE

JUNON EST MONTÉE SUR SON CHAR POUR ALLER DEMANDER À ÉOLE D'EMPÊCHER LA FLOTTE D'ÉNÉE D'ATTEINDRE L'ITALIE

JUPITER FÉCONDE DANAE SOUS LA FORME D'UNE PLUIE D'OR
JUPITER POUR S'UNIR À LÉDA, LA FEMME DE TYNDARE, A PRIS LA FORME D'UN CYGNE
JUPITER SE SERT DE PANDORE, LA PREMIÈRE FEMME, POUR ACCABLER L'HUMANITÉ DE TOUS LES MAUX
JUPITER FAIT ENLEVER GANYMÈDE PAR SON AIGLE, POUR QU'IL SERVE D'ÉCHANSON AUX DIEUX

MÉDÉE A CHOISI DE ROMPRE AVEC SA FAMILLE POUR SUIVRE JASON DANS SA QUÊTE DE LA TOISON D'OR
MÉDÉE, À LA DEMANDE DE JASON, ENTREPREND DE RAJEUNIR LE VIEIL AESON
MÉDÉE, RENDUE FURIEUSE PAR LE MARIAGE DE JASON ET DE CREÜSE, TUE SES ENFANTS

MERCURE FORCE LA PORTE DE LA CHAMBRE D'HERSÉ, LA FILLE DU ROI D'ATHÈNES CÉCROPS
MERCURE, QUI A DÉROBÉ UN TROUPEAU D'APOLLON, DEMANDE AU BERGER BATTUS DE NE PAS LE DÉNONCER
MERCURE, AU BORD DU NIL, OBTINT ENFIN LES FAVEURS DE  VÉNUS

LA NYMPHE ÉGLÉ ESSAIE DE CONVAINCRE SILÈNE DE CHANTER
LA NYMPHE POMONE EST SÉDUITE PAR VERTUMNE
LA NAÏADE SYRINX, POURSUIVIE PAR LE DIEU PAN, SE MÉTAMORPHOSE EN ROSEAUX

ORPHÉE PLEURE SUR LE CÉNOTAPHE D'EURYDICE, PRIVÉE DE LA VIE PAR SA FAUTE

PENTHÉE, A THÈBES, EST DÉMEMBRÉ PAR LES MÉNADES ET DÉCAPITÉ PAR SA MÈRE

PHÉBUS AYANT CONFIÉ LE CHAR DU SOLEIL A SON FILS PHAETON, ZEUS EST OBLIGÉ D'INTERVENIR

PLUTON ARRIVÉ EN SICILE SUR SON CHAR ENLÈVE SA NIÈCE PROSERPINE

POLLUX IMPLORE ZEUS DE CONFÉRER L'IMMORTALITÉ À SON FRÈRE CASTOR

PSYCHÉ, CONDAMNÉE À ÊTRE LIVRÉE À UN MONSTRE, SE RETROUVE DANS UN PALAIS MAGNIFIQUE
PSYCHÉ DÉCOUVRE QUE CELUI QUI COUCHE AVEC ELLE EST NON PAS UN MONSTRE HIDEUX MAIS L'AMOUR
PSYCHÉ EST ADMISE DANS L'OLYMPE ET VA POUVOIR ÉPOUSER L'AMOUR
PSYCHÉ ÉPOUSE L'AMOUR DANS UN GRAND BANQUET ORGANISÉ DANS L'OLYMPE

PYRAME ET THISBÉ, À LA SUITE D'UN MALENTENDU, SE SUICIDENT L'UNE PUIS L'AUTRE

TITYOS, PUNI POUR AVOIR VOULU VIOLER LATONE, A SES ENTRAILLES DÉVORÉES PAR UN VAUTOUR

VÉNUS DÉCOUVRE SON AMANT ADONIS TUÉ PAR UN SANGLIER
VÉNUS CONÇOIT ÉNÉE EN S'UNISSANT AVEC ANCHISE
VÉNUS OBTIENT DE VULCAIN, POUR SON FILS ÉNÉE, UN BOUCLIER PRÉSENTANT L'AVENIR DE ROME
VÉNUS EST SURPRISE PAR SON MARI VULCAIN DANS LES BRAS DE MARS, SON AMANT

 

ARACHNÉ

ARACHNÉ EST DÉFIÉE PAR MINERVE DANS SON ATELIER DE TISSAGE


En Mygdonie (au sud de la Turquie actuelle) Arachné, la fille d'un teinturier, originaire de Lydie, avait osé prétendre pouvoir rivaliser avec Minerve dans l'art du tissage et de la broderie. Minerve vint la trouver, sous l'apparence d'une vieille femme, pour essayer de la convaincre de faire preuve de plus de modestie. Mais Arachné persista dans son idée d'engager un concours avec la déesse. Au moment où elle s'étonnait de ne pas voir sa concurrente, Minerve, reprenant son apparence habituelle, se dressa devant l'imprudente tisseuse : "Je suis là", dit-elle en la défiant. Toutes les femmes présentes dans l'atelier furent très impressionnées de voir ainsi surgir la déesse.

Le concours eut lieu. Minerve illustra sur sa broderie les divers dieux de l'Olympe (et dans les quatre coins, des mortels présomptueux), tandis qu'Arachné préféra illustrer les comportements honteux des dieux (dont Zeus avec ses nombreuses amantes). A la fin, Minerve ne découvrit aucun défaut dans ce qu'avait fait la Lydienne. Jalouse et furieuse, elle frappa Arachné de sa navette et déchira sa broderie. Humiliée, Arachné voulut se pendre. Mais la déesse lui offrit une seconde vie, sous forme d'une araignée suspendue à son fil, pour qu'elle puisse ainsi tisser pour l'éternité.

La source est un long passage des Métamorphoses d'Ovide (VI, 5-60 et 129-145). On peut traduite ainsi les vers qui correspondent à la gravure (vers 42-46) :

"Pourquoi la déesse ne vient-elle pas elle-même ? Pourquoi évite-t-elle ce concours ?" Alors la déesse : "Elle est venue !", et, rejetant l'apparence de la vieille, elle apparut en Pallas. La déesse reçoit alors les hommages des nymphes et des femmes de Mygdonie ; seule la jeune fille n'est pas effrayée. Elle rougit pourtant, et, malgré elle, cette rougeur subite marqua son visage, puis elle s'évanouit.

La gravure du milieu du XVIe siècle conservée au MBAO (inv. 2008.0.117) reproduit une oeuvre du Primatice (1504-1570) né à Bologne, pour le château de Fontainebleau. Elle est peut-être l'oeuvre de Girolamo Fagiuoli de Bologne. Sur le métier à tisser est inscrit : FONTANABLEO.BOL.INVENTOR".

Rubens, un siècle plus tard, a illustré la suite de la scène : on y voit Minerve, furieuse, qui frappe Arachné au front avec une navette de tisserand. Pour le métier à tisser sur lequel travaille Arachné, Rubens a reproduit exactement celui imaginé par Le Primatice. Le tableau de Rubens est conservé aux États-Unis, à Richmond, au Virginia Museum of Fine Arts.

 

BACCHUS ET ARIANE

BACCHUS TOMBE AMOUREUX D'ARIANE DANS L'ÎLE DE NAXOS


Bacchus, du haut du ciel, remarqua, sur un navire, la belle Ariane en compagnie de Thésée (celui qu'elle avait aidé dans sa lutte contre le Minotaure). Il la désira aussitôt et ordonna à Thésée de l'abandonner sur l'île de Naxos. Thésée obéit et continua sa navigation vers Athènes. Alors Dionysos débarqua à Naxos, où il trouva la belle et jeune Ariane endormie.

Aussitôt, il se disposa à s'unir à elle, alors qu'elle était un peu effrayée de se retrouver au milieu des satyres qui accompagnaient Bacchus.

Le peintre est parti d'un texte du rhéteur grec Philostrate (IIe siècle) dans son ouvrage La Galerie de Tableaux. Philostrate y conseillait aux peintres de présenter Bacchus sans son cortège habituel de baccchantes et de satyres et sans ses attributs traditionnels. De plus il proposait une image d'Ariane endormie dont le peintre s'est inspiré.
Sont conservés au MBAO :
• par les frères Le Nain, Bacchus et Ariane, huile sur toile, vers 1635 (inv. 70.4.1)
• une estampe par Elisabeth Sophie Chéron (1648-1711), Bacchus épouse Ariane à Naxos (inv.2008.0.1342).

 

BACCHUS ÉPOUSE ARIANE DANS L'OLYMPE


Bacchus emmena Ariane sur l'Olympe où il l'épousa. Selon la tradition chez les dieux, une grande fête s'ensuivit en l'honneur des deux époux.

Au centre Bacchus, couronné de pampre, tient Ariane sur ses genoux. On reconnaît Silène (à gauche), Pomone et Flore (à la table). A la droite de Bacchus, c'est Momus, le dieu de la raillerie, des critiques malicieuses et des bons mots, en fait le bouffon des divinités olympiennes (il a levé son masque sur sa tête et tient à la main une marotte, symbole de la folie).

 
Le MBAO conserve de Guy-Louis Vernansal (1648-1729), Une fête dans l'Oympe, 1709 (inv. 848).

 

BACCHUS REND ARIANE IMMORTELLE SOUS FORME D'UNE CONSTELLATION DANS LE CIEL


Ariane avait reçu de Vénus une couronne d'or ornée de neuf pierreries, oeuvre d'Héphaistos. Après son mariage, Bacchus trouva le moyen de rendre son épouse immortelle aux yeux des hommes : il transforma les neuf pierreries en étoiles et les envoya dans le firmament où elles formèrent une constellation, qui garda la forme d'une couronne (Coronea borealis).

 

Ovide, Métamorphoses, VIII, 178-182 :

Bacchus, voulant répandre sur Ariane l'éclat d'un astre impérissable, détacha la couronne dont elle parait son front et l'envoya au ciel. Celle-ci vole à travers les airs subtils ; dans son vol les pierreries deviennent des étoiles aux feux étincelants, qui se fixent au firmament, mais en gardant la forme d'une couronne.

Ovide, Fastes, III, 505-516 :

"Et je suis celle à qui tu promettais le ciel ! Malheureuse ! en fait de ciel, quelle récompense est la mienne !" Elle se tut ; depuis longtemps Liber entendait ses plaintes, car il l'avait suivie. Il la prend dans ses bras, sèche ses larmes sous ses baisers et lui dit : "Montons ensemble au plus haut des cieux ; partageant ma couche, tu partageras aussi mon nom : dans ta nouvelle condition tu t'appelleras Libera et je vais faire en sorte qu'avec toi demeure le souvenir de ta couronne, de cette couronne que Vulcain donna à Vénus, et que Vénus te donna". Il fait comme il avait dit et métamorphose en feux les neuf gemmes de la couronne : elle brille maintenant, cercle d'or, de ses neuf étoiles.

Le MBAO conserve de Guy-Louis Vernansal (1648-1729), Bacchus couronnant Ariane, huile sur toile (inv. 850)

 

CÉPHALE

CÉPHALE, JEUNE MARIÉ, REPOUSSE LES AVANCES DE LA DÉESSE AURORE


Le jeune Céphale, petit-fils d'Éole, grand amateur de chasses matinales, vient d'épouser Procris, qu'il aime. Alors qu'il est à la chasse, il est enlevé contre son gré par la déesse Aurore qui s'est éprise de lui. Ses deux chiens, tenus par deux Amours, sont restés sur la terre, alors que lui-même, qui tient encore son javelot à la main, a été enlevé vers le ciel et se retrouve dans les bras de la déesse Aurore, identifiable par sa torche.

Mais Céphale va repousser la déesse, affirmant qu'il est réellement amoureux de Procris. Finalement Aurore le renverra, mais avec des menaces.

Le texte est dans Ovide (Métamorphoses, VII, 700-713). C'est Céphale qui raconte son aventure, qui se situe deux mois après son mariage avec Procris :

Le second mois s'écoulait depuis la cérémonie sacrée qui nous avait unis. Je tendais mes filets aux cerfs cornus lorsque, un matin, du sommet de l'Hymette toujours fleuri, l'Aurore, dont la lumière de safran venait de chasser les ténèbres, m'aperçoit et m'enlève malgré ma résistance. Qu'il me soit permis de dire la vérité, sans offenser cette déesse; que son visage de rose ait tout pour charmer, qu'elle tienne sous sa loi les confins du jour et les confins de la nuit, qu'elle s'abreuve de nectar, soit ; mais moi, j'aimais Procris, je n'avais que Procris dans le coeur, que Procris à la bouche. J'alléguais les lois sacrées du mariage, nos embrassements tout nouveaux pour nous, notre union récente et nos premiers rapprochements dans la couche que je venais de quitter. La déesse fut indignée: "Cesse tes plaintes, ingrat, me répondit-elle; garde Procris. Si je vois clair dans l'avenir, tu regretteras de l'avoir gardée." Et, furieuse, elle me renvoya à celle que j'aimais.

Huile sur toile de Sebastiano Ricci (1659-1734), vers 1707, conservée au MBAO (inv. 71.8.1) sous le titre inexact "Vénus et Adonis".

 

CYPARISSE

CYPARISSE EST ÉCRASÉ DE DOULEUR SUR LE CORPS DE SON CERF FAVORI QU'IL A TUÉ PAR MÉGARDE


Dans l'île de Céos, le jeune Cyparissus avait domestiqué un cerf. Mais un jour, par mégarde, il le tua d'une flèche. Accablé, il demanda aux dieux de ne pas survivre à sa douleur.

Toutefois il ne va pas mourir : épuisé par l'excès de ses pleurs, il va être peu à peu, grâce à Apollon, métamorphosé en cyprès.

Ovide (Métamorphoses, X, 106-142)

Dans les champs de Carthée errait un cerf fameux consacré aux Nymphes de ces contrées. Libre de toute crainte, affranchi de cette timidité aux cerfs si naturelle, il fréquente les toits qu'habitent les humains. Il présente volontiers son cou aux caresses d'une main inconnue. Mais qui l'aima plus que toi, jeune Cyparissus, le plus beau des mortels que l'île de Cos ait vu naître ? Tu le menais dans de frais et nouveaux pâturages; tu le désaltérais dans l'eau limpide des fontaines : tantôt tu parais son bois de guirlandes de fleurs; tantôt, sur son dos assis, avec un frein de pourpre, tu dirigeais ses élans, tu réglais sa course vagabonde. C'était vers le milieu du jour, lorsque le Cancer aux bras recourbés haletait sous la vapeur brûlante des airs. Couché sur le gazon, dans un bocage épais, le cerf goûtait le frais, le repos, et l'ombre. Cyparissus imprudemment le perce de son dard; et le voyant mourir de cette blessure fatale, il veut aussi mourir. Que ne lui dit pas le dieu du jour pour calmer ses regrets ! en vain il lui représente que son deuil est trop grand pour un malheur léger. Cyparissus gémit, et ne demande aux dieux, pour faveur dernière, que de ne jamais survivre à sa douleur.
Cependant il s'épuise par l'excès de ses pleurs. De son sang les canaux se tarissent. Les couleurs de son teint flétri commencent à verdir. Ses cheveux, qui naguère ombrageaient l'albâtre de son front, se hérissent, s'allongent en pyramide, et s'élèvent dans les airs. Apollon soupire : "Tu seras toujours, dit-il, l'objet de mes regrets. Tu seras chez les mortels le symbole du deuil et l'arbre des tombeaux".

Le MBAO conserve une huile sur toile (inv. 683) par Sébastien-Louis-Guillaume Norblin de la Gourdaine (1796-1884), 1827. Le titre "Cyparisse mourant sur son cerf" est un peu inexact puisque Cyparisse ne va pas mourir mais être métamorphosé.

 

ÉRICHTHONIOS

ERICHTHONIOS, CACHÉ DANS UN COFFRE, EST DÉCOUVERT PAR LES FILLES DE CÉCROPS



Héphaistos avait essayé de violer Athéna venue dans son atelier lui commander des armes; mais le sperme se répandit sur la cuisse de la déesse qui l'essuya avec de la laine qu'elle jeta à terre. La Terre (Gaïa) ainsi fécondée donna naissance à Érichthonios. Athéna le recueillit et décida de l'élever en cachette, avec l'intention de le rendre immortel. L'enfant avait pour particularité d'être mi-homme mi-serpent, tout comme Cécrops.
Ce Cécrops, premier roi légendaire d'Athènes, était né de la Terre même; c'est pourquoi le bas de son corps était celui d'un serpent. Il épousa Aglauros, fille d'Actaeos, dont il eut quatre enfants, un fils Erysichton (qui mourut jeune) et trois filles Aglauros, Hersé et Pandrosos.
Athéna remit l'enfant, enfermé dans un coffre, aux filles de Cécrops, tout en leur défendant formellement de l'ouvrir. Mais Aglaure ouvrit le coffre et découvrit l'enfant-serpent.

Les jeunes filles, terrifiées, se suicidèrent en se jetant du haut de l'Acropole.

Ovide, Métamorphoses,

Un jour Pallas avait enfermé Érichthonius, enfant né sans mère, dans une corbeille tressée avec l'osier de l'Acté et elle l'avait confié à trois vierges, filles de Cécrops au corps hybride, en leur défendant de regarder ce qu'elle tenait secret. Cachée sous le feuillage léger, j'épiais du haut d'un ormeau touffu ce qu'elles faisaient: deux d'entre elles gardent sans frauder le dépôt confié à leurs soins: c'étaient Pandrosos et Hersé; seule Aglauros traite ses soeurs de peureuses; elle défait les noeuds de sa main; et à l'intérieur de la corbeille elles aperçoivent le petit enfant et un serpent étendu à ses côtés.

Apollodore, Bibliothèque, III, 14, 6 :

Minerve étant venue prier Vulcain de lui faire une armure, ce dieu, que Vénus avait abandonné, devint amoureux de Minerve, et se mit à la poursuivre; elle prit, la fuite : il parvint cependant à la joindre, quoiqu'avec beaucoup de peine (car il était boiteux), et chercha à la violer ; mais Minerve, qui était vierge et très sage, se défendit, si bien qu'il ne put parvenir à son but, et il laissa des marques de sa passion sur la jambe de la déesse, qui en ayant horreur, les essuya avec un morceau de laine qu'elle jeta à terre. Elle s'enfuit, et Erichthonius naquit de ce qu'elle avait jeté à terre. Minerve l'éleva à l'insu des autres dieux, et voulait le rendre immortel : elle le mit dans une ciste, qu'elle confia à Pandrose, fille de Cécrops, en lui défendant de l'ouvrir. Les sœurs de Pandrose poussées par la curiosité, l'ouvrirent, et trouvèrent un serpent entortillé autour de l'enfant. Les uns disent qu'elles furent tuées sur-le-champ par le serpent ; suivant d'autres, Minerve les rendit furieuses, et elles se précipitèrent du haut de la citadelle.

Le MBAO conserve une huile sur bois d'après Martin De Vos (1532-1603), Erichthonios découvert par les filles de Cécrops.

 

HÈRA - JUNON

HERA ENVOIE UNE ÉPIDÉMIE DE PESTE SUR L'ÎLE DE LA NYMPHE ÉGINE


Zeus, amoureux de la nymphe Égine, prit la forme d'un aigle, l'enleva et la transporta, enceinte, sur l'île d'Oenone (appelée depuis île d'Égine) où elle mit au monde un fils, Eaque, qu'elle abandonna aussitôt. Héra, furieuse de voir une île porter le nom d'une amante de son époux, envoya sur l'île d'Eaque une épidémie de peste qui tua tous les animaux et tous les habitants. Comme les fourmis de l'île avaient seules échappé à l'épidémie, Zeus les transforma en humains, les Myrmidons.

Dans le ciel, Junon répand le virus sur la ville. A gauche, un homme qui ne supporte plus d'être enfermé chez lui et qu'une femme essaie de retenir. A droite, des médecins impuissants qui risquent d'être contaminés. Au loin, des hommes fiévreux qui boivent l'eau d'une fontaine. Au bas des marches du temple, des malades qui prient Jupiter. En haut des marches, des hommes qui brûlent de l'encens

OVIDE, au livre VII des Métamorphoses, fait raconter par Éaque, le roi d'Égine, comment son royaume a été dépeuplé par l'épidémie envoyée par Junon. On peut en citer quelques phrases :

Une peste terrible s'est abattue sur mon peuple, poursuivi par la colère de Junon, qui avait pris en haine un pays appelé du nom de sa rivale. D'abord le ciel fit peser sur la terre un épais brouillard et des nuages, où il enferma une chaleur accablante. Il est constant que les sources et les bassins furent infestés par la contagion. D'abord les entrailles sont dévorées par une flamme secrète que révèle la rougeur de la peau et la chaleur brûlante de l'haleine ; la langue est rugueuse et enflée ; la bouche desséchée s'ouvre aux vents attiédis et n'aspire entre les lèvres béantes qu'un air pestilentiel. Les malades ne peuvent souffrir ni couverture ni vêtement, mais ils appliquent contre terre leur poitrine insensible et leur corps, au lieu d'être rafraîchi par le sol, communique au sol sa chaleur. Personne ne peut calmer le mal ; il se déchaîne cruellement contre les médecins eux-mêmes, devenus victimes de l'art qu'ils exercent. Plus on approche les malades, plus on met de dévouement à leur service et plus on contracte rapidement le germe fatal. Pêle-mêle, au mépris de toute pudeur, ils se pressent contre le bord des fontaines, des cours d'eau et des puits aux larges flancs ; leur soif ne s'éteint qu'avec leur vie, pendant qu'ils boivent. Certains de ces malheureux éprouvent une telle horreur, un tel dégoût pour leur couche qu'ils s'en élancent d'un bond, ou, si leurs forces ne leur permettent pas de se soutenir, se roulent sur la terre ; chacun fuit ses pénates, chacun regarde sa demeure comme un séjour funeste et, ignorant la cause du mal, en accuse l'étroitesse du lieu où il habite. Tu vois en face de toi ce temple où l'on monte par une longue suite de degrés ; il est consacré à Jupiter ; qui de nous n'a point porté sur ses autels un encens inutile ? Que de fois l'époux, en récitant une prière pour son épouse, le père pour son fils, ont expiré au pied de ces autels inexorables ! Que de fois on a trouvé dans leur main une portion de leur encens, qu'ils n'avaient pas brûlée !

Au MBAO (inv. 2008.0.1294) : dessin de Pierre Mignard (1612-1695), gravé au burin par Gérard Audran (1640-1703).


JUNON VIENT DE MONTER SUR SON CHAR
POUR ALLER DEMANDER À ÉOLE DE DÉCHAÎNER UNE TEMPÊTE CONTRE LA FLOTTE D'ÉNÉE


C'est le début de l'Enéide.

Junon est furieuse. Elle voit que la flotte d'Énée et de ses compagnons troyens, quittant la Sicile, va pouvoir naviguer sur la mer Tyrrhénienne vers le nord, et aborder dans le Latium.

Vix e conspectu Siculae telluris in altum
uela dabant laeti et spumas salis aere ruebant.

[A peine hors de vue de la terre sicilienne, ils donnaient des voiles vers le grand large,
joyeux, et du bronze fendaient l'écume salée.]

Or Junon, reine des dieux, sœur et femme de Jupiter (divum regina Iovisque et soror et coniux) en veut toujours aux Troyens parce que c'est un fils de Priam et d'Hécube, Pâris, qui avait désigné comme "la plus belle déesse de l'Olympe" non pas elle-même, mais Vénus. Cet affront l'a profondément blessée (Iuno aeternum seruans sub pectore uolnus : Junon gardant en son coeur cette éternelle blessure]

Rancunière, elle décide donc de détourner d'Italie le roi des Troyens (Italia Teucrorum auertere regem), allant ainsi, elle le sait, contre les Destinées (fata), puisque des descendants d'Enée sont destinés à fonder une ville, qui s'appellera Rome, par laquelle Carthage, la ville qui lui est chère, sera détruite.

Talia flammato secum dea corde uolutans
nimborum in patriam, loca feta furentibus Austris
Aeoliam venit.
(I, 50-52)
[Roulant ces pensées dans son coeur enflammé, elle s'en va dans la patrie des nuages,
lieux remplis de vents furieux, en Éolie.]

GIRODET – MBAO Inv. 71.10.01

Jetant un regard mauvais sur la flotte troyenne, Junon est montée sur son char tiré par deux paons, son animal favori*. Elle a pris avec elle, choisie parmi ses quatorze Naïades, Déiopée, celle dont les formes sont les plus belles (forma pulcherrima); elle veut en faire don à Éole pour le convaindre de lancer ses vents sur la mer, avec le risque de déplaire à Neptune.

Éole est le maître et régisseur des vents qu'il tient enfermés dans une vaste grotte (uasto antro). Obéissant à Junon, il va déchaîner contre la flotte d'Énée une tempête par laquelle les Troyens vont être rejetés sur la côte de Libye, non loin de Carthage.

––––––––––––––––

* Junon soupçonnait son époux d'avoir une liaison adultère avec la belle Io. Elle transforma donc la jeune femme en génisse et, pour la surveiller, elle eut recours au géant Argos. Celui-ci avait cent yeux, ce qui lui permettait de toujours être vigilant, car cinquante yeux veillaient pendant que les cinquante autres dormaient. Jupiter, pour libérer son amante de cette surveillance permanente, demanda à Mercure de tuer Argos. Alors, pour rendre hommage à la fidélité d'Argos, Junon récupera ses cent yeux et les mit sur la queue de son oiseau préféré, le paon.

 

HERCULE

HERCULE EST ARRIVÉ À L'ÂGE OÙ IL DOIT CHOISIR ENTRE LE VICE ET LA VERTU


Hercule est arrivé à l'âge où il faut choisir quel genre de vie on va mener. C'est alors qu'il assiste à l'affrontement entre le Vice (nue entre les bras d'un Satyre) et la Vertu (habillée avec décence). Le Vice vient d'assayer de persuader le futur héros de consacer sa vie à la recherche du plaisir. La Vertu essaie de le faire taire en le menaçant de son bâton. Hercule semble partagé.

Finalement, avec sagesse, Hercule choisira la Vertu.

La source est Xénophon qui, dans Les Mémorables (livre II, 1, 21-33), cite un conte moral tité de l'ouvrage (perdu) Les Saisons de la Vie du sophiste Prodicus de Céos, qui avait été un des maîtres de Socrate. Le texte commence ainsi : "A peine sorti de l'enfance, à cet âge où les jeunes gens, devenus maîtres d'eux-mêmes, font déjà voir s'ils suivront, pendant leur vie, le chemin de la vertu ou celui du vice, Hercule s'assit dans un lieu solitaire, ne sachant laquelle choisir des deux routes qui s'offraient à lui. Soudain il voit s'avancer deux femmes d'une taille majestueuse."
Et le texte développe longuement les arguments du Vice et ceux de la Vertu.

Un exemplaire de l'estampe d'Albrecht Dürer (1471-1528), Hercule à la croisée des chemins, 1498, est conservé au MBAO (inv. 2008.0.118)

 

HERCULE EST SOUMIS À DOUZE ÉPREUVES PAR EURYSTHÉE


Hercule alla à Tirynthe pour recevoir les ordres d'Eurysthée qui lui imposa douze épreuves. Le premier ordre qu'il lui donna fut de lui apporter la peau du lion qui faisait régner la terreur dans la région de Némée; comme l'animal était invulnérable, Hercule dut l'étouffer dans son antre. Il dut affronter ensuite, dans les marais de Lerne, une hydre à plusieurs têtes, contre lequel sa massue se révéla inefficace : il lui fallut couper chaque tête à l'aide d'un sabre et l'empêcher de repousser en brûlant la blessure. Il dut ensuit aller sur le mont Cyrinie en Arcadie pour capturer sans la blesser une biche consacrée à Diane; il réussit en la poursuivant une année entière afin de la fatiguer. Son douxième et dernier travail consista à aller aux Enfers pour se rendre maître du monstre Cerbère et venir le montrer à Eurysthée avant de le reconduire aux Enfers.

Tous ces exploits d'Hercule sont racontés en détail par Apollodore, Bibliothèque, II, 5.

• Le lion de Némée : MBAO, 2008.0.1067, gravure de Jean Pesne (1623-1700), d'après Nicolas Poussin (1594-1665).
• L'Hydre de Lerne : MBAO, 2008.0.1023, gravure de Gilles Rousselet d'après le tableau de Guido Reni, dit le Guide (1575-1642) conservé au Louvre.
• La biche aux pieds d'airain : MBAO-2008.0.316, burin par Heinrich Aldegrever (1502-c. 1560)
• Cerbère : MBAO-2008.0.317, burin par Heinrich Aldegrever (1502-c. 1560)

 

HERCULE PREND DU PLAISIR AVEC OMPHALE, LA REINE DE LYDIE


Ayant tué un certain Iphitos à la suite d'une crise de démence, Hercule se rendit à Delphes afin de consulter la Pythie et savoir comment il pourrait être "purifié". L'oracle d'Apollon lui prescrivit de se vendre comme esclave pendant trois ans et de céder le prix de sa vente comme compensation au père de sa victime, qui d'ailleurs refusa. Hercule suivit alors les recommandations de la Pythie et se mit en vente. C'est la reine de Lydie, Omphale, qui l'acheta pour trois talents.
Avec elle, Hercule mena une vie de plaisirs. Omphale jouait à se transformer elle-même en Hercule, avec peau de lion et massue, et à travestir Hercule en femme, lui donnant sa robe (évidemment trop étroite pour qu'il la mette), lui faisant jouer du tambourin ou, plus souvent, lui apprenant à filer la laine.

 

Quelques textes source :

Ovide, Les Fastes, II,305-331 :
Tandis que les esclaves préparent le repas et le vin, Omphale veut revêtir Alcide de sa propre parure. Elle lui donne sa tunique légère, teinte de la pourpre africaine; elle lui donne la délicate bandelette qui naguère lui servait de ceinture; mais celle-ci ne peut suffire à entourer le corps d'Hercule; déjà il a brisé aussi le lien de sa tunique, pour ouvrir un passage à ses robustes mains; ses larges pieds sont emprisonnés dans une étroite chaussure. Omphale, à son tour, saisit la lourde massue, la dépouille du lion, et les traits les moins pesants que renferme le carquois. Ainsi travestis, ils se mettent à table, puis se livrent au sommeil.

Sénèque, Hercule sur l'Oeta, II,371-377 :
Hercule aima, près du Tmole, la princesse de Lydie. Vaincu par ses charmes, il prit en main les fuseaux légers et fit glisser le fil humide entre ses doigts robustes ; sa noble tête se dépouilla de la peau du lion; il mit sur son front la mitre orientale, versa les parfums d'Arabie sur sa rude chevelure, et se fit l'esclave de sa belle maîtresse.

Sénèque, Hercule furieux, II, 465-471 :
Appelez-vous courageux celui qui, laissant tomber de ses épaules sa massue et la peau du lion de Némée, aux pieds d'une jeune fille, ne rougit pas de revêtir une robe de pourpre tyrienne? Appelez-vous courageux celui qui frotta de parfums sa rude chevelure? qui tira de ses mains guerrières les sons efféminés des tambours de Phrygie? qui ceignit autour de son front terrible la mitre des Barbares? – Il faut bien qu'après de grands exploits le courage se repose !

Lucien de Samosate (Comment il faut écrire l'histoire, X) :
Tu as vu sans doute dans quelque tableau Hercule peint en esclave d'Omphale, chargé d'ornements qui ne sont nullement faits pour lui, et cette princesse revêtue de la peau de lion et tenant d'une main la massue, comme si elle était Hercule, tandis que le héros, couvert d'une robe de pourpre, file de la laine et laisse Omphale le frapper avec sa petite sandale.

• MBAO, 2008.0.1063 : Eau-forte anonyme d'après la fresque de Annibale Carracci (1560–1609), Hercule et Omphale, 1597, au palais Farnèse à Rome (Galleria Farnesina):
• MBAO, 2008.0.1542 : Estampe gravée par Laurent Cars (1699-1771), d'après le tableau de François Lemoyne (1688-1737), conservé au Louvre.

 

HERCULE TUE LE ROI D'ÉGYPTE BUSIRIS
QUI OFFRAIT EN SACRIFICE À JUPITER LES ÉTRANGERS DE PASSAGE


Busiris était un roi d'Égypte très cruel. Comme une série de mauvaises récoltes s'était abattue sur l'Égypte, un devin venu de Chypre, Phrasios, lui avait conseillé, pour apaiser le dieu, de sacrifier à Zeus chaque année un étranger. Busiris commença par sacrifier Phrasios lui-même. C'était l'époque où Hercule parcourait le monde à la recherche des pommes d'or qu'Héra avait mises sous la garde d'un dragon et de trois nymphes, les Hespérides. Busiris s'empara d'Hercule, l'attacha avec des bandelettes, le couronna de fleurs et le mena à un autel pour le sacrifier devant une statue de Zeus. Mais Hercule se libéra de ses liens et tua Burisis, ainsi que son fils Amphidamas, le héraut Chalbès et tous les assistants.

Sur l'image, on voit la hache avec laquelle Hercule allait être sacrifié sur l'autel qui fume devant une statue de Jupiter. Hercule a déjà tué Amphidamas et le héraut; il s'acharne maintenant à coups de massue sur le roi Busiris.

L'anecdote est racontée dans Apollodore, Bibliothèque, livre II, chap. V, § 11 :

De la Lybie, Hercule passa en Egypte, où régnait Busiris, fils de Neptune et de Lysianasse, fille d'Epaphus. Ce roi, d'après un certain oracle, sacrifiait les étrangers à Jupiter. La famine avait affligé l'Egypte durant neuf ans ; un devin nommé Thrasius, venant de Chypre, dit qu'elle cesserait si l'on sacrifiait tous les ans un étranger à Jupiter. Busiris ayant commencé par le devin lui-même, continua à sacrifier tous les étrangers qui arrivaient. Ayant pris Hercule, il le fit conduire à l'autel ; mais celui-ci ayant rompu ses liens, tua Busiris et son fils Amphidamas.

On trouve une allusion à ce meurtre dans Ovide, Métamorphoses, IX, 183 : "Ego foedantem peregrino templa cruore Busirin domui" [C'est moi qui ai vaincu Busiris qui souillait les temples du sang d'étrangers.]

L'estampe conservée au MBAO (inv. 2008.0.1349) est une eau-forte (inversée) de Jean Mariette d'après un tableau de Jean-Baptiste Corneille conservé à l'ENSBA. Mariette a légèrement modifié son modèle, par exemple en mettant une massue dans les mains d'Hercule.

 


JUNON VIENT DE MONTER SUR SON CHAR
POUR ALLER DEMANDER À ÉOLE DE DÉCHAÎNER UNE TEMPÊTE CONTRE LA FLOTTE D'ÉNÉE


C'est le début de l'Enéide.

Junon est furieuse. Elle voit que la flotte d'Énée et de ses compagnons troyens, quittant la Sicile, va pouvoir naviguer sur la mer Tyrrhénienne vers le nord, et aborder dans le Latium.

Vix e conspectu Siculae telluris in altum
uela dabant laeti et spumas salis aere ruebant.

[A peine hors de vue de la terre sicilienne, ils donnaient des voiles vers le grand large,
joyeux, et du bronze fendaient l'écume salée.]

Or Junon, reine des dieux, sœur et femme de Jupiter (divum regina Iovisque et soror et coniux) en veut toujours aux Troyens parce que c'est un fils de Priam et d'Hécube, Pâris, qui avait désigné comme "la plus belle déesse de l'Olympe" non pas elle-même, mais Vénus. Cet affront l'a profondément blessée (Iuno aeternum seruans sub pectore uolnus : Junon gardant en son coeur cette éternelle blessure]

Rancunière, elle décide donc de détourner d'Italie le roi des Troyens (Italia Teucrorum auertere regem), allant ainsi, elle le sait, contre les Destinées (fata), puisque des descendants d'Enée sont destinés à fonder une ville, qui s'appellera Rome, par laquelle Carthage, la ville qui lui est chère, sera détruite.

Talia flammato secum dea corde uolutans
nimborum in patriam, loca feta furentibus Austris
Aeoliam venit.
(I, 50-52)
[Roulant ces pensées dans son coeur enflammé, elle s'en va dans la patrie des nuages,
lieux remplis de vents furieux, en Éolie.]

GIRODET – MBAO Inv. 71.10.01

Jetant un regard mauvais sur la flotte troyenne, Junon est montée sur son char tiré par deux paons, son animal favori*. Elle a pris avec elle, choisie parmi ses quatorze Naïades, Déiopée, celle dont les formes sont les plus belles (forma pulcherrima); elle veut en faire don à Éole pour le convaindre de lancer ses vents sur la mer, avec le risque de déplaire à Neptune.

Éole est le maître et régisseur des vents qu'il tient enfermés dans une vaste grotte (uasto antro). Obéissant à Junon, il va déchaîner contre la flotte d'Énée une tempête par laquelle les Troyens vont être rejetés sur la côte de Libye, non loin de Carthage.

––––––––––––––––

* Junon soupçonnait son époux d'avoir une liaison adultère avec la belle Io. Elle transforma donc la jeune femme en génisse et, pour la surveiller, elle eut recours au géant Argos. Celui-ci avait cent yeux, ce qui lui permettait de toujours être vigilant, car cinquante yeux veillaient pendant que les cinquante autres dormaient. Jupiter, pour libérer son amante de cette surveillance permanente, demanda à Mercure de tuer Argos. Alors, pour rendre hommage à la fidélité d'Argos, Junon récupera ses cent yeux et les mit sur la queue de son oiseau préféré, le paon.

 

JUPITER

JUPITER FÉCONDE DANAE SOUS LA FORME D'UNE PLUIE D'OR


Danaé était la fille du roi d'Argos Acrisios. Celui-ci, ayant pris connaissance d'un oracle qui disait qu'il serait tué par son petit-fils, enferma sa fille, avec sa nourrice, dans une tour d'airain souterraine. Toutefois Zeus entra dans cette tour et, sous la forme d'une pluie d'or, féconda Danaé.

Avec l'aide de sa nourrice, Danaé put accoucher d'un garçon, Persée, et l'élever secrètement dans sa chambre close pendant quelques mois. Mais un jour Acrisios entendit un cri de l'enfant. Ne voulant pas croire que sa fille avait été fécondée par Zeus, il tua la nourrice et décida de mettre Danaé et son enfant dans un coffre de bois et de le lancer sur la mer. Le coffre fut jeté sur l'île de Sériphos. Là, un pêcheur, Dictys, frère du tyran de l'île, Polydestès, recueillit Danaé et son fils et éleva la jeune Persée.
Plus tard Acrisios, craignant toujours l'oracle, avait quitté Argos s'était réfugié, à l'insu de son petit-fils, chez les Pélasges, près du roi Teutamidès. Or celui-ci organisa des jeux sportifs, auxquels Persée vint participer. Lors d'une épreuve de lancer, le disque de Persée vint frapper et tuer un spectateur: c'était Acrisos! L'oracle avait dit vrai !

Apollodore, Bibliothèque, II, 4, 1-4.

Acrisius ayant consulté l'oracle sur sa postérité, le dieu lui répondit que sa fille aurait un fils qui le tuerait. Craignant l'effet de cette prédiction, Acrisius fit bâtir une chambre souterraine, en airain, dans laquelle il enferma Danaé. […] Jupiter, s'étant changé en pluie d'or, pénétra dans son sein, à travers le toit de la prison, et jouit d'elle. Acrisius voyant qu'elle avait mis au monde Persée, et ne croyant point qu'elle eût été séduite par Jupiter, l'enferma dans un coffre avec son fils, et les jeta dans la mer. Le vent ayant poussé le coffre vers l'île de Sériphos, Dictys le retira et éleva l'enfant.

MBAO, inv. 2008.0.1362 : gravure de Jean-Baptiste de Poilly (1669-1728), d'après un carton de Jules Romain (1492 ou 1499 - 1546).
Le Cabinet des dessins du Louvre conserve une étude préparatoire de Perino Del Vaga (1501-1547) pour une pièce de la tenture perdue des 'Furti' ou 'Amori di Giove' de Perino, tissée pour habiller les murs du 'Salone della Caduta dei Giganti' au Palazzo Doria de Fassolo, à Gênes.

 

JUPITER, POUR S'UNIR À LÉDA, LA FEMME DE TYNDARE, A PRIS LA FORME D'UN CYGNE


Léda, fille du roi d'Étolie Thestios, épousa Tyndare, chassé de Lacédémone. Mais Zeus prit la forme d'un cygne pour s'unir à elle une nuit où elle eut commerce avec son mari.

En conséquence, Léda pondit deux oeufs : du premier sortirent Pollux et Hélène (enfants de Zeus), du second Castor et Clytemnestre (enfants de Tyndare).

Apollodore, Bibliothèque, II, 10, 7 :

Jupiter, sous la forme d'un cygne, ayant joui de Léda, et Tyndare ayant eu commerce avec elle la même nuit, elle eut de Jupiter, Pollux et Hélène, et de Tyndare, Castor [et Clytemnestre]. Quelques écrivains disent qu'Hélène était fille de Jupiter et de Némésis, qui ayant pris toutes sortes de formes, pour se soustraire aux poursuites de Jupiter, se changea enfin en oie; Jupiter alors prit la forme d'un cygne, jouit d'elle, et elle accoucha d'un œuf. Un berger ayant trouvé cet œuf dans les bois, le porta à Léda, qui l'enferma dans une armoire ; le terme étant arrivé, Hélène en sortit, et Léda l'éleva comme sa propre fille.

Ronsard, La Défloration de Lède, v. 145-176 :

Lui qui fut si gracieux, / voyant son heure opportune, / devint plus audacieux / prenant au poil la fortune. / De son col, comme ondes long, / le sein de la vierge touche / et son bec lui mit adonc / dedans sa vermeille bouche./ Il va ses ergots dressant / sur les bras d'elle qu'il serre / et de son ventre pressant / contraint la rebelle à terre. / Sous l'oiseau se débat fort, / le pince et le mord, si est-ce / qu'au milieu de tel effort / sentit ravir sa jeunesse.

Le MBAO conserve la copie d'une estampe d'Enea Vico (1523-1567) inspirée elle-même par une peinture de Michel-Ange réalisée vers 1530 pour le duc de Ferrare.

JUPITER SE SERT DE PANDORE, LA PREMIÈRE FEMME, POUR ACCABLER L'HUMANITÉ DE TOUS LES MAUX


Contre la volonté de Zeus, Prométhée s'était montré favorable aux hommes qui peuplaient la Terre, particulièrement en leur permettant de disposer du feu. Furieux d'avoir été trompé, Zeus décida de répandre toutes les formes de malheur sur ces hommes trop heureux.
Pour cela, il demanda à Héphaistos de façonner une créature à partir d'un mélange de terre et d'eau, séduisante en apparence, mais en réalité maléfique. Cette créature était la première femme. Plusieurs dieux participèrent à sa composition, lui donnant la beauté, la grâce, l'art de séduire, l'habileté manuelle, mais aussi l'esprit d'impudence et de perfidie. On l'appela Pan-dore ("celle à qui tout a été donné par les dieux").
Avant qu'elle ne sorte de terre et se retrouve parmi les hommes, Zeus lui confia une urne (ou une jarre) soigneusement fermée, en lui disant de ne pas l'ouvrir. Puis il demanda à Hermès de lui faire rencontrer sur terre Épiméthée, un frère de Prométhée.
Épiméthée fut charmé par cette nouvelle créature sortie de terre. Celle-ci, d'emblée, lui offrit l'urne qu'elle tenait de Zeus et, curieuse de voir ce qu'elle contenait, elle lui demanda de l'ouvrir. Aussitôt en sortirent tous les maux que Zeus y avait enfermés et qui se répandirent sur l'humanité.

La partie gauche de l'image représente Pandore sortant de la terre avec laquelle elle a été façonnée, en même temps que plusieurs petits serpents chthoniens. Émergeant, elle se trouve éblouie à cause de la lumière répandue sur la Terre par le dieu Apollon. Mais celui-ci, d'un signe du doigt, lui rappelle quelle est sa mission.

A droite de l'image, conformément aux ordres de Zeus et d'Apollon, Pandore vient de persuader Épiméthée d'ouvrir l'urne: aussitôt s'en échappent tous les maux qui vont accabler à jamais la race humaine.

L'estampe représente le mythe de Pandore tel que le raconte Hésiode (Théogonie, 558-613 et Les Travaux et les Jours, 54-106) et tel qu'il est résumé par Érasme, dans l'Adage "Malo accepto stultus sapit" (I,1,31).

Extraits du texte de la Théogonie :

D'après la volonté de Jupiter, le boiteux Vulcain forma avec de la terre une image semblable à une chaste vierge. Minerve aux yeux bleus s'empressa de la parer et de la vêtir d'une blanche tunique. Une égale admiration transporta les dieux et les hommes dès qu'ils aperçurent cette fatale merveille si terrible aux humains ; car de cette vierge est venue la race des femmes au sein fécond, de ces femmes dangereuses, fléau cruel vivant parmi les hommes. Ainsi Jupiter, ce maître de la foudre accorda aux hommes un fatal présent en leur donnant ces femmes complices de toutes les mauvaises actions.

Extraits du texte des Travaux et les Jours :

Le père des dieux et des hommes commanda à l'illustre Vulcain de composer sans délais un corps, en mélangeant de la terre avec l'eau, de lui communiquer la force et la voix humaine, d'en former une vierge douée d'une beauté ravissante et semblable aux déesses immortelles. Il ordonna à Minerve de lui apprendre les travaux des femmes et l'art de façonner un merveilleux tissu, à Vénus de répandre sur sa tête la grâce enchanteresse, à Mercure de remplir son esprit d'impudence et de perfidie. Aussitôt l'illustre Vulcain façonna avec de la terre une image semblable à une chaste vierge ; la déesse aux yeux bleus, Minerve, l'orna d'une ceinture et de riches vêtements. Puis Mercure lui inspira l'art du mensonge, les discours séduisants et le caractère perfide. Ce héraut des dieux lui donna un nom et l'appela Pandore, parce que chacun des habitants de l'Olympe lui avait fait un présent pour la rendre funeste aux hommes industrieux. Après avoir achevé cette attrayante et pernicieuse merveille, Jupiter ordonna au rapide messager des dieux de la conduire vers Épiméthée. Épiméthée ne se rappela point que Prométhée lui avait recommandé de ne rien recevoir de Jupiter, roi d'Olympe, mais de lui renvoyer tous ses dons de peur qu'ils ne devinssent un fléau terrible aux mortels. Il accepta le présent fatal et reconnut bientôt son imprudence. Pandore, tenant dans ses mains un grand vase, en souleva le couvercle, et les maux terribles qu'il renfermait se répandirent au loin. Depuis ce jour, mille calamités entourent les hommes de toutes parts.

Erasme a résumé cette légende dans l'Adage "Malo accepto stultus sapit" (I,1,31).

Ce n'est qu'après avoit été victime du malheur que le sot devient sage. Cette maxime semble avoir pour origine cette très vieille légende. Jupiter, furieux contre Prométhée qui avait volé le feu au ciel et l'avait donné aux mortels, voulut prendre sa revanche par un tour semblable. Il donne mission à Vulcain de faire de son mieux pour fabriquer avec de l'argile une image de jeune femme. Dès que cela fut fait, il demande à tous les dieux et déesses d'attribuer à cette image chacun un don : de là, semble-t-il, vient le nom de Pandore qu'on a donné à cette vierge. Donc celle-ci, après avoir reçu tous les dons, beauté, raffinement, intelligence, langue bien affilée, est envoyée à Prométhée, avec un coffret certes d'une grande beauté, mais recelant à l'intérieur toutes les sortes de malheurs.. Prométhée refusa ce cadeau et avertit son frère de ne pas accepter quelque cadeau que ce soit qu'on lui enverrait en son absence. Pandore arrive, finit par convaincre Epiméthée et lui donne le coffet. Dès qu'il l'eut ouvert et que, les maux s'en étant échappés, il eut compris que les dons de Jupiter était de faux dons, il commença à devenir sage, mais, bien sûr, trop tard.

L'estampe conservée au MBAO (inv. 2008.0.1253) est une eau-forte de Nicolas de Plattemontagne (1631-1706). Le titre, "Apollon et son luth" prouve que l'interprétation n'en a pas été faite. La partie droite de l'image est comparable à un dessin d'après Paolo Farinati (1524-1606) conservé au Louvre, Département des Arts Graphiques (4906-recto) : Epiméthée ouvrant la boîte de Pandore.

 

JUPITER FAIT ENLEVER GANYMÈDE PAR SON AIGLE, POUR QU'IL SERVE D'ÉCHANSON AUX DIEUX


La scène se passe dans la région du mont Ida, au sud-et de Troie. Ganymède, petit-fils d'Ilos, le fondateur de Troie, était un adolescent d'une si grande beauté qu'il séduisit Jupiter. Alors que Ganymède se trouvait dans la région du mont Ida, au sud-est de Troie, Jupiter le fit enlever par son aigle, qui le transporta sur l'Olympe, où il devait servir d'échanson pour les dieux.

Virgile, dans l'Énéide (V,252-257), évoque la scène de l'enlèvement de Ganymède: elle est brodée sur une chlamyde offerte comme récompense au vainqueur d'une régate.
On y voit brodé l'enfant royal; dans les forêts de l'Ida il poursuit à la course les cerfs rapides avec son javelot, ardent, haletant. Mais, fondant du sommet de l'Ida, l'oiseau qui porte les armes de Jupiter l'a ravi dans les airs de ses serres crochues. Ses gardiens, trop âgés, tendent en vain leurs paumes vers les astres et l'aboiement des chiens vers les souffles fait rage.

Ovide, dans ses Métamorphoses (X, 155-161) fait une brève allusion à la légende :
Le souverain des dieux jadis se consuma d'amour pour le Phrygien Ganymède; il se trouva dans le monde un être dont Jupiter aima mieux prendre la forme que de garder la sienne; cependant le seul oiseau auquel il daigna l'emprunter fut celui qui pouvait porter sa foudre. Aussitôt, battant l'air de ses ailes empruntées, il enlève le petit-fils d'Ilus. Aujourd'hui encore c'est cet enfant qui mélange le breuvage dans la coupe de Jupiter et qui, en dépit de Junon, lui présente le nectar.

• MBAO, 2008.0.1649 : Estampe : Jean Baptiste Marie Pierre (1713-1789), gravé par Johann Martin Preissler.
• MBAO, 2008.0.1306 : Estampe : Le Titien, 1488-1576, gravé par Gérard Audran (1640-1703); toile par Damiano Mazza (actif 1573-1590), vers 1575, pour le plafond d'un hôtel de Padoue; à (Londres, National Gallery).

 

MÉDÉE

MÉDÉE A CHOISI DE ROMPRE AVEC SA FAMILLE POUR SUIVRE JASON DANS SA QUÊTE DE LA TOISON D'OR


Jason est le fils d'Aeson, roi d'Iolcos en Thessalie, qui a été dépossédé du trône par son demi-frère Pélias. Devenu adulte, Jason vint réclamer le trône d'Iolcos, qui lui appartenait légitimememt. Pélias promit de le lui rendre, à condition qu'il rapporte de Colchide la Toison d'or, gardée par un dragon. Après avoir pris la tête de l'expédition des Argonautes, Jason parvint auprès du roi Aeétès, gardien de la Toison d'or.
La fille du roi de Colchide Aeétes était magicienne, comme sa tante Circé. Elle désapprouvait son père qui avait l'habitude de tuer tous les étrangers qui abordaient dans son pays. Or, un jour, elle vit les Argonautes qui, avec Jason, débarquaient sur le rivage de Colchos, en quête de la Toison. Liant son sort à eux, Médée promit de les aider, à condition que Jason l'épouse après la conquête de la toison. Ce faisant, elle trahissait son père et sa famille. Pour symboliser cette rupture avec sa famille, elle remit à Jason symbolisée ses dieux pénates, les divinités du foyer.

OVIDE, dans les Héroïdes (XII) a imaginé une lettre que Médée aurait pu écrire à Jason, dans laquelle elle insiste sur cette rupture avec sa famille.

J'ai trahi mon père ; j'ai quitté mon royaume et ma patrie : l'exil, où que ce fût, je l'ai accepté comme une faveur. Ma virginité est devenue la proie d'un ravisseur étranger ; avec une mère chérie, j'ai abandonné la meilleure des sœurs.

Au MBAO (inv. 2008.0.304) : burin par Georg Pencz (1500-1550).

 

MÉDÉE, À LA DEMANDE DE JASON, ENTREPREND DE RAJEUNIR LE VIEIL AESON


Lors de leurs pérégrinations, Médée et Jason se trouvèrent à Corcyre [Corfou] sur le territoire du roi Alcinoos où des envoyés d'Aeétès voulurent s'emparer de Médée pour la ramener en Cochide. Alcinoos décida qu'il la livrerait seulement si elle était encore vierge. Informé de cela, Jason se hâta de s'unir à elle dans la grotte de Macris. À son retour il demanda à Médée d'user de ses enchantements pour rajeunir son vieux père Aeason.
Pour cela, une nuit de pleine lune, à minuit, après avoir tourné trois fois sur elle-même et s'être arrosée de l'eau d'un fleuve, elle commence une série d'invocations. Alors un char descend du ciel, conduit pas des dragons ailés : elle y monte et, pendant neuf jours et neuf nuits, elle parcourt le monde pour rassembler les plantes nécessaires. A son retour, elle sacrifie une brebis à la laine noire, fait des libations de vin et de lait et demande aux divinités de la terre de retarder la mort du vieillard Aeson. Alors, ses chevaux épars à la manière des bacchantes, elle fait le tour des autels où brûle la flamme; elle trempe dans les fosses noire de sang des torches de bois fendu en menu morceaux; elle les allume ensuite sur deux autels et purifie le vieillard trois fois avec le feu, trois fois avec l'eau, trois fois avec du soufre. Pendant ce temps, dans un bassin de bronze posé sur des charbons, un philtre puissant bouillonne : elle y fait cuire des racines, des graines, des fleurs et des sucs noirâtres; elle y mêle des pierres, du sable, de la rosée, des ailes de chouette,des entrailles de loup, une peau de serpent, le fois d'un cerf, la tête d'une vieille corneille.

Quand sa potion magique sera prête, elle égorgera Aeson et remplacera son sang par les sucs ainsi préparés. Le résultat attendu sera parfait : Aeson aura rajeuni de quarante ans !

Ovide, Métamorphoses, VII, 287-293.

À peine Éson les a-t-il absorbés par la bouche ou par sa blessure que sa barbe et ses cheveux de blancs deviennent noirs; sa maigreur disparaît; la pâleur et le flétrissure de son visage s'évanouissent; une substance nouvelle comble le creux de ses rides et ses membres reprennent toute leur vigueur; Éson s'étonne: il se retrouve tel qu'il était quarante ans auparavant.

Au MBAO (inv. 2008.0.1490) : Médée et Jason, estampe de Charles-François Silvestre, gravée par Louis Desplaces (1682-1739) (traduction du texte latin : "Pour que la vie de son père Aeson soit plus longue, Jason se sert de l'art diabolique de Médée. Une piété filiale si rare s'oppose aux individus sans foi qui souhaitent que la vie de leur père soit la plus courte possible").

 

MÉDÉE, RENDUE FURIEUSE PAR LE MARIAGE DE JASON ET DE CREÜSE, TUE SES ENFANTS


Médée mit au point une machination qui poussa les filles de Pélias à tuer leur propre père en le faisant bouillir dans une marmite. Exilé à Corinthe de par la volonté du fils de Pélias, le couple y vécut heureux et eut deux enfants, Merméros et Phérès.
Cependant, Jason finit par délaisser sa femme et lui préféra Glaucè, appelée aussi Creüse, la fille de Créon, roi de Corinthe. Folle de jalousie Médée tua Creüse : pour cela elle lui offrit comme cadeau de mariage une robe et divers ornements trempés dans un poison qui embrasèrent la mariée d'un feu mystérieux. Puis elle s'empara de ses propres enfants et les tua dans un temple d'Héra, avant de s'envoler vers Athènes sur un char attelé de chevaux ailés.

- 3 -
Médée
, la chevelure hérissée comme celle d'une Bacchante et portant le cadavre d'un enfant, monte sur son char, sur lequel elle a jeté l'autre cadavre
- 2 -
Jason
est à droite, Créon devant lui, effrayé par ce qu'i voit, se tient la tête. Créüse, la tête couronnée de flammes, est torturée par le poison.
Au premier plan, une nourrice, qui sent ce qui va se passer, essaie de protéger les deux enfants qui jouent.

- 1 -
Jason est à droite. Médée (?), par l'intermédiaire des deux enfants, offre ses cadeaux empoisonnés à Créüse qui est assise, la tête couverte du voile de la mariée.
Derrière elle, une vieille nourrice et un personnage du cortège nuptial tenant un bouquet de pavots.

Euripide développe cette donnée dans sa tragédie Médée (-431) : "Médée est délaissée par son époux Jason pour qui elle a trahi son père et tué son frère. Jason l'abandonne pour la fille du roi Créon qui, ayant appris les menaces de Médée à l'encontre de sa famille, la condamne, elle et les deux fils qu'elle a eus de Jason, à l'exil. Médée supplie alors Créon de lui accorder un jour de délai pour préparer son départ, en fait pour préparer sa funeste vengeance : elle va convaincre Jason de laisser leurs enfants apporter un diadème et un voile (dont il ignore qu'ils sont empoisonnés) à la princesse qui va ainsi mourir dans d'atroces souffrances, ainsi que Créon son père. Ensuite elle tue ses propres enfants. Au moment où Jason apparaît pour se venger d'elle, elle disparaît sur un char ailé emporté par des dragons, le cadavre de ses fils à ses pieds, en direction du royaume d'Egée où elle a obtenu asile."

OVIDE a imaginé les paroles de Médée à Jason l'infidèle (Héroïde, XII).

Au MBAO (inv. 2008.0.114) : Estampe de Marco Dente da Ravenna (c. 1490-1527), gravée par le "Maître au Dé" identifié comme Bernardo Daddi ou Dado (c. 1512-1570), sous le tire "Mariage de Jason et Créuse".
On retrouve cette estampe, gravée par Antonio Salamanca (1478-1562), dans "Estampes du Maître au Dé conservées à la BnF", vue n° 34.

MERCURE

MERCURE FORCE LA PORTE DE LA CHAMBRE D'HERSÉ, LA FILLE DU ROI D'ATHÈNES CÉCROPS


Mercure survolait la région entre Athènes et le Pirée lorsqu'il aperçut, en bas, des jeunes filles qui avait participé au cortège des Panathénées. Parmi elles, il remarqua particulièrement la belle Hersé. Cette Hersé, fille de Cécrops, le premier roi d'Athènes, vivait avec ses deux soeurs Pandrose et Aglauros. Séduit par sa beauté, Mercure vint au palais royal et se présenta à Aglauros, lui demandant de l'aider à rencontrer sa soeur Hersé, à laquelle, lui dit-il, il avait bien l'intention de faire un enfant, voire plusieurs. Aglauros lui dit qu'elle l'aiderait, mais seulement en échange d'un grand poids d'or. Apprenant cela, Athéna, furieuse, alla trouver l'Envie (Invidia) dans sa retraite et lui demanda d'infecter Aglauros de son poison. Ce qu'elle fit. Désormais envieuse et jalouse de sa soeur convoitée par un dieu, Aglauros tenta d'interdire l'entrée de la chambre d'Hersé à Mercure. Mais celui-ci ouvrit la porte avec sa baguette divine et transforma l'importune Aglauros en statue de pierre. Ainsi le dieu put entrer dans la chambre d'Hersé, à laquelle il fit deux enfants, Céphale et Céryx.

Sous le regard d'Hersé, qui était en train de faire de la musique, Mercure a réussi à franchir la porte de la chambre, en bousculant Aglauros. Il la touche de sa baguette pour la transformer en statue de pierre. On voit dans la pièce deux statues allégoriques : sur la table l'Envie, qui ricane, et dans une niche Athéna, qui détourne le regard, ne pouvant empêcher ce qui va se passer, l'union de Mercure et de la fille du roi..

OVIDE, Métamorphoses, II, 812-832

Souvent, pour ne pas voir une telle union, [Aglauros] a voulu mourir, et a pensé la présenter comme un crime à leur père intransigeant. Finalement, face au dieu qui arrivait, elle s'installe sur le seuil, pour lui interdire l'entrée. À celui-ci, qui, très affable, lui adressait des compliments et des prières elle dit : "Arrête ; je ne bougerai pas d'ici avant de t'avoir repoussé. – Tenons-nous en à tes conditions", dit l'agile dieu du Cyllène. Et, d'un coup de sa baguette céleste, il ouvrit la porte. Elle tente de se lever, mais sent que sont engourdis, impossibles à mouvoir, les membres que l'on fléchit pour s'asseoir. Elle lutte en fait pour se relever et se tenir droite, mais les articulations de ses genoux se raidissent, le froid s'insinue sous ses ongles et ses veines pâlissent, vidées de leur sang. Comme un cancer, incurable, étend partout ses ravages, gagnant des parties saines qui s'ajoutent aux parties malades, ainsi le froid de la mort s'introduit peu à peu dans sa poitrine en fermant les artères vitales et les voies respiratoires. Elle n'essaya pas de parler et, eût-elle essayé, sa voix n'avait plus où passer; son cou déjà était pétrifié, sa bouche avait durci, et elle était assise, statue exsangue ; ce n'était même pas une pierre blanche ; son âme l'avait noircie.

Au MBAO (inv. 2008.0.1538) : Gravure inversée, par François Joullain (1697-1778), d'un tableau de Véronèse (1528-1588), Mercure et Hersé.

 

MERCURE, QUI A DÉROBÉ UN TROUPEAU D'APOLLON, DEMANDE AU BERGER BATTUS DE NE PAS LE DÉNONCER


Battus était un berger de Pylos. Un jour, il vit Mercure dérober un troupeau que gardait Apollon. Mais, moyennant le don de la plus belle des vaches volées, il s'engagea par serment à ne pas trahir le voleur. Cependant le dieu, ne se fiant pas à la discrétion de Battus, revint ensuite sous la forme d'un paysan et, pour le tenter, il lui offrit une belle génisse et un taureau s'il voulait lui dire ce qu'était devenu le troupeau dérobé. Battus céda à l'attrait de la récompense et dit tout ce qu'il savait. Alors Mercure le changea en un rocher, qui fut appelé "index", dénonciateur.

Ovide, Métamorphoses, II, 676-707.

C'était le temps où tu étais vêtu d'une peau de berger; ta main gauche tenait un bâton coupé dans les bois, l'autre une flûte de sept roseaux d'inégale longueur. Tandis que tu t'abandonnais aux soucis de l'amour et que ta flûte les charmait, des génisses que tu ne gardais plus pénétrèrent, dit-on, dans les champs de Pylos ; le dieu né de Maia, fille d'Atlas, les ayant aperçues, les détourne avec son adresse ordinaire et les cache dans les forêts. Ce larcin n'avait eu aucun témoin, sauf un vieillard connu dans ces campagnes ; tout le voisinage lui donnait le nom de Battus. Il surveillait les bois confiés à sa garde par le riche Nélée, ses pâturages herbeux et les troupeaux de ses nobles cavales. Le dieu eut peur de lui; d'une main caressante il le tira à part et lui dit : "Qui que tu sois, étranger, si par hasard on réclame ces troupeaux, réponds que tu ne les as pas vus ; afin que ce service ne reste pas sans récompense, reçois pour prix de ton silence cette belle génisse". Et il la lui donna. L'étranger l'accepta et repartit : "Va-t-en sans crainte; la pierre que voici aura plus tôt fait que moi de dénoncer ton larcin;" et il lui montrait la pierre.
Le flls de Jupiter feint de s'éloigner; bientôt il revient, après avoir changé en même temps de voix et de figure : "Toi qui habites ces campagnes, dit-il, si tu as vu des génisses passer par ce chemin, viens à mon aide et dissipe le mystère qui me cache un larcin; en récompense, je te donnerai une génisse avec son taureau". Le vieillard, tenté par ce double salaire, lui répond: "Au pied de ces montagnes, là-bas, tu les trouveras." Elles étaient bien, en effet, au pied de ces montagnes. Le petit-fils d'Atlas se mit à rire: "Ainsi c'est moi, perfide, que tu trahis pour moi, s'écrie-t-il; moi que tu trahis pour moi?" Et il change ce coeur parjure en une pierre dure, qu'aujourd'hui encore on appelle "Index", le Dénonciateur.

Le MBAO conserve ce tableau de Francisque Millet (1642-1679), intitulé faussement Mercure et Argus (inv. 74.3.1).

 

MERCURE, AU BORD DU NIL, OBTIENT ENFIN LES FAVEURS DE VÉNUS


Hermès, amoureux d'Aphrodite, n'avait rien pu obtenir d'elle et se languissait en Égypte. Zeus eut pitié de lui. Un jour qu'Aphrodite, en Grèce, se baignait nue dans l'Achéloos, il envoya son aigle avec mission de voler une des sandales de la déesse et de l'apporter au pauvre Hermès.
Aphrodite, partie à la recherche de sa sandale, arriva au bord du Nil, où elle trouva Hermès endormi sous un palmier. Empruntant une flèche à son fils Cupidon, elle s'en servit pour éveiller doucement le dormeur.

Hermès obtint alors ce qu'il désirait depuis si longtemps. De leur union naîtra Hermaphrodite, enfant d'Hermès (Mercure) et d'Aphrodite (Vénus).

 Le texte-source est un fragment d'Hygin, De astronomia, II, 16 (Aquila) :

Certains ont dit que Mercure, séduit par la beauté de Vénus, est tombé amoureux d'elle et que, alors qu'il n'en obtenait aucune faveur, il était très déprimé, comme s'il avait reçu un affront. Jupiter eut pitié de lui. Un jour que Vénus se baignait dans l'Acheloos, il envoya son aigle qui lui vola une sandale et l'apporta à Mercure en Egypte. En la recherchant, Vénus se retrouva près de celui qui la désirait. Et lui, ayant pu finalement obtenir ce qu'il voulait, pour cette faveur a mis l'aigle dans le ciel.

L'estampe conservée au MBAO (inv. 2008.0.147) est une eau-forte de Hans Burgkmair (1473-1531).
L'estampe suggère que c'est Cupidon qui, ayant pris la forme d'un aigle, s'est emparé de la sandale et que, sa mission accomplie, il reprend la forme du Cupidon, avec les yeux bandés.

 

NYMPHES ET NAÏADES

LA NYMPHE ÉGLÉ ESSAIE DE CONVAINCRE SILÈNE DE CHANTER


Silène, ivre comme d'habitude, se trouvait dans sa grotte avec son épouse et ses quatre enfants (dont l'un tête sa mère et l'autre urine) lorsque deux joyeux compagnons et une ménade jouant du tambourin sont venus le réveiller pour le contraindre à chanter. Eglé, la plus belle des Naïades, s'est jointe à eux, barbouillant de mûres le visage de l'ivrogne.

Silène acceptera de bonne grâce de chanter, mais tout en promettant à la belle Églé une récompense… d'un autre genre.

Virgile (Bucoliques, VI, 13-26)

Chromis et Mnasyle, de jeunes garçons, virent dans son antre Silène, allongé sous l'effet du sommeil, les veines enflées, comme toujours, des vapeurs d'un Iacchus de la veille! À part gisaient des couronnes, qui venaient de glisser de sa tête, et sa lourde coupe à l'anse usée pendait. L'ayant assailli (car souvent le vieillard s'était joué des deux à cause de leur espoir d'un chant), ils jettent sur lui des liens tirés des couronnes mêmes. À eux s'associe Églé; elle vient à l'aide des garçons peureux, Églé, la plus belle des Naïades; et de fait, alors qu'il la voit, elle lui barbouille le front et les tempes de sanglantes mûres! Lui, riant de leur ruse, dit: "Pourquoi nouez-vous ces liens? Déliez-moi, garçons, c'est assez que de sembler avoir pris le dessus. Apprenez les chants que vous voulez; pour vous il y aura des chants, et pour elle… un autre genre de récompense!"

La tableau conservé à MBAO (inv. 1310) est une huile sur toile anonyme intitulée "L'Ivresse de Silène".

 

LA NYMPHE POMONE SE LAISSE SÉDUIRE PAR VERTUMNE


A Rome, sous le règne de Procas, parmi les nymphes des arbres, vivait Pomone, dont l'occupation essentielle était l'entretien des vergers. Elle ne se souciait en rien des plaisirs de Vénus; mais elle était sans cesse en butte aux assauts des divinités champêtres, satyres et pans, Silvain, Priape, Vertumne. Ce dernier, en particulier, avait réussi à l'approcher plusieurs fois en prenant la forme d'un moissonneur, d'un faucheur, d'un vigneron, d'un pêcheur… Un jour qu'elle était assise près d'un vieil orme sur le tronc duquel était accrochée une vigne, Vertumne prit l'apparence d'une vieille femme et lui fit prendre conscience de l'intérêt de cette union de l'arbre et de la vigne et lui suggéra qu'elle pourrait faire de même en s'unissant à… Vertumne. Mais Pomone ne réagit pas aux propos de la vieille. Alors Vertumne reprit son apparence de jeune homme…

Finalement Pomone se laissa séduire.

OVIDE, Métamorphoses, XIV, 654-669 et 765-770

Un autre jour, la tête entourée d'un turban aux vives couleurs, s'appuyant sur un bâton, des cheveux blancs aux tempes, Vertumne prend la figure d'une vieille femme. Il entre dans ces jardins si bien cultivés et il en admire les fruits : "Que de richesses!" s'écrit-il. Et, tout en complimentant la nymphe, il lui donne quelques baisers comme jamais n'en eût donné une vieille femme véritable. Puis il s'assied sur la terre, tout courbé, regardant au-dessus de lui les branches qui plient sous le poids des présents de l'automne. Il y avait là un orme que décoraient les grappes brillantes suspendues à ses flancs. Il admire cet arbre et la vigne qu'on lui a donnée pour compagne. "Oui, mais si ce tronc, dit-il, était resté célibataire, privé de pampres, il n'aurait rien que son feuillage à nous offrir. Cette vigne, elle aussi, qui repose sur l'orme qu'elle embrasse, retomberait sur elle-même, si on ne l'avait point mariée, et traînerait à terre. Toi, pourtant, tu ne te laisses point toucher par l'exemple de cet arbre ; tu fuis les plaisirs de l'amour, tu ne veux point d'époux. Ah! si tu voulais…" [Et la vieille femme lui conseille de choisir pour mari Vertumne, dont elle lui vante très éloquemment les mérites.] Voyant que son discours ne lui a servi à rien, le dieu caché sous la forme d'une veille femme reprend celle d'un jeune homme. Il rejette l'attirail du grand âge et il apparaît à la nymphe tel que se montre le soleil resplendissant lorsqu'il sort vainqueur des nuages accumulés devant lui et qu'il nous rend sa lumière dégagée de tous les obstacles. Il se préparait à la violence; mais la violence est inutile; la nymphe est séduite par la beauté du dieu et, à son tour, elle est atteinte de la même blessure.

Le tableau conservé au MBAO (inv. 875), intitulé faussement Bacchus et Erigone, serait de l'atelier de Simon Vouet (1590-1649).

 

LA NAÏADE SYRINX, POURSUIVIE PAR LE DIEU PAN, SE MÉTAMORPHOSE EN ROSEAUX


Au pied des montagnes glacées d'Arcadie vivait une naïade plus célèbre que toutes les autres, qui s'appelait Syrinx. Elle était vierge et, bien des fois, elle avait échappé aux poursuites des satyres et de tous les dieux qui habitent les forêts et les campagnes. Un jour que, portant son arc de corne, elle revenait de la colline du Lycée, elle fut abordée par le dieu Pan, Effrayée par ce personnage à la tête couronnée d'aiguilles de pin, elle s'enfuit, mais dû s'arrêter au bord d'une rivière, le Ladon. Ses soeurs, alors, pour lui éviter d'être violée, la métamorphosèrent en roseaux.

C'est en assemblant quelques-uns de ces roseaux que Pan eut l'idée d'en faire une flûte, la syrinx, la flûte de Pan.

Les texte source est Ovide, Métamorphoses, I, 701-712 :

Insensible à ses prières, la nymphe s'enfuit à travers champs jusqu'à ce qu'elle arrivât aux eaux paisibles du Ladon sablonneux; là, arrêtée dans sa course par les ondes, elle avait supplié ses fluides soeurs de la métamorphoser ; à l'instant où Pan croyait déjà saisir Syrinx, au lieu du corps de la nymphe, il n'avait tenu dans ses bras que des roseaux de marais ; tandis qu'il exhalait ses soupirs, l'air agité à travers leurs chalumeaux avait produit un son léger, semblable à une plainte ; le dieux, charmé par cette découverte et par ces sons mélodieux, a dit alors : "Voilà qui me permettra de m'entretenir avec toi à tout jamais." Et c'est ainsi qu'en rapprochant des roseaux de longueur inégale joints avec de la cire, il avait conservé le nom de la nymphe.

Charles de La Fosse (1636-1716), Pan et Syrinx, huile sur toile conservée au MBAO (inv. 542).

 

ORPHÉE

ORPHÉE PLEURE SUR LE CÉNOTAPHE D'EURYDICE, PRIVÉE DE LA VIE PAR SA FAUTE


La dryade Eurydice, femme d'Orphée, se promenait avec les Naïades dans une prairie en Thrace lorsqu'elle fut piquée par une vipère et mourut. Fou de douleur, Orphée eut le courage de descendre aux Enfers pour la rechercher. Les divinités infernales, émues par son chant, l'autorisèrent à la ramener au jour, mais à la condition qu'elle marche derrière lui et qu'il ne cherche pas à la regarder avant d'être revenu à la lumière. Pourtant, sur le chemin qui les menaient vers le soleil, Orphée, impatient ou pris d'un doute, se retourna; alors une force irrésistible entraîna à jamais Eurydice vers les Enfers. Ne pouvant se résigner à cette perte, Orphée ne cessa de gémir sur un cénotaphe où l'on distingue les premières lettres du nom "Eurydice".

Désormais, Orphée renonça à tout commerce avec les femmes et reporta son amour sur de jeunes garçons, au point qu'il exaspéra des femmes de Thrace qui, une nuit d'orgies en l'honneur de Bacchus, le tuèrent et dispersèrent ses restes.

OVIDE, Métamorphoses, X, 76-88

Accusant de cruauté les dieux de l'Érèbe, Orphée se retire enfin sur les hauteurs du Rhodope et sur l'Hémus battu des Aquilons. Pour la troisième fois le Titan avait mis fin à l'année, fermée par les Poissons, habitants des eaux, et Orphée avait fui tout commerce d'amour avec les femmes, soit parce qu'il en avait souffert, soit parce qu'il avait engagé sa foi. Nombreuses cependant furent celles qui brûlèrent de s'unir au poète, nombreuses celles qui eurent le chagrin de se voir repoussées. Ce fut même lui qui apprit aux peuples de la Thrace à reporter leur amour sur des enfants mâles et à cueillir les premières fleurs de ce court printemps de la vie qui précède la jeunesse.
Il y avait une colline sur laquelle s'étendait un plateau très découvert, tapissé d'un gazon verdoyant. Le site manquait d'ombre; lorsque le poète issu des dieux se fut assis en cet endroit, lorsqu'il y eut touché ses cordes sonores, il y vint des ombrages…

VIRGILE, Géorgiques, IV, 457 sq

Que faire ? Où pouvait-il aller, privé deux fois de son épouse? De quel pleur émouvoir les Mânes, quels dieux toucher en chantant? Sur la barque stygienne elle voguait, déjà transie. Pendant sept mois, dit-on, sept mois entiers, sous un rocher aérien, près de l'onde du Strymon désolé, il pleura, déroulant son sort sous les antres glacés, charmant les tigres, entraînant les chênes par son chant. […] Aucun amour, aucun hymen ne put toucher son coeur. Seul il parcourait les glaces hyperboréennes, les neiges du Tanaïs, et les champs, jamais à l'abri des frimas du Riphée et pleurant son Eurydice ravie et les vains dons de Pluton.

Au MBAO : Pierre-Narcisse Guérin (1798-1800), Orphée pleurant sur le tombeau d'Eurydice, 1802

 

PENTHÉE

PENTHÉE, À THÈBES, EST DÉMEMBRÉ PAR LES MÉNADES ET DÉCAPITÉ PAR SA MÈRE


Cadmos, le roi de Thèbes en Béotie, a eu quatre filles, Autonoé, Ino, Agavé et Sémélé. Agavé a eu un fils, Penthée, qui a remplacé le vieux Cadmos comme roi de Thèbes. Sémélé a plu à Zeus, qui lui a fait un enfant, nommé Dionysos, ce Dionysos qui, divinisé, devait développer, d'abord en Asie, une religion orgiaque et extatique.
Hèra, l'épouse de Zeus, jalouse, a fait mourir Sémélé. Puis les trois sœurs de Sémélé, Agavé, Autonoé et Ino, ont fait courir le bruit que Sémélé avait eu son fils Dionysos non pas de Zeus mais d'un amant vulgaire. Dionysos décida donc de revenir à Thèbes, furieux contre les femmes, en particulier Agavé, qui avaient calomnié sa mère Sémélé. Il était accompagné de femmes venant de Lydie, les Bacchantes ou Ménades.
Dionysos commença par frapper de délire les femmes de Thèbes : poussées par le dieu, elles allèrent dans la montagne en costume de Bacchantes pour célébrer le culte orgiaque du nouveau dieu. Penthée, le jeune roi, ne parvient pas à s'opposer à la propagation de ce culte effréné et licencieux initié par son cousin Dionysos, qu'il considérait comme un charlatan et un imposteur. Toutefois on lui rapporte que le dieu accomplit des prodiges et Penthée se laisse convaincre d'aller sur la montagne de Thèbes, le mont Cithéron, pour espionner les femmes qui se livrent aux pires excès. Déguisé lui-même en Bacchante, il va donc les observer, caché dans les branches d'un pin. Mais les femmes le repèrent, plient le pin jusqu'à terre et se jettent sur lui pour le mettre en pièces. L'une lui arrache le bras droit; Agavé, la plus excitée, coupe la tête de son fils.

Agavé fichera la tête coupée au sommet d'un bâton (ou thyrse) et descendra triomphalement vers Thèbes, prétendant qu'il s'agit de la tête d'un lionceau de la montagne. Le vieux Cadmos l'accueillera et lui fera prendre conscience que c'est son propre fils qu'elle a tué. Alors, cruellement punie par Dionysos, Agavé s'enfuira jusqu'en Illyrie.

Ovide, Métamorphoses, III, 701-733.

Penthée s'obstine ; désormais il ne donne plus l'ordre d'y aller, il se rend lui-même sur le Cithéron, l'endroit choisi pour les rites sacrés, qui résonait des chants et des voix claires des Bacchantes. […] Les longs hurlements frappant l'éther l'ont ému et les cris qu'il a entendus ont ravivé sa colère. À peu près à mi-hauteur de la montagne au sommet ceint de forêts, s'étend une plaine sans arbres, visible de partout. Là, tandis que de ses yeux profanes il découvre les mystères sacrés, la première à le voir, la première à s'élancer dans une course insensée, la première à violenter son cher Penthée en lançant son thyrse fut sa mère, qui cria aussi : « Vous deux, mes soeurs, venez m'aider ! Cet énorme sanglier, qui erre sur nos terres, ce sanglier je dois l'abattre ». La foule entière en délire se précipite sur Penthée, qui est seul ; toutes ensemble, elles poursuivent cet homme.

Euripide, Les Bacchantes, 1106-1147.

Alors Agavé leur dit : "Allons ! tenez-vous en cercle autour du tronc, saisissez-le, Ménades, prenons ce cavalier sauvage, pour qu'il ne révèle pas les mystères divins de nos chœurs." Elles attachent mille mains au sapin et l'arrachent du sol. De la hauteur où il est posté, Penthée est précipité à terre, il tombe sur le sol avec des cris plaintifs. Il se rend compte que son malheur est proche. La première, sa mère commence le sacrifice sanglant et se jette sur lui. Lui, il arrache de sa chevelure sa mitre pour qu'en le reconnaissant la malheureuse Agavé ne le tue pas, et il lui dit en lui touchant la joue : "C'est moi, mère, je suis ton fils, Penthée, que tu as mis au monde dans la maison d'Échion. Aie pitié de moi, mère ; oui, c'est moi qui suis coupable, mais ne tue pas ton fils." Elle, l'écume à la bouche et roulant des yeux hagards, n'a pas les sentiments qu'elle doit : elle est possédée du dieu, elle n'écoute pas son enfant. Elle prend son bras gauche dans ses mains et, un pied sur le flanc de l'infortuné, elle le lui arrache de l'épaule, non par sa propre force, mais le dieu lui donnait l'aide de sa toute-puissance. Inô, de l'autre côté, fait de même, lui déchire les chairs. Autonoé et toute la foule des Bacchantes s'acharnent sur lui. C'était à la fois toutes sortes de cris : lui gémissait avec ce qui lui restait de souffle ; les autres poussaient des hurlements. L'une emportait un bras, une autre un pied avec la chaussure. Elles mettent à nu ses flancs qu'elles déchirent. Toutes ont les mains couvertes de sang et se lancent comme des balles les chairs de Penthée. Ses membres gisent épars, les uns sur les rochers escarpés, d'autres sur les aiguilles épaisses des pins de la forêt.

Au MBAO (inv. 2008.0.1658) : estampe gravée par Philip van Gunst (1685-1732).

 

PHÉBUS

PHÉBUS AYANT CONFIÉ LE CHAR DU SOLEIL A SON FILS PHAETON, ZEUS EST OBLIGÉ D'INTERVENIR



Clyméné, une Océanide, avait trompé son mari, Mérops, et s'était donnée au Soleil, dont elle avait eu un fils, Phaéthon. Lorsque celui-ci, devenu adolescent, eut connaissance de son véritable père, il se rendit dans son palais. Phébus l'accueillit avec bienveillance, lui donna l'assurance qu'il était bien son père et s'engagea à lui accorder ce que le jeune homme voudrait. Phaéthon demanda de conduire pendant un jour le char du Soleil. Phébus essaya de l'en dissuader, en lui montrant les difficultés de la tâche. Mais le jeune homme persista.

Sortant de la nuit (en bas), Aurore est évoquée sous les traits d'une jeune femme ailée tenant une torche. Dans la zone supérieure, déjà baignée de lumière, Phaéton remercie Phébus de la confiance qu'il lui accorde en le laissant conduire le char du soleil et ses quatre chevaux.

*

Malgré les mises en garde de son père, Phaeton monta sur le char. Mais, presque aussitôt, il perdit le contrôle de l'attelage. Effrayé par l'altitude et la vue des animaux du Zodiaque, il descendit trop bas, mettant le feu à la terre, puis remonta trop haut, risquant une conflagration universelle avec les astres. Zeus dut intervenir et le foudroyer.

Phaéthon tomba dans le fleuve Éridan où ses cinq soeurs, les Héliades, lui rendirent les honneurs funèbres. Elles furent transformées en peupliers et leurs larmes donnèrent naissance à ces gouttes d'ambre dont les jeunes femmes du Latium font des parures.

Ovide, Métamorphoses, II, 35-56

Phaéthon répond: "O commun flambeau du monde immense, Phébus, ô mon père, si tu me permets de me servir de ce nom, si Clymène ne cache pas sa faute sous une invention mensongère, donne-moi, auteur de mes jours, des gages qui attestent que je suis vaiment issu de toi et chasse le doute de mon âme." Il avait dit. Son père déposa la couronne de rayons étincelants qui ceignait sa tête, lui ordonna d'approcher et, l'ayant embrassé: "Non, il ne serait pas juste, dit-il, que je te renie pour mon fils et Clymène t'a révélé ta véritable origine. Pour dissiper tes doutes, demande-moi la faveur que tu voudras; je suis prêt à te l'accorder; je prends à témoin de ma promesse le marais par lequel jurent les dieux et que mes yeux n'ont jamais vu." À peine avait-il achevé que Phaéton demande le char de son père et le droit de conduire pendant un jour ses chevaux aux pieds ailés. Le père s'est repenti de son serment; secouant trois ou quatre fois sa tête lumineuse: "Tes paroles, dit-il, ont rendu les miennes téméraires. Que ne puis-je manquer à ma promesse! Je l'avoue, c'est la seule chose, ô mon fils, que je te refuserais. Je puis au moins te dissuader; ton désir n'est pas sans danger; la tâche que tu demandes, Phaéton, est grande; elle ne convient ni à tes forces ni à ton jeune âge. Ton destin est d'un mortel, ton ambition d'un immortel.

Ovide, Métamorphoses, II 304-322

Alors le père tout puissant, ayant pris à témoin les dieux du ciel, même celui qui avait prêté son char, que le monde, s'il ne venait à son secours, allait périr victime d'un cruel destin, monte à ce sommet de l'empyrée d'où il a coutume d'étendre les nuages sur la vaste terre, d'où il agite le tonnerre, d'où il brandit et lance la foudre. Mais alors il ne trouva point de nuages à étendre sur la terre, ni de pluies à répandre du ciel. Il tonne et, balançant la foudre du côté de son oreille droite, il l'envoie contre l'aurige; il lui enlève à la fois la vie et le char et arrête les progrès du feu sous ses feux terribles. Les chevaux épouvantés bondissent en sens contraire; ils retirent leur cou du joug, brisent leurs harnais e s'y dérobent. Ici gisent les rênes, là l'essieu arraché du timon; ailleurs sont épars sur un large espace les rayons des roues brisées et les restes du char mis en pièces. Phaéton, sa chevelure rutilante ravagée par la flamme, roule précipité à travers les airs, où il laisse en passant une longue traînée, semblable à celle que produit parfois une étoile au milieu d'un ciel serein, lorsque, sans tomber en effet, elle peut paraître tomber.

Au MBAO :
• Felice Giani (1758-1823), Apollon confiant le char du Soleil à Phaeton, gouache, projet pour un décor de plafond.
• Attribué à Henri de Favanne (1668-1752), La chute de Phaéton, huile sur bois

 

PLUTON

PLUTON ARRIVÉ EN SICILE SUR SON CHAR ENLÈVE SA NIÈCE PROSERPINE


Perséphone [Proserpine] était la fille de Zeus et de Déméter. Alors qu'elle se trouvait avec des Nymphes dans la plaine d'Enna, en Sicile, son oncle Hadès [Pluton] tomba amoureux d'elle et l'entraîna dans les Enfers.

Devant la douleur de Deméter, Zeus accepta que Perséphone partage son temps entre le monde d'en-bas et le monde d'en-haut.

Ovide, Métamorphoses, V, 392 sq.

Dans un bocage, Proserpine prenait ses ébats; elle cueillait des violettes ou des lis éclatants de blancheur; avec l'ardeur propre aux jeunes filles, elle en remplissait des corbeilles et les plis de sa robe, rivalisant avec ses compagnes à qui en ramasserait le plus. La voir, l'aimer et l'enlever furent pour Pluton, ou peu s'en faut, l'affaire d'un instant; car l'amour est si impatient! La déesse épouvantée appelle d'une voix plaintive sa mère et ses compagnes, mais plus souvent sa mère; elle avait déchiré son vêtement depuis le bord supérieur et les fleurs cueillies par ses mains s'étaient échappées de sa tunique, que rien ne retenait plus; telle était encore chez elle la candeur du jeune âge que son âme virginale éprouvait de leur perte un nouveau chagrin. Le ravisseur lance son char en avant, il excite ses coursiers en les appelant chacun par leur nom; sur leurs cous et sur leurs crinières il secoue les rênes teintes de la sombre couleur de la rouille.

MBAO : François Verdier (1651-1730), L'enlèvement de Proserpine, pierre noire, lavis et craie

 

POLLUX

POLLUX IMPLORE ZEUS DE CONFÉRER L'IMMORTALITÉ À SON FRÈRE CASTOR


Tyndare avait deux frères, Apharée et Leucippos. Leucippos avait deux filles, Phoebé et Hilaera. Apharée avait deux fils, Idas et Lyncée. Ceux-ci étaient fiancés aux deux filles de Leucippos, leurs cousines. Le jour du mariage, Castor et Pollux enlevèrent les deux jeunes filles et ils en eurent des enfants. Idas et Lyncée, qui avaient accepté ce rapt de leurs fiancées, montèrent avec Castor et Pollux une expédition destinée à voler du bétail en Arcadie. Au moment du partage du butin, il y eut une violente dispute à l'issue de laquelle Castor fut tué par Idas et Lyncée fut tué par Pollux, blessé. Zeus intervint alors : il foudroya Idas et enleva Pollux au ciel, lui offrant l'immortalité. Mais Pollux ne voulut pas accepter si son frère Castor restait aux Enfers. Les deux frères, Castor et Pollux, arrivèrent dans l'Olympe devant Zeus, sous les yeux de Mercure et des autres dieux. Zeus leur permettra d'y venir un jour sur deux, chacun à leur tour.

PINDARE, Néméenne X, str. 4.

Ils passent tour à tour un jour près de Jupiter leur père chéri, un autre jour, sous les cavernes de la terre, dans les tombeaux de Thérapné, et partagent le même sort. En effet, Pollux aima mieux cette destinée que d'être entièrement dieu et d'habiter le ciel, après que Castor eut péri dans un combat. Car Idas, en courroux pour certains bœufs, le perça d'un coup de sa lance d'airain.

Au MBAO : Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789), Castor et Pollux arrivant dans l'Olympe.

 

PSYCHÉ

PSYCHÉ, CONDAMNÉE À ÊTRE LIVRÉE À UN MONSTRE, SE RETROUVE DANS UN PALAIS MAGNIFIQUE


Psyché, la fille d'un roi, était d'une si grande beauté qu'elle faisait fuir tous les prétendants. Se conformant à un oracle, les parents l'abandonnèrent en haut d'une montagne, où un monstre horrible devait venir en prendre possession. En fait, elle se retrouva dans un palais magnifique. Elle put prendre un bain et déjeuner, servie par des femmes invisibles. Puis un choeur de musiciens et de chanteurs, eux aussi invisibles, se fit entendre, jusqu'à ce qu'elle se couche, dans l'attente du monstre.

Apulée, Métamorphoses, V, 3.

Cependant, elle ne pouvait apercevoir personne; elle entendait seulement des mots qui tombaient d'on ne savait où, et elle n'avait pour servantes que des voix. Après un repas magnifique, il entra quelqu'un qui chanta, sans se montrer; quelqu'un d'autre joua d'une cithare qui ne se laissa pas voir davantage. Puis, les voix, entremêlées, de plusieurs chanteurs viennent frapper ses oreilles, lui révélant, bien que pas un être humain n'apparût, qu'il y avait pourtant bien là un choeur. Ces plaisirs terminés, Psyché, à l'invite du soir, se retira et se coucha.

La Fontaine (Les Amours de Psyché et de Cupidon) : "Une musique de luths et de voix se fit entendre à l'un des coins du plafond, sans qu'on vît ni chantres ni instruments : musique aussi douce et aussi charmante que si Orphée et Amphion en eussent été les conducteurs. Parmi les airs qui furent chantés, il y en eut un qui plut particulièrement à Psyché : "Tout l'Univers obéit à l'Amour; / Belle Psyché, soumettez-lui votre âme./ Les autres dieux à ce dieu font la cour, / Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme. / Des jeunes coeurs c'est le suprême bien / Aimez, aimez; tout le reste n'est rien."

Nicolas Adolphe Weber (1842-ap. 1886). Le titre "Le Réveil de Psyché" est inexact : Psyché vient de se coucher et les quatre chanteurs, invisibles pour elle, vont cesser de chanter pour la laisser avec le monstre.

 

PSYCHÉ DÉCOUVRE QUE CELUI QUI COUCHE AVEC ELLE EST NON PAS UN MONSTRE HIDEUX MAIS L'AMOUR


Alors, dans l'obscurité, le mari qu'on lui avait promis vint posséder Psyché, en l'avertissant que, si elle tentait de voir qui il était, elle le perdrait à jamais. Ces étreintes conjugales durèrent quelques semaines. Puis, à sa prière, son mari la laissa retourner dans sa famille. Là ses soeurs lui firent avouer qu'elle n'avait jamais vu le "monstre" avec lequel elle passait ses nuits. Alors elles lui conseillèrent de profiter de son sommeil pour l'éclairer et l'égorger. Revenue dans son palais, Psyché prit un poignard et tenta de mettre ce projet à exécution. C'est alors que la lueur de sa lampe lui révéla que son mari était, non pas un monstre, mais un bel adolescent pourvu de petites ailes, l'Amour.

Mais l'Amour va être réveillé, brûlé par une goutte d'huile tombée de la lampe de Psyché, et il va voir le poignard qu'elle avait pris pour le tuer. Alors l'Amour s'enfuira. Et, seule, abandonnée, Psyché tombera au pouvoir d'Aphrodite qui, jalouse de sa beauté, la persécutera de mille manières.

Le peintre a pu s'inspirer du conte d'Apulée et de La Fontaine.

Apulée, Métamorphoses, V, 20 :

Lorsque le soir ramène la nuit, elle hâte, fébrilement, les préparatifs de son horrible forfait. La nuit était là et, avec elle, le mari et, après les premières escarmouches du désir, il était tombé dans un profond sommeil. Alors Psyché, dont le corps et l'âme ne sont que faiblesse, puisant pourtant des forces dans la cruelle volonté du destin, trouve de la vigueur, sort la lampe et, saisissant le rasoir, s'arme d'une audace qui n'est pas celle de son sexe. Mais, dès que la lumière eut éclairé tout le mystère du lit, elle voit, de tous les monstres le plus charmant, le plus délicieux, l'Amour lui-même, le dieu de grâce, gracieusement étendu. A sa vue, la lumière même de la lampe se fit plus joyeuse et plus vive et le rasoir se repentit de son tranchant sacrilège. Mais Psyché, stupéfaite d'un tel spectacle, incapable de reprendre ses esprits, défaillante, toute pâle, tremblante, se laissa à tomber à genoux. […] Mais elle regarde pourtant, et regarde encore les traits merveilleux de cette divine figure, et se sent comme renaître à cette contemplation. Elle admire cette tête radieuse, cette auréole de blonde chevelure d'où s'exhale un parfum d'ambroisie, ce cou blanc comme le lait, ces joues purpurines encadrées de boucles dorées qui se partagent gracieusement sur ce beau front, ou s'étagent derrière la tête, et dont l'éclat éblouissant fait pâlir la lumière de la lampe. Aux épaules du dieu volage semblent pousser deux petites ailes, d'une blancheur nuancée de l'incarnat du coeur d'une rose. Dans l'inaction même, on voit palpiter leur extrémité délicate, qui jamais ne repose. Tout le reste du corps joint au blanc le plus uni les proportions les plus heureuses.

La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon :

Psyché demeura comme transportée à l'aspect de son époux. Dès l'abord, elle jugea bien que c'était l'Amour; car quel autre dieu lui aurait paru si agréable? Ce que la beauté, la jeunesse, le divin charme qui communique à ces choses le don de plaire, ce qu'une personne faite à plaisir peut causer aux yeux de volupté, et de ravissement à l'esprit, Cupidon en ce moment-là le fit sentir à notre héroïne. Il dormait à la manière d'un dieu, c'est-à-dire profondément, penché nonchalamment sur un oreiller, un bras sur sa tête, l'autre bras tombant sur les bords du lit, couvert à demi d'un voile de gaze, ainsi que sa mère en use, et les Nymphes aussi, et quelquefois les bergères. La joie de Psyché fut grande, si l'on doit appeler joie ce qui est proprement extase : encore ce mot est-il faible, et n'exprime pas la moindre partie du plaisir que reçut la belle. Elle bénit mille fois le défaut du sexe, se sut très bon gré d'être curieuse, bien fâchée de n'avoir pas contrevenu dès le premier jour aux défenses qu'on lui avait faites, et à ses serments.

MBAO (inv. 1010) : Anonyme (fin XVIIe s.), Psyché découvrant l'Amour endormi, huile sur toile.

 

PSYCHÉ EST ADMISE DANS L'OLYMPE ET VA POUVOIR ÉPOUSER L'AMOUR


Finalement l'Amour, incapable de vivre séparé de Psyché, supplia Jupiter. Celui-ci consentit à sa demande, à condition qu'il épouse cette mortelle dont il avait pris la virginité. Mercure alla donc enlever Psyché et l'amena dans l'Olympe au milieu de tous les dieux. Là Psyché but une coupe d'ambroisie qui la rendit immortelle et fut accueillie par tous les dieux de l'Olympe. Mais Vénus contesta l'admission de Psyché parmi les immortels, et l'Amour dut plaider à nouveau sa cause auprès de Jupiter qui, après avoir écouté les arguments de l'une et l'autre, va officialiser l'union de l'Amour avec Psyché.

Dans l'Olympe, tous les dieux sont là : on reconnaît Janus, Vulcain, Hercule, Bacchus, Apollon, Mars, Pluton, Neptune, Junon, Diane, Minerve.
A gauche : Psyché est accueillie par Mercure qui lui tend la coupe d'ambroisie qui la rendra immortelle.
A droite : en présence de Vénus, qui conteste l'admission de Psyché parmi les immortels, l'Amour plaide sa cause auprès de Jupiter qui écoute les arguments de l'une et l'autre.

La Fontaine a imaginé le dialogue entre Jupiter et Cupidon :

– Mon fils, lui dit Jupiter, ce que vous demandez pour votre épouse n'est pas une chose si aisée à accorder qu'il vous semble. Nous n'avons parmi nous que trop de déesses. C'est une nécessité qu'il y ait du bruit où il y a tant de femmes. La beauté de votre épouse étant telle que vous dites, ce sera des sujets de jalousie et de querelles, lesquelles je ne viendrai jamais à bout d'apaiser. Il ne faudra plus que je songe à mon office de foudroyant; j'en aurai assez de celui de médiateur pour le reste de mes jours. Mais ce n'est pas ce qui m'arrête le plus. Dès que Psyché sera déesse, il lui faudra des temples aussi bien qu'aux autres. L'augmentation de ce culte nous diminuera notre portion. Déjà nous nous morfondons sur nos autels, tant ils sont froids et mal encensés. Cette qualité de dieu deviendra à la fin si commune que les mortels ne se mettront plus en peine de l'honorer.
– Que vous importe? reprit l'Amour. Votre félicité dépend-elle du culte des hommes? Qu'ils vous négligent, qu'ils vous oublient, ne vivez-vous pas ici heureux et tranquille, dormant les trois quarts du temps, laissant aller les choses du monde comme elles peuvent, tonnant et grêlant lorsque la fantaisie vous en vient? Vous savez combien quelquefois nous nous ennuyons. Jamais la compagnie n'est bonne s'il n'y a des femmes qui soient aimables. Cybèle est vieille; Junon, de mauvaise humeur; Cérès sent sa divinité de province, et n'a nullement l'air de la Cour; Minerve est toujours armée; Diane nous rompt la tête avec sa trompe : on pourrait faire quelque chose d'assez bon de ces deux dernières; mais elles sont si farouches qu'on ne leur oserait dire un mot de galanterie. Pomone est ennemie de l'oisiveté, et a toujours les mains rudes. Flore est agréable, je le confesse; mais son soin l'attache plus à la terre qu'à ces demeures. L'Aurore se lève de trop grand matin, on ne sait ce qu'elle devient tout le reste de la journée. Il n'y a que ma mère qui nous réjouisse; encore a-t-elle toujours quelque affaire qui la détourne, et demeure une partie de l'année à Paphos, Cythère, ou Amathonte. Comme Psyché n'a aucun domaine, elle ne bougera de l'Olympe. Vous verrez que sa beauté ne sera pas un petit ornement pour votre Cour. Ne craignez point que les autres ne lui portent envie : il y a trop d'inégalité entre ses charmes et les leurs. La plus intéressée, c'est ma mère, qui y consent.
Jupiter se rendit à ces raisons, et accorda à l'Amour ce qu'il demandait : il témoigna qu'il apportait son consentement à l'apothéose par une petite inclination de tête qui ébranla légèrement l'Univers, et le fit trembler seulement une demi-heure.

Le MBAO conserve une copie, attribuée à Noël Coypel (1628-1707), du panneau de Raphaël à la Villa Farnesina de Rome (loggia de Psyché), Psyché admise dans l'Olympe (inv. 1152).

 

PSYCHÉ ÉPOUSE L'AMOUR DANS UN GRAND BANQUET ORGANISÉ DANS L'OLYMPE


L'Amour ayant été autorisé à prendre Psyché pour épouse, les noces sont célébrées par un grand festin.

A gauche:
Pan jouant de la flûte
Apollon, presque nu, tenant sa lyre
Vénus couronnée de fleurs, un sein découvert, dansant gracieusement
Derrière eux, six Muses, dont Calliope et Thalie
Vulcain avec casque de mineur et marteau de forge, accompagné d'un putto portant un fût de canon (en fait Vulcain a été chargé de faire la cuisine)
Hercule nu, avec massue et tête du lion de Némée
Déjanire nue, son épouse

A la table (de g. à dr.)
Proserpine
Pluton
Amphitrite
Neptune
Junon
Jupiter, à qui son échanson Ganymède tend une coupe

A l'arrière-plan:
les trois Heures qui répandent des fleurs sur les dieux attablés

A droite:
Pyché et l'Amour, les nouveaux époux
Bacchus-Liber qui s'occupe du vin, aidé par deux amours
Les trois Grâces qui versent des parfums sur les mariés.
Au MBAO (inv. 1153) : Copie réduite par Noël Coypel de l'oeuvre de Raphaël à la Villa Farnesina de Rome, Les noces de Psyché dans l'Olympe.

 

PYRAME

PYRAME ET THISBÉ, À LA SUTE D'UN MALENTENDU, SE SUICIDENT L'UNE PUIS L'AUTRE


Pyrame et Thisbé sont deux jeunes Babyloniens qui habitent des maisons contiguës et s'aiment malgré l'interdiction de leurs pères. Ils projettent de se retrouver une nuit en dehors de la ville, sous un mûrier donnant des fruits blancs. Thisbé arrive la première, mais la vue d'une lionne à la gueule ensanglantée la fait fuir ; son voile lui échappe et il est déchiré par la lionne qui le souille de sang. Lorsque Pyrame arrive, il découvre le voile et les empreintes du fauve : croyant que Thisbé en a été victime, il se suicide, son sang éclaboussant les mûres blanches. Thisbé, revenant près du mûrier, découvre alors le corps sans vie de son amant et se donne la mort.

Depuis ce jour, les fruits du mûrier sont rouges, teintés du sang des deux amants.

Ovide, Métamorphoses, IV, 55-166

Thisbé, encore effrayée, revient, pour ne pas manquer son amant, et, de tous ses yeux et de tout son cœur, cherche le jeune homme, brûlant de lui raconter à quels dangers terribles elle a échappé. Elle reconnaît l'endroit et la forme de l'arbre, mais la couleur des fruits la laisse perplexe: "Est-ce bien celui-ci?", se dit-elle. Tandis qu'elle hésite, elle voit des membres tremblants frapper le sol couvert de sang; elle fait un pas en arrière et, le visage plus pâle que du buis, frémit comme la mer qui frissonne quand une brise légère effleure sa surface. Mais quand, après un moment, elle reconnut son bien-aimé, elle frappa de coups sourds ses bras, s'arracha les cheveux et, étreignant le corps adoré, emplit les blessures de ses larmes, mêlant ses pleurs au sang, et pressant de baisers le visage glacé. Elle s'écria: "Pyrame, quelle catastrophe t'a arraché à moi? Pyrame, réponds! C'est ta Thisbé bien-aimée qui t'appelle; écoute et relève ton visage qui défaille!" Au nom de Thisbé, Pyrame leva ses yeux alourdis par la mort, et, après avoir vu son amie, il replongea dans l'abîme. Quand Thisbé eut reconnu son voile et aperçu le fourreau d'ivoire sans l'épée, elle […] cessa de parler et, appliquant la pointe de l'épée sous sa poitrine, se coucha sur la lame, encore tiède de la mort de Pyrame.

MBAO (inv. 2008.0.1676) :Dessin de Pierre Jacques Cazes (1676-1754), gravé par Louis Simon Lempereur (1728-1807) .

 

TITYOS

TITYOS, PUNI POUR AVOIR VOULU VIOLER LATONE, A SES ENTRAILLES DÉVORÉES PAR UN VAUTOUR


Elara, la fille du riche Minyas, d'Orchomène en Béotie, était enceinte de Zeus. Celui-ci, craignant la jalousie de son épouse Hèra, cacha Elara dans les profondeurs de la terre. Et c'est de la terre que sortit, à sa naissance, Tityos, un géant monstrueux. Ensuite c'est Léto qui, elle aussi enceinte de Zeus, mit au monde Artémis et Apollon. Alors, pour se venger, Héra inspira au monstrueux Tityos le désir de violer cette Léto. Celle-ci fut sauvée par Zeus qui foudroya Tityos et le plongea dans les Enfers, où deux vautours (ou deux aigles) lui rongeaient le foie, qui renaissait sans cesse selon les phases de la lune.

Homère, Odyssée, XI, 576-580
Et je vis Tityos, fils de la noble Terre. Il gisait sur le sol et couvrait neuf arpents. Un coupe de vautours, posés à ses deux flancs, lui déchirait le foie et fouillait ses entrailles; et ses mains ne pouvaient les écarter de lui. Il avait assailli la compagne de Zeus, l'auguste Léto.

Lucrèce, De Natura rerum, III, 984-994 [Pour lui, l'enfer n'est pas sous terre mais dans la vie]
Il n'y a pas de Tityos gisant dans l'Achéron, déchiré par des oiseaux; et ceux-ci, d'ailleurs, dans sa vaste poitrine ne sauraient trouver de quoi fouiller pendant l'éternité. Si effroyable que fût la grandeur de son corps étendu, quand même, au lieu de ne couvrir que neuf arpents de ses membres écartelés, il occuperait la terre tout entière, il ne pourrait pourtant endurer jusqu'au bout une douleur éternelle, ni fournier de son propres coprs une pâture inépuisable. Mais, pour nous, Tityos est sur terre: c'est l'homme vautré dans l'amour que les vautours de la jalousie déchirent, que dévore une angoisse anxieuse ou dont le coeur se fend dans les peines de quelque autre passion.

Virgie, Énéide, VI, 595-600
Et lui aussi Tityos, nourrisson de la Terre qui tout enfante, on pouvait le voir. Son corps s'étend sur neuf jugères complets et, de son bec recourbé, un monstrueux vautour rongeant son foie immortel et ses viscères féconds en châtiments, à la fois le fouille pour ses festins et habite sous sa profonde poitrine, aucun repos n'est donné à ses fibres une fois reconstituées.

Ovide, Métamorphoses, IV, 457-459
Ce lieu se nomme le séjour du crime; là Tityos présentait ses entrailles à déchirer, le corps étendu sur neuf arpents.

Apollodore, Bibliothèque, I, 4, 1 [Pour lui, ce sont les enfants de Latone, Apollon et Artémis, qui tuèrent à coups de flèches Tityos, qui avait voulu violer leur mère. Et ce sont des vautours, et non des aigles, qui lui rongent non pas le foie, mais le coeur.]
Apollon tua peu après Tityus, fils de Jupiter et d'Elare, fille d'Orchomène. Jupiter ayant joui d'elle, l'avait cachée sous terre, pour la soustraire à la colère de Junon ; et lorsqu'elle eut accouché, il fit sortir de la terre son fils Tityus, qui était d'une taille extraordinaire. Tityus allant à Pythos vit Latone, et en étant devenu amoureux, voulut la violer; elle appela à son secours ses enfants, qui le tuèrent à coups de flèches. Il subit une punition, même après sa mort, car des vautours lui rongent le cœur dans les Enfers.

MBAO (inv. 2008.0.264) : Le supplice de Tityus, gravure anonyme d'après Michel-Ange (Tityos et le vautour) et N. Béatrizet (qui a ajouté une architecture).

 

VÉNUS

VÉNUS DÉCOUVRE SON AMANT ADONIS TUÉ PAR UN SANGLIER


Cenchréis, l'épouse du roi de Paphos Cinyras avait prétendu que sa fille Myrrha était plus belle que Vénus. Celle-ci, furieuse, décida de se venger. Pour cela elle inspira à Myrrha le désir incestueux de s'unir avec son père. La jeune fille réagit d'abord en tentant de mettre fin à ses jours. Pour éviter ce malheur, sa nourrice décida de l'aider à obtenir ce qu'elle désirait. Profitant du fait que Cenchréis, rendant un culte à la déesse Cérès, devait s'abstenir de tout rapport avec son mari pendant neuf nuits, elle proposa à Cinyras de mettre dans son lit, pendant ces nuits, une jeune fille "de l'âge de Myrrha". Ainsi le père et la fille firent l'amour pendant huit nuits. Mais, la dernière nuit, Cinyras reconnut sa fille et voulut la tuer avec son épée. Enceinte de son père, Myrrha erra pendant neuf mois jusqu'au pays de Saba. Alors les dieux, compatissants, décidèrent de la transformer en arbre, l'arbre à myrrhe. C'est du tronc de cet arbre que sortit un enfant, qui fut recueilli par les Naïades et qui reçut le nom d'Adonis.
Quand Adonis fut devenu un beau jeune homme, Vénus s'éprit de lui, jusqu'à oublier tout le reste. Comme il passait son temps à chasser dans les forêts, elle voulut le mettre en garde contre les animaux trop dangereux, comme les lions et les sangliers. Pour lui faire la leçon, elle lui raconta l'histoire d'Atalante qui fut métamorphosée en lionne. Pour cela, elle s'installa avec son amant sous un arbre.

Ayant mis Adonis en garde contre toutes les espèces de bêtes sauvages, Vénus s'envola vers Chypre. Mais, sans tenir compte des conseils, Adonis attaqua un sanglier, qui le blessa mortellement. Alertée, Vénus revint vers son amant, qu'elle trouva couvert de sang.


Alors, à l'aide d'un baume magique, elle transforme les gouttes de ce sang en fleurs, les anémones. Puis elle demanda aux dieux infernaux de permettre qu'Adonis vive la moitié de l'année sur Terre, à ses côtés, et l'autre moitié dans les Enfers.


OVIDE, Métamorphoses, X, 554-559

"Cette occupation dont je n'ai pas l'habitude m'a fatiguée. Voici fort à propos un peuplier dont l'ombre nous invite; et l'herbe nous offre comme un lit. Je veux m'allonger sur le sol avec toi." Ce qu'elle fit, pressant de son corps et l'herbe et son amant. Et, se renversant en arrière, la tête posée sur la poitrine du jeune homme, elle lui parle, entrecoupant ses paroles par des baisers.

OVIDE, Métamorphoses, X, 708-789

"Evite, mon bien aimé, toutes les espèces de bêtes sauvages qui, au lieu de tourner le dos pour s'enfuir, présentent leur poitrine pour combattre; crains que ton courage ne nous soit fatal à tous deux." Tels furent les avis de Vénus. Avec son attelage de cygnes, Vénus prend la voie des airs.
Mais le courage résiste à tous les avis. Il arriva que les chiens, ayant suivi exactement la trace d'un sanglier, le firent lever de sa bauge; et il allait sortir de la forêt lorsque le jeune héros, fils de Cinyras, le perça d'un coup oblique. Aussitôt l'animal, avec son boutoir recourbé, fait tomber l'épieu teint de son sang. Adonis tremble et cherche un abri. Mais le sanglier farouche le poursuit, lui plonge dans l'aine ses défenses tout entières et l'étend moribond sur le sable fauve.
Portée à travers les airs sur son char léger, la déesse de Cythère n'était pas encore parvenue à Chypre, où la conduisaient les ailes de ses cygnes, lorsqu'elle reconnut de loin les plaintes du mourant et ramena vers lui les blancs oiseaux. De haut des airs elle l'aperçoit, privé de connaissance, se roulant dans son propre sang. Aussitôt elle saute à terre, elle arrache les voiles de son sein, elle arrache ses cheveux et se meurtrit lapoitrine de ses mains, si peu faites pour ce rôle, accusant les destins. […] Alors elle répand sur le sang du jeune homme un nectar embaumé. À ce contact, il bouillonne comme les bulles transparentes qui, au fond d'un bourbier, montent à la surface de ses eaux jaunâtres. Il ne s'est pas écoulé plus d'une heure que de ce sang naît une fleur de même couleur, semblable à celle du grenadier, qui cache ses graines sous une souple écorce. Mais on ne peut en jouir longtemps, car, mal fixée et trop légère, elle tombe, détachée par celui qui lui donne son nom, le vent.

Au MBAO :
• Ferdinand BOL (1616-1680), Vénus et Adonis (vers 1658)
• Antoine Coypel (1661-1722), La mort d'Adonis, dessin.

 

VÉNUS CONÇOIT ÉNÉE EN S'UNISSANT AVEC ANCHISE


Un jour Aphrodite eut envie s'unir avec un mortel. Passant près de Troie, elle aperçut sur le mont Ida un beau berger. C'était en fait Anchise, le petit-fils d'Ilos, fondateur de Troie. Elle s'approcha de lui et se présenta comme la fille du roi de Phrygie. Aussitôt Anchise la désira.

Aphrodite se laissa prendre la main et conduire dans la chambre d'Anchise. Tenant ses yeux baissés, détournant la tête, elle jouait les jeunes vierges timides. Anchise la mena jusqu'au lit recouvert de peaux d'ours et de lions tués dans les montagnes voisines. Il commença alors à lui retirer doucement bracelets et colliers, agrafes et épingles; puis il détacha sa ceinture et enfin lui retira tous ses vêtements, qu'il déposa soigneusement sur un fauteuil, terminant par ses belles sandales.

Bientôt, sur ce lit royal, Aphrodite obtint ce qu'elle avait voulu. Et Anchise ne se douta pas que c'est une immortelle qu'il avait tenue dans ses bras.

De leur union naquit Énée qui devait être le fondateur mythique de Lavinium à l'origine de Rome, puis de sa monarchie.

La source est un passage de l'Hymne homérique III à Aphrodite, qu'on peut traduire ainsi :

Il lui prit la main, et Aphrodite qui aime les sourires le suivit – détournant la tête et baissant ses beaux yeux – vers le lit bien dressé où se couchait le roi, fait de tapis laineux et recouvert de peaux d'ours et de lions rugissants qu'il avait tués lui-même sur les hautes montagnes. Étant montés tous deux sur le lit bien construit, Anchise enleva d'abord du corps d'Aphrodite sa parure éclatante, les agrafes et les flexibles bracelets, et les épingles, et les colliers. Il détacha la ceinture et ôta les vêtements merveilleux, et il les déposa sur un fauteuil aux clous d'argent. Et c'est ainsi que, par la volonté des dieux et par la destinée, un mortel coucha, sans le savoir, avec une déesse immortelle. (v. 184-195).

L'estampe conservée au MBAO (inv. 2008.0.1062) est une reproduction (inversée) d'une fresque de la galerie Farnèse, par Annibal Carrache (1560-1609). Elle montre comment Enée, le mythique fondateur du peuple romain, est né d'un caprice érotique d'Aphrodite. En effet on lit sur le petit coffre la formule "Unde genus latinum" (Énéide I,6 : c'est de là qu'est née la race latine), formule qui n'a pas été reproduite par le graveur.
Au fond, on voit le mont Ida. Le lit et le fauteuil semblent dignes d'une chambre royale. Anchise est assis sur la peau d'un lion qu'il a tué lui-même dans la montagne. Il en en train de retirer la seconde sandale de Vénus. Et lepetit Cupidon est là pour dire que sa mère va faire l'amour avec le beau Troyen.

 

VÉNUS OBTIENT DE VULCAIN, POUR SON FILS ÉNÉE,
UN BOUCLIER SUR LEQUEL SONT GRAVÉES DES SCÈNES DE L'HISTOIRE FUTURE DE ROME


Vénus est inquiète pour son fils Énée, qui parti de Troie, est arrivé en Italie où il est entré en conflit avec les peuplades locales. Vénus va donc demander à son mari Vulcain de fabriquer des armes pour lui. Pour le convaincre, elle le câline et Vulcain ne résiste pas à de telles caresses. Il donna à Vénus les entreintes qu'elle désirait, puis, reposant sur le sein de son épouse, il se laissa gagner d'un sommeil apaisé. A minuit, il se réveilla, descendit vers les îles Éoliennes et pénétra dans sa forge, dans l'île de Vulcano. Là il demanda aux Cyclopes de laisser tous les travaux en cours. Les Cyclopes vont alors couler le bronze nécessaire à la fabrication d'armes, casque, épée, cuirasse, cnémides. Est aussi fabriqué un immense bouclier sur lequel Vulcain, qui connaît l'avenir, va faire figurer des épisodes de l'histoire future de l'Italie.

*

C'est dans un bois que Vénus apporta à son fils les armes fabriquées par Vulcain. Sur le fameux bouclier, elle lui commenta tous les faits qui, dans l'avenir, marqueront l'histoire de Rome.


VIRGILE, Énéide, VIII, 387-406.

[Vénus à Vulcain] Aujourd'hui, je viens en suppliante et à ta divinité qui m'est sacrée je demande des armes, moi une mère pour son enfant. […] Et comme il hésitait, de ses bras de neige, souplement, la divine l'échauffe d'un doux embrassement; lui, sur-le-champ, reçut la brûlure familière; une chaleur bien connue pénétra ses moelles et courut dans ses os ébranlés. […] Heureuse de sa ruse et sûre de sa beauté, l'épouse s'en aperçut. […] Il lui donna l'étreinte désirée et, reposant sur le sein de son épouse, il se laissa gagner d'un sommeil apaisé.

Virgile, Énéide, VIII, 606-628

C'est dans ce bois que le vénérable Énée et l'élite de ses jeunes guerriers pénètrent et reposent leurs chevaux et leurs corps fatigués. Mais voici que se trouvait là l'éclatante déesse au milieu de nuages éthérés, Vénus, apportant ses dons. Quand elle vit son enfant dans un vallon retiré, seul, non loin du cours aux eaux glacées, elle s'avança vers lui et lui dit ces paroles : "Voici les chefs d'oeuvre que l'art de mon époux avait promis, pour que tu n'hésites pas à défier au combat les orgueilleux Laurentes ou le violent Turnus." Sur ces mots, Cythérée alla embrasser son fils et posa sous un chêne face à lui les armes rayonnantes. Lui, transporté par les dons de la déessse, par un si grand honneur, ne peut se rassasier; il parcourt du regard chaque détail, il s'émerveille, tourne et retourne sur son bras, dans ses mains, le casque au terrifiant panache et qui vomit du feu, l'épée, instrument des destins, la cuirasse roide de bronze, énorme, couleur de sang, comme quand la nuée céruléenne s'embrase aux rayons du soleil et resdplendit au loin, puis les cnémides brillantes d'électrum et d'or cuit et recuit, et la lance et l'assemblage du bouclier qu'on ne saurait décrire. Là le maître du feu, qui n'ignorait pas la science des devins et connaissait les siècles à venir avait fait l'histoire de l'Italie et les triomphes des Romains.

Au MBAO :
• Attribué Auger Lucas, Vénus demandant à Vulcain des armes pour Énée.
Eau-forte d'après Charles-Joseph Natoire (1700-1777), gravée par Jean-Jacques Flipart (1719-1782).

 

VÉNUS EST SURPRISE PAR SON MARI VULCAIN DANS LES BRAS DE MARS, SON AMANT


Un jour, le Soleil (qui voit tout) révéla à Héphaistos que son épouse Aphrodite, profitant de ses absences, recevait dans le lit conjugal son amant Arès pour y faire l'amour. Héphaistos, pour surprendre les coupables, installa tout un réseau de chaînes invisibles autour de son lit. Puis il fit semblant de partir dans l'île de Lemnos, où il avait été élevé. Arès, qui guettait son départ, ne tarda pas à arriver: "Vite au lit, ma chérie", dit-il à la belle. Mais à peine furent-ils couchés qu'ils se trouvèrent emprisonnés par le réseau installé par le mari, lequel, averti par le Soleil, revint en toute hâte, surprenant les deux amants incapables de sortir du lit. Alors il appela tous les dieux et l'on vit arriver Poseidon, Hermès, Apollon et quelques autres qui ne moquèrent bruyamment des deux amants (les déesses, elles, se tinrent à l'écart, par une pudeur bien féminine). Et Apollon fit avouer à Hermès qu'il aurait bien voulu être à la place d'Héphaistos, dans les bras de la belle Aphrodite.

Finalement Poséidon demanda à Héphaistos de libérer le couple : Arès partit vers la Thrace et Aphrodite alla prendre un bain avec ses Grâces dans l'île de Chypre, à Paphos.

Homère, Odyssée, VIII, 266-366

Le Soleil alla raconter au mari qu'ils les avait trouvés en pleine oeuvre d'amour. Héphaistos accueillit sans plaisir la nouvelle; mais, courant à sa forge, il roulait la vengeance au gouffre de son coeur. Quand il eut au billot dressé sa grande enclume, il forgea des réseaux de chaînes infrangibles pour prendre nos amants. Puis, le piège achevé, furieux contre Arès, il revint à la chambre où se trouvait son lit: aux pieds il attacha des chaînes en réseau, au plafond il pendit tout un autre réseau, vraie toile d'araigée, un piège sans pareil, imperceptible à tous, même aux dieux bienheureux. Et quand, autour du lit, il eut tendu la trappe, il feignit un départ vers les murs de Lemnos, la ville de son coeur entre toutes les terres. Arès, qui le guettait, n'avait pas l'oeil fermé: dès qu'il vit en chemin le glorieux artiste, il prit ses rênes d'or et le voilà courant chez le noble Héphaistos, tout de feu pour sa Cythérée au diadème! La fille du Cronide à la force invincible rentrait tout justement du manoir de son père et venait de s'asseoir. Arès entra chez elle et, lui prenant la main, lui dit et déclara: "Vite au lit, ma chérie! quel plaisir de s'aimer !… Héphaistos est en route; il doit être à Lemnos, parmi ses Sintiens au parler de sauvages." Il dit, et le désir du lit prit la déesse.
Mais, à peine montés sur le cadre et couchés, l'ingénieux réseau de l'habile Héphœstos leur retombait dessus : plus moyen de bouger, de lever bras ni jambe; ils voyaient maintenant qu'on ne pouvait plus fuir.
Et voici que rentrait la gloire des boiteux! Avant d'être à Lemnos, il avait tourné bride, sur un mot du Soleil qui lui faisait la guette. Debout au premier seuil, affolé de colère, avec des cris de fauve, il appelait les dieux : "Zeus le père et vous tous, éternels Bienheureux! arrivez! vous verrez de quoi rire! un scandale! […] Venez! vous verrez où nos gens font l'amour : c'est dans mon propre lit! J'enrage de les voir. Oh! je crois qu'ils n'ont plus grande envie d'y rester : quelqu'amour qui les tienne, ils vont bientôt ne plus vouloir dormir à deux. Mais la trappe tiendra le couple sous les chaînes, tant que notre beau-père ne m'aura pas rendu jusqu'au moindre cadeau que je lui consignai pour sa chienne de fille!… La fille était jolie, mais trop dévergondée!" Ainsi parlait l'époux et, vers le seuil de bronze, accouraient tous les dieux, et d'abord Poseidon, le maître de la terre, puis l'obligeant Hermès, puis Apollon, le roi à la longue portée; les déesses, avec la pudeur de leur sexe, demeuraient au logis. Sur le seuil, ils étaient debout, ces Immortels qui nous donnent les biens, et, du groupe de ces Bienheureux, il montait un rire inextinguible: ah! la belle oeuvre d'art de l'habile Héphaistos! […] Alors le fils de Zeus, le seigneur Apollon, prit Hermès à partie: "Hermès, le fils de Zeus, le porteur de messages, le semeur de richesses, je crois que, volontiers, tu te laisserais prendre sous de pesants réseaux, pour dormir en ce lit de l'Aphrodite d'or!" Hermès, le messager rayonnant, de répondre : "Ah! plût au ciel, seigneur à la longue portée! Qu'on me charge, Apollon! et trois fois plus encore, de chaînes infinies et venez tous me voir, vous tous, dieux et déesses; mais que je dorme aux bras de l'Aphrodite d'or!" Il disait et le rire éclata chez les dieux.

OVIDE, Métamorphoses, IV, 171-189 [Il résume le texte de l'Odyssée]

Le premier, dit-on, ce dieu [le Soleil] vit l'adultère de Vénus avec Mars: il est entre les dieux le premier à tout voir. Indigné du méfait, il révéla au fils de Junon, mari de Vénus, le furtif outrage fait à sa couche et l'asile des coupables. La raison du mari et l'ouvrage que sa main façonnait lui échappèrent en même temps. Aussitôt il prépare avec sa lime de minces chaînes de bronze, des filets et des lacets imperceptibles à l'oeil, qui ne le cèdent ni aux fils les plus fins, ni aux toiles que l'araignée suspend aux poutres dans les hauteurs ; il fait en sorte qu'ils obéissent au plus léger contact, au moindre mouvement ; il en entoure le lit et les dispose adroitement. A peine l'épouse et le dieu adultère se sont-ils réunis dans la même couche que, grâce à l'habileté de l'époux, pris tous les deux dans les liens de cette invention nouvelle, ils sont immobilisés au milieu de leurs embrassements. Aussitôt l'artisan de Lemnos ouvre les portes d'ivoire et fait entrer les dieux ; les amants sont restés étendus, enchaînés, tout honteux; parmi les dieux, qui n'étaient point tristes, il y en eut un qui souhaita la même honte au même prix ; les immortels se mirent à rire et pendant longtemps ce fut un sujet d'entretien favori dans tous les espaces célestes.

Au MBAO : La forge de Vulcain, peinture sur bois d'un auteur inconnu, d'après Maarten van Heemskerck

L'artiste a reproduit, pour la forge de Vulcain, un tableau de Maarten van Heemskerck (1478-1574), conservé à la Galerie Nationale de Prague, tel qu'il fut gravé (inversé) par Cornelis Bos. Il a supprimé Vénus et Cupidon qui étaient debout à droite dans l'atelier pour ajouter une scène montrant les dieux de l'Olympe assistant aux ébats amoureux d'Aphrodite et Arès.
Les deux amants, Mars (qui a gardé son casque !) et Vénus, tous deux nus dans un lit, viennent d'être surpris par le mari (Vulcain), lui aussi casqué. Le piège qui les a empêchés de fuir est une sorte de filet accroché à un arbre. Parmi les dieux, Poseidon est au chevet du lit, Hermès (Mercure) tenant son caducée est en train d'avouer à Apollon (en rouge) qu'il aurait bien aimé être à la place de Mars dans les bras de la belle Aphrodite.


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