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EN TAURIDE, ORESTE ET PYLADE SONT ATTAQUÉS PAR LES HABITANTS QUI VEULENT LES SACRIFIER À ARTÉMIS


 

MBAO-dépôt de Chartres

François BOUCHOT (1800-1842), Pylade défendant Oreste, 1822

Oreste, après avoir tué sa mère Clytemnestre, a été frappé de folie et a été poursuivi par les Erynnies. La Pythie de Delphes, consultée, a dit que, pour se libérer de sa folie, il devait aller en Tauride, prendre dans son temple la statue d'Artémis et la rapporter en Attique.
Pour cette expédition, Oreste s'est fait accompagner de son cousin et ami Pylade. Arrivés en Tauride, ils sont attaqués par les habitants qui ont pour habitude de s'emparer de tous les étrangers pour les sacrifier à la déesse. Dans Iphigénie en Tauride d'Euripide, un berger raconte comment il a vu sortir d'une grotte deux hommes, dont l'un frappé de folie :

ἀλλ᾽ ἠλλάσσετο
φθογγάς τε μόσχων καὶ κυνῶν ὑλάγματα,
ἃς φᾶσ᾽ Ἐρινῦς ἱέναι μιμήματα.
Ἡμεῖς δὲ συσταλέντες, ὡς θαμβούμενοι,
σιγῇ καθήμεθ᾽· ὃ δὲ χερὶ σπάσας ξίφος,
μόσχους ὀρούσας ἐς μέσας λέων ὅπως,
παίει σιδήρῳ λαγόνας ἐς πλευράς θ᾽ ἱείς,
δοκῶν Ἐρινῦς θεὰς ἀμύνεσθαι τάδε,
ὡς αἱματηρὸν πέλαγος ἐξανθεῖν ἁλός.
Il poussait tantôt des mugissements comme un taureau, tantôt des aboiements comme les chiens, dont les Furies imitent, dit-on, les cris. Pour nous, frappés d'effroi et comme de stupeur, nous restions en silence. Mais lui, tirant son épée, se précipite au milieu de nos troupeaux comme un lion ; il frappe, il perce leurs entrailles, croyant se défendre ainsi contre les Furies ; une écume sanglante couvre la mer.
Κἀν τῷδε πᾶς τις, ὡς ὁρᾷ βουφόρβια
πίπτοντα καὶ πορθούμεν᾽, ἐξωπλίζετο,
κόχλους τε φυσῶν συλλέγων τ᾽ ἐγχωρίους·
πρὸς εὐτραφεῖς γὰρ καὶ νεανίας ξένους
φαύλους μάχεσθαι βουκόλους ἡγούμεθα.
Πολλοὶ δ᾽ ἐπληρώθημεν ἐν μακρῷ χρόνῳ.
Πίπτει δὲ μανίας πίτυλον ὁ ξένος μεθείς,
στάζων ἀφρῷ γένειον· ὡς δ᾽ ἐσείδομεν
προύργου πεσόντα, πᾶς ἀνὴρ ἔσχεν πόνον
βάλλων ἀράσσων. Ἅτερος δὲ τοῖν ξένοιν
ἀφρόν τ᾽ ἀπέψη σώματός τ᾽ ἐτημέλει
πέπλων τε προυκάλυπτεν εὐπήνους ὑφάς,
καραδοκῶν μὲν τἀπιόντα τραύματα,
φίλον δὲ θεραπείαισιν ἄνδρ᾽ εὐεργετῶν.
Ἔμφρων δ᾽ ἀνᾴξας ὁ ξένος πεσήματος
ἔγνω κλύδωνα πολεμίων προσκείμενον
καὶ τὴν παροῦσαν συμφορὰν αὐτοῖν πέλας,
ᾤμωξέ θ᾽· ἡμεῖς δ᾽ οὐκ ἀνίεμεν πέτροις
βάλλοντες, ἄλλος ἄλλοθεν προσκείμενοι.
Cependant chacun de nous, voyant ses troupeaux tomber égorgés, prend les armes, et sonne de la trompe pour appeler les habitants ; car, contre ces étrangers jeunes et pleins de vigueur, nous pensions que des bergers seraient trop faibles. Une troupe nombreuse se rassemble en un moment : cependant l'étranger tombe, l'accès de sa fureur se calme, l'écume coule de ses lèvres. En le voyant tomber si à propos, chacun de nous se mot à l'œuvre, à frapper, à lancer des pierres ; mais l'autre étranger essuyait l'écume qui sortait de la bouche de son ami ; il veillait sur lui, le  couvrait de ses vêtements, observait et parait les coups, et lui rendait tous les soins d'un ami dévoué. L'étranger, revenu à lui, se relève, et, à l'aspect de cette nuée d'ennemis et de l'orage qui les menace, il gémit ; nous ne cessions de lancer des pierres, en les pressant de toutes parts.
Οὗ δὴ τὸ δεινὸν παρακέλευσμ᾽ ἠκούσαμεν·
Πυλάδη, θανούμεθ᾽, ἀλλ᾽ ὅπως θανούμεθα
κάλλισθ᾽· ἕπου μοι, φάσγανον σπάσας χερί. 
Ὡς δ᾽ εἴδομεν δίπαλτα πολεμίων ξίφη,
φυγῇ λεπαίας ἐξεπίμπλαμεν νάπας.
Ἀλλ᾽, εἰ φύγοι τις, ἅτεροι προσκείμενοι
ἔβαλλον αὐτούς· εἰ δὲ τούσδ᾽ ὠσαίατο,
αὖθις τὸ νῦν ὑπεῖκον ἤρασσεν πέτροις.
Alors nous entendîmes ces paroles terribles : « Pylade, nous mourrons, mais mourons avec gloire ; prends ton épée et suis-moi. » Quand nous vîmes les deux épées nues, toute notre troupe en fuite couvrait les bois d'alentour ; mais tandis que les uns fuyaient, les autres recommençaient l'attaque ; et lorsque ces derniers étaient repoussés, les fuyards revenaient sur leurs pas, et faisaient à leur tour voler les pierres.

Ἀλλ᾽ ἦν ἄπιστον· μυρίων γὰρ ἐκ χερῶν
οὐδεὶς τὰ τῆς θεοῦ θύματ᾽ εὐτύχει βαλών.
Μόλις δέ νιν τόλμῃ μὲν οὐ χειρούμεθα,
κύκλῳ δὲ περιβαλόντες ἐξεκλέψαμεν
πέτροισι χειρῶν φάσγαν᾽, ἐς δὲ γῆν γόνυ
καμάτῳ καθεῖσαν. Πρὸς δ᾽ ἄνακτα τῆσδε γῆς
κομίζομέν νιν.

v. 292-334

Mais chose incroyable ! de tant de bras réunis, nul ne pouvait atteindre les victimes destinées à la déesse. C'est avec peine, et non à force ouverte, que nous sommes venus à bout de les prendre ;  nous les avons enveloppés, et nous leur avons fait tomber les épées des mains à coups de pierres. Épuisés de fatigue, leurs genoux fléchissent jusqu'à terre. Nous les conduisons au roi de ce pays.

 


Les deux cousins seront conduits devant le roi, puis devant la prêtresse d'Artémis. Or cette prêtresse n'était autre qu'Iphigénie, la soeur d'Oreste, celle qu'Agamemnon avait voulu sacrifier. Iphigénie, reconnaissant son frère (qu'elle croyait mort) décidera de l'aider à s'embarquer après s'être emparé de la statue d'Artémis.

Benjamin West (1738-1820), Oreste et Pylade conduits devant Iphigénie, Londres, Tate Britain


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