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ÉNÉE


1- LA FLOTTE D'ÉNÉE PRISE DANS UNE TEMPÊTE, D'APRÈS L'ÉNÉIDE

C'est le début du livre I de l'Énéide qui a inspiré deux dessins de Delaperche. Virgile y raconte la tempête par laquelle Junon a tenté de couler la flotte des Troyens et qui a été apaisée par Naptune.

• AU LARGE DE LA SICILE, ÉOLE DÉCHAÎNE DES VENTS CONTRE LA FLOTTE D'ÉNÉE (p. 271)


Venant de Troie, les navires d'Énée et de ses compagnons viennent de passer le long des côtes de Sicile et, pour gagner l'Italie, mettent le cap sur le grand large (in altum vela dabant). Mais la déesse Junon les aperçoit et veut les détourner. Pour cela, elle va trouver le dieu Éole qui, dans une vaste grotte, tient enfermés tous les vents sous son pouvoir. Pour le convaincre d'intervenir, elle lui offre sa plus belle naïade, Déiopée. Éole, qui ne peut rien refuser à l'épouse de Jupiter, le dieu dont il tient ses pouvoirs, déchaîne une tempête.
Dans le premier dessin de Delaperche, on voit Éole couronné qui obéit aux ordres de Junon (accompagnée de son oiseau favori, un paon). Avec sa lance (cuspis) il a libéré les vents enfermés dans la montagne (en bas à gauche), déchaînant une horrible tempête dans laquelle sont pris les navires des Troyens (à droite).

Virgile – Énéide, I, 81-90

Haec ubi dicta, cavum conversa cuspide montem
impulit in latus ; ac veni velut agmine facto,
qua data porta ruunt, et terras turbine perflant.
Incubuere mari totumque a sedibis imis
una Eurus Notusque ruunt creberque procellis
Africus, et vastos volvunt ad litora fluctus.
Insequitur clamorque virum stridorque rudentum.
Eripiunt subito nubes caelumqie diemque
Teucrorum ex oculis ; ponto nox incubat atra.
Intonuere poli et et crebris micat ignibus aether.
A ces mots, de la pointe de sa lance, Éole frappe sur le flanc de la montagne creuse, et les vents, comme une armée en marche, se ruent par l'orifice ; un cyclone balaie la terre. Ils se sont abattus sur la mer ; de plus profond ils la secouent tout entière, ensemble l'Eurus, le Notus et l'Africus riche en bourrasques, et roulent vers le rivage d'immenses vagues. Aussitôt les hommes crient, les cordages sifflent. Dans l'instant les nuages ravissent et le ciel et le jour aux yeux des Troyens : une nuit noire s'étend sur la mer. Les cieux ont résonné, l'éther brille de mille feux, tout met la mort devant les yeux des hommes.

• NEPTUNE INTERVIENT À TEMPS POUR APAISER LA TEMPÊTE

MBAO-

Dessin de Delaperche (p. 273)

Les navires des Troyens sont durement malmenés ; la flotte est dispersée par toute la mer (disjecta toto aequore). C'est alors que Neptune prend conscience de ce grand grondement qui, sans son assentiment, trouble son royaume. Surgi de l'océan, il menace les Vents, l'Eurus, le Zéphyr, d'un châtiment sans pareil et leur enjoint de déguerpir au plus vite ; dès son intervention, la mer s'apaise.
C'est le second dessin de Delaperche. Neptune (à droite) est monté sur son char à quatre chevaux et tient son trident dans la main gauche, alors que, de la main droite il apaise la mer et ordonne à Triton et à Cymothoé, l'une des cinquante Néréides, de venir en aide aux navires. Éole, penaud, s'est réfugié sur le haut de sa grotte (en haut à gauche).

Virgile – Énéide, I, 142-156

Sic ait, et dicto citius tumida placat
collectasque fugat nubes solemque reducit.
Cymothoe simul et Triton adnixus acuto
detrudunt navis scopulo ; levat ipse tridenti
et vastas aperit Syrtis et temperat aequor
atque rotis summas levibus perlabitur undas. […]
Sic cunctus pelagi cecidit fragor, aequora postquam
prospiciens genitor caeloque invectus aperto
flectit equos curruque volans dat lora secundo.
Il dit. Les eaux gonflées se calment incontinent ; les nuages s'assemblent et s'enfuient, et le soleil revient. Cymothoé et Triton, poussant ensemble les vaisseaux, les éloignent des rocs aigus ; de son trident le dieu lui-même découvre les bancs de sable, apaise et calme la plaine des eaux et de ses roues légères effleure la surface des ondes. […] Ainsi tout le fracas de la mer est tombé dès que le Père, jetant les yeux sur l'onde et s'approchant sous un ciel dégagé, a détourné ses chevaux et a volé en lâchant la bride à son char agile.

2- ÉNÉE AU MOMENT DE LA PRISE DE TROIE PAR LES GRECS, D'APRÈS L'ÉNÉIDE

Dans le livre II de l'Énéide, au cours d'un banquet que Didon offre aux Troyens, Enée fait à la reine le récit de la guerre de Troie. Il raconte que les Grecs, pour entrer par ruse dans Troie, ont construit un cheval de bois "grand comme une montagne" dans lequel des guerriers se sont enfermés avec Ulysse. Les Troyens, inconscients du danger, l'ont fait entrer entre leurs murs et, au petit matin, les Grecs sont sortis du cheval et ont envahi la ville.

ÉNÉE VOIT EN SONGE LE FANTÔME D'HECTOR QUI LUI ANNONCE LA CHUTE DE TROIE (p. 275)

MBAO-

Dessin de Delaperche (p. 275)

Enée, endormi, ses armes à portée de la main, ne s'est aperçu de rien. Mais, en rêve, il voit le fantôme d'Hector dans l'état où était son corps après avoir été traîné derrière le char d'Achille ; il est couvert de blessures, la barbe hérissée, le cheveux collés par le sang (squalentem barbam et concretos sanguine crines). Énée s'étonne et voudrait savoir ; mais Hector le presse de quitter la ville.

Virgile – Énéide, II, 287-297

Ille nihil, nec me quaerentem vana moratur,
sed graviter gemitus imo de pectore ducens,
« Heu fuge, nate dea, teque his, ait, eripe flammis.
Hostis habet muros ; ruit alto a culmine Troia.
Sat patriae Priamoque datum : si Pergama dextra
defendi possent, etiam hac defensa fuissent.
Sacra suosque tibi commendat Troia penates ;
hos cape fatorum comites, his moenia quaere
magna pererrato statues quae denique ponto. »
Sic ait et manibus vittas Vestamque potentem
aeternumque adytis effert penetralibus ignem.
[Le fantôme d'Hector] ne s'attarda pas à mes demandes vaines, mais, tirant gravement des gémissements du fond de sa poitrine, il dit : «Hélas ! fuis, fils d'une déesse, et arrache-toi à ces flammes. L'ennemi tient les murs ; du haut de son faîte se précipite Troie. Assez a été donné à la patrie et à Priam : si Pergame pouvait être défendue par un bras, c'est bien plus par le mien qu'elle l'aurait été. Ses objets sacrés et ses propres Pénates, c'est à toi que les confie Troie ; prends-les pour compagnons de tes destins ; pour eux cherche des murailles qu'enfin tu établiras, grandes, après avoir erré sur la mer.» Ainsi dit-il et, de ses mains, il apporte les bandelettes, la puissante Vesta, et le feu éternel depuis les profondeurs des sanctuaires.

Alors Enée se réveille, monte sur le toit et voit Troie en flammes.


Le même thème traité par Girodet-Trioson : Le fantôme d'Hector réveille Énée
et lui ordonne de s'enfuir avec le 'palladium', la statue divine, protectrice de la ville.

Louvre, cabinet des dessins, fonds des dessins et miniatures RF 34731


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