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OTAGE DU ROI ÉTRUSQUE, CLÉLIE RÉUSSIT À S'ÉCHAPPER ET À FRANCHIR LE TIBRE À CHEVAL


 

Clélie traversant le Tibre, estampe au burin de Giulio Bonasone (1510-1576)
d'après une fresque (détruite) du Caravage (1525)
Clélie laisse derrière elle d'autres otages et des femmes romaines, à droite, essaient de la dissuader.

La sculpture d'un manteau de cheminée en pierre, dans un immeuble du XVIe siècle de la rue des Bouteilles à Orléans, s'inspirait de cette gravure. Il est conservé au Musée historique et archéologique d'Orléans (inv. A 154).


LA LÉGENDE :

Après la proclamation de la République en 509 av. J.-C. et l'expulsion des Tarquins hors de Rome, ceux-ci se réfugient chez le roi étrusque Porsenna et le persuadent de combattre à leurs côtés pour les rétablir. Porsenna met le siège devant Rome. Et les Romains ne purent que céder et, pour conclure la paix, ils livrèrent des otages, dont Clélie. Mais cette Clélie réussit à échapper à la surveillance des soldats : en effet, elle a demandé à se baigner dans le Tibre et une fois sur la berge, elle refusa que les soldats la voient nue. Cette ruse lui permit de traverser le Tibre avec ses compagnes. Elle le traversa à la nage, mais, après Aurelius Victor, les artistes préférèrent une traversée de la rivière à cheval.

Ensuite, devant la protestation de Porsenna, les Romains, pour ne pas rompre la paix, la ramènent sous la conduite du consul Publicola. Mais, sur le chemin du camp étrusque, les Tarquins lui tendent une embuscade qui échoue. Le roi étrusque, pris d'admiration pour l'exploit de Clélie, la congédie et lui permet de prendre avec elle les otages qu'elle veut. Elle choisit les enfants, ainsi que les jeunes filles, afin de leur épargner des atteintes à leur pudeur. Elle sera célébrée pour son courage extraordinaire.


TEXTES
(À la nage ou à cheval ?)

DENYS D'HALICARNASSE, Antiquités romaines, livre V, chapitre 4, 27-32

Ἀπῄεσαν οἱ Τυρρηνοὶ τὰς ἀποκρίσεις ταύτας πρὸς βασιλέα κομίζοντες καὶ σὺν αὐτοῖς οἱ κατασταθέντες ὑπὸ τοῦ δήμου πρέσβεις ἄγοντες ἐκ τῶν πρώτων οἰκιῶν εἴκοσι παῖδας, οὓς ἔδει περὶ τῆς πατρίδος ὁμηρεῦσαι, τῶν ὑπάτων πρώτων τὰ τέκνα ἐπιδόντων, Μάρκου μὲν Ὁρατίου τὸν υἱόν, Ποπλίου δὲ Οὐαλερίου τὴν θυγατέρα γάμων ἔχουσαν ὥραν. Ἀἀφικομένων δὲ τούτων ἐπὶ τὸ στρατόπεδον ἥσθη τε ὁ βασιλεὺς καὶ πολλὰ τοὺς Ῥωμαίους ἐπαινέσας ἀνοχὰς σπένδεται πρὸς αὐτοὺς εἰς ὡρισμένον τινὰ ἡμερῶν ἀριθμὸν καὶ τὴν δίκην αὐτὸς ἀναδέχεται δικάζειν. Les Tyrrhéniens portèrent cette réponse au roi. Ils furent suivis des ambassadeurs du peuple qui menaient avec eux vingt jeunes gens des premières familles de Rome, pour servir d'otages. Les consuls furent les premiers à donner leurs enfants pour gages du traité. Marcus Horatius donna son fils et Publius Valerius sa fille qui était déjà en âge de se marier. Arrivés au camp, ils furent reçus avec de grands témoignages de joie. Porsenna s'étendit fort au long sur les louanges des Romains, conclut avec eux une trêve de quelques jours, et consentit volontiers à être l'arbitre de leurs contestations. […]
Ἔτι δὲ τῆς δικαιολογίας γινομένης ἧκέ τις ἀπαγγέλλων τὴν φυγὴν τῶν ὁμηρευουσῶν παρθένων. Δεηθεῖσαι γὰρ τῶν φυλαττόντων, ἵνα συγχωρήσωσιν αὐταῖς λούσασθαι παραγενομέναις εἰς τὸν ποταμόν, ἐπειδὴ τὸ συγχώρημα ἔλαβον ἀποστῆναι μικρὸν ἀπὸ τοῦ ποταμοῦ τοῖς ἀνδράσιν εἰποῦσαι, τέως ἂν ἀπολούσωνταί τε καὶ τὰς ἐσθῆτας ἀπολάβωσιν, ἵνα μὴ γυμνὰς ὁρῶσιν αὐτάς· ποιησάντων καὶ τοῦτο τῶν ἀνδρῶν, παρακελευσαμένης αὐταῖς τῆς Κλοιλίας καὶ πρώτης καταρχούσης, διανηξάμεναι τὸν ποταμὸν εἰς τὴν πόλιν ἀπῆλθον. Tandis qu'on discutait cette importante affaire, on vint annoncer que les jeunes Romaines qui servaient d'otages s'étaient échappées. Ayant obtenu de leurs gardes la permission d'aller se laver dans le fleuve, elles les avaient priés de se retirer à l'écart par bienséance jusqu'à ce qu'elles se fussent baignées et eussent repris leurs vêtements. ; ceux-ci s'étant donc retirés, Clélie exhortant ses compagnes à prendre la fuite, avait été la première à passer le fleuve à la nage, et toutes les autres à son exemple avaient fait la même chose pour se sauver dans la ville.
Ἔνθα δὴ πολὺς ὁ Ταρκύνιος ἦν ἐπιορκίαν τε καὶ ἀπιστίαν τοῖς Ῥωμαίοις ἐγκαλῶν, καὶ τὸν βασιλέα παροξύνων ὡς ἐξαπατώμενον ὑπ´ ἀνθρώπων δολίων μηθὲν προσέχειν αὐτοῖς. Ἀπολογουμένου δὲ τοῦ ὑπάτου καὶ τὸ ἔργον ἐξ αὐτῶν λέγοντος εἶναι τῶν παρθένων δίχα τῆς ἐπιταγῆς τῶν πατέρων, καὶ τὸ πιστὸν οὐκ εἰς μακρὰν παρέξεσθαι λέγοντος ὑπὲρ τοῦ μηδὲν ἐξ ἐπιβουλῆς ὑφ´ ἑαυτῶν πεπρᾶχθαι, πεισθεὶς ὁ βασιλεὺς συνεχώρησεν αὐτῷ πορευθέντι τὰς παρθένους ἀγαγεῖν, ὡς ὑπισχνεῖτο. Οὐαλέριος μὲν δὴ τὰς παρθένους ἄξων ᾤχετο· Sur la première nouvelle de leur évasion, Tarquin invectiva fortement contre les Romains, et les accusant d'infidélité et de parjure, il tâchait d'irriter le roi afin qu'il n'eût aucune confiance en eux après avoir été trompé une fois. Mais le consul protesta que cette résolution ne venait que des filles; que leurs pères n'y avaient aucune part; et pour se disculper entièrement il s'engagea de prouver bientôt leur bonne foi par les effets. Le roi s'apaisant sur cette promesse, lui permit d'aller rechercher les otages comme il s'y était offert, et dans l'instant Valerius prit le chemin de Rome pour les ramener au camp. […]
Ὁ δὲ τῶν Τυρρηνῶν βασιλεὺς τὰ ὅμηρα τῶν Ῥωμαίων ἐπὶ τὸ βῆμα προαχθῆναι κελεύσας ἀποδίδωσι τῷ ὑπάτῳ εἰπών, ὅτι πάσης ὁμηρείας κρείττονα ἡγεῖται τὴν πίστιν τῆς πόλεως. Μίαν δὲ παρθένον ἐκ τῶν ὁμήρων, ὑφ´ ἧς ἐπείσθησαν αἱ λοιπαὶ διανήξασθαι τὸν ποταμόν, ἐπαινέσας ὡς κρεῖττον ἔχουσαν φρόνημα τῆς τε φύσεως καὶ τῆς ἡλικίας, καὶ τὴν πόλιν μακαρίσας ἐπὶ τῷ μὴ μόνον ἄνδρας ἀγαθοὺς ἐκτρέφειν, ἀλλὰ καὶ παρθένους ἀνδράσιν ὁμοίας, δωρεῖται τὴν κόρην ἵππῳ πολεμιστῇ φαλάροις κεκοσμημένῳ διαπρεπέσι. Le roi des Tyrrhéniens fit venir ensuite les otages devant son tribunal, et les rendit au consul, déclarant publiquement qu'il comptait beaucoup plus sur la seule parole et sur la bonne foi des Romains que sur tous les otages du monde. Il fit l'éloge de la jeune Clélie qui avait par son exemple animé ses compagnes â passer le fleuve à la nage. Il admira son courage qui était au-dessus de son âge et de son sexe, et pour marque de son estime il lui fit présent d'un cheval de bataille superbement enharnaché. Il ne put s'empêcher de féliciter la ville de Rome sur ce qu'elle produisait non seulement de grands hommes recommandables par leurs vertus héroïques, mais encore de jeunes filles qui disputaient aux hommes mêmes le prix de la valeur.

TITE-LIVE, Histoire romaine,

Ergo, ita honorata virtute, feminae quoque ad publica decora excitatae. Et Claelia virgo, una et obsidibus, cum castra Etruscorum forte haud procul ripa Tiberis locata essent, frustrata custodes, dux agminis virginum inter tela hostium Tiberim tranavit, sospitesque omnes Romam ad propinquos restituit. Quod ubi regi nuntiatum est, primo incensus ira, oratores Romam misit ad Claeliam obsidem deposcendam; alias haud magni facere, deinde in admirationem versus, supra Coclites Muciosque dicere id facinus esse, et prae se ferre, quemadmodum, si non dedatur obses, pro rupto foedus se habiturum; sic deditam, intactam involatamque ad suos remissurum. Utrimque constitit fides; et Romani pignus pacis ex foedere restituerunt, et apud regem Etruscum non tuta solum, sed honorata etiam virtus fuit; laudatamque virginem parte obsidum se donare dixit; ipsa quos vellet legeret. Productis omnibus, elegisse impubes dicitur; quod et virginitati decorum, et consensu obsidum ipsorum probabile erat, eam ætatem potissimum liberari ab hoste, quae maxime opportuna injuriæ esset. Pace redintegrata Romani novam in femina virtutem novo genere honoris, statua equestri, donavere; in summa sacra via fuit posita virgo insidens equo. Cet honneur, accordé au courage, excita les femmes à mériter aussi les distinctions publiques. Comme le camp des Étrusques n'était pas très éloigné des bords du Tibre, Clélie, l'une des jeunes Romaines livrées en otage, trompe les sentinelles, et, se mettant à la tête de ses compagnes, traverse le Tibre à la nage au milieu des traits ennemis, et, sans qu'aucune d'elles eût été blessée, elle les ramène à Rome, et les rend à leurs familles. À la nouvelle de cette évasion, le roi, indigné, envoie à Rome pour réclamer Clélie, sans paraître tenir beaucoup aux autres ; mais bientôt, passant de la colère à l'admiration, et mettant ce trait d'audace au-dessus des actions des Coclès et des Mucius, il déclare que si on ne lui rend pas son otage, il regardera le traité comme rompu ; mais que si on la remet en son pouvoir, il la renverra à ses concitoyens sans lui faire essuyer aucun mauvais traitement. On tint parole de part et d'autre : les Romains, conformément au traité, rendirent à Porsenna les gages de la paix ; et de son côté, le roi des Étrusques voulut que non seulement la vertu fût en sûreté auprès de lui, mais qu'elle y fût même honorée. Après avoir donné des éloges à Clélie, il lui fit présent d'une partie des otages, et lui en abandonna le choix. Lorsqu'on les eut tous amenés en sa présence, elle choisit, dit-on, les plus jeunes, croyant, par respect pour la pudeur, (et elle obtint, à cet égard, l'entier consentement des otages eux-mêmes) devoir soustraire avant tout aux ennemis celles que leur âge exposait le plus aux outrages. La paix rétablie, les Romains récompensèrent, par un genre d'honneur extraordinaire, un courage aussi extraordinaire dans une femme ; on lui décerna une statue équestre ; et l'on plaça au haut de la voie sacrée l'image de Clélie à cheval.


VALÈRE-MAXIME, Des faits et des paroles mémorables, III, 2, 2

Cloelia inter ceteras uirgines obses Porsennae data, hostium nocturno tempore custodiam egressa, equum conscendit celerique traiectu fluminis non solum obsidio se, sed etiam metu patriam soluit.

Clélie, entre autres jeunes Romaines, avait été donnée en otage à Porsenna. Pendant la nuit, échappant à la surveillance de ses gardes, elle monta sur un cheval et traversa rapidement le fleuve. Ainsi cette jeune fille à la fois s'affranchit de sa condition d'otage et libéra sa patrie de la crainte.


PLUTARQUE, Vie de Publicola, XXII-XXIII, 19-20.

Πραττομένων δὲ τούτων, τοῦ τε Πορσίννα πᾶσαν ἤδη τὴν πολεμικὴν ἀνεικότος παρασκευὴν διὰ πίστιν, αἱ παρθένοι τῶν Ῥωμαίων κατῆλθον ἐπὶ λουτρόν, ἔνθα δὴ μηνοειδής τις ὄχθη περιβάλλουσα τὸν ποταμὸν ἡσυχίαν μάλιστα καὶ γαλήνην τοῦ κύματος παρεῖχεν. Ὡς δ´ οὔτε τινὰ φυλακὴν ἑώρων οὔτε παριόντας ἄλλως ἢ διαπλέοντας, ὁρμὴν ἔσχον ἀπονήξασθαι πρὸς ῥεῦμα πολὺ καὶ δίνας βαθείας. Ἔνιοι δέ φασι μίαν αὐτῶν ὄνομα Κλοιλίαν ἵππῳ διεξελάσαι τὸν πόρον, ἐγκελευομένην ταῖς ἄλλαις νεούσαις καὶ παραθαρρύνουσαν.
Ἐπεὶ δὲ σωθεῖσαι πρὸς τὸν Ποπλικόλαν ἧκον, οὐκ ἐθαύμασεν οὐδ´ ἠγάπησεν, ἀλλ´ ἠνιάθη, ὅτι Πορσίννα κακίων ἐν πίστει φανεῖται, καὶ τὸ τόλμημα τῶν παρθένων αἰτίαν ἕξει κακούργημα Ῥωμαίων γεγονέναι. Διὸ καὶ συλλαβὼν αὐτὰς πάλιν ἀπέστειλε πρὸς τὸν Πορσίνναν. Ταῦτα δ´ οἱ περὶ τὸν Ταρκύνιον προαισθόμενοι, καὶ καθίσαντες ἐνέδραν τοῖς ἄγουσι τὰς παῖδας, ἐν τῷ περᾶν ἐπέθεντο πλείονες ὄντες. Ἐκείνων δ´ ὅμως ἀμυνομένων, ἡ Ποπλικόλα θυγάτηρ Οὐαλερία διὰ μέσων ὁρμήσασα τῶν μαχομένων ἀπέφυγε, καὶ τρεῖς τινες οἰκέται συνδιεκπεσόντες ἔσῳζον αὐτήν. Τῶν δ´ ἄλλων οὐκ ἀκινδύνως ἀναμεμειγμένων τοῖς μαχομένοις, αἰσθόμενος Ἄρρουν ὁ Πορσίννα υἱὸς ὀξέως προσεβοήθησε, καὶ φυγῆς γενομένης τῶν πολεμίων περιεποίησε τοὺς Ῥωμαίους.
Ὡς δὲ τὰς παρθένους κομισθείσας ὁ Πορσίννας εἶδεν, ἐζήτει τὴν καταρξαμένην τῆς πράξεως καὶ παρακελευσαμένην ταῖς ἄλλαις. Ἀκούσας δὲ τὸ ὄνομα τῆς Κλοιλίας, προσέβλεψεν αὐτὴν ἵλεῳ καὶ φαιδρῷ τῷ προσώπῳ, καὶ κελεύσας ἵππον ἀχθῆναι τῶν βασιλικῶν κεκοσμημένον εὐπρεπῶς ἐδωρήσατο. Τοῦτο ποιοῦνται μαρτύριον οἱ μόνην τὴν Κλοιλίαν λέγοντες ἵππῳ διεξελάσαι τὸν ποταμόν. Οἱ δ´ οὔ φασιν, ἀλλὰ τιμῆσαι τὸ ἀνδρῶδες αὐτῆς τὸν Τυρρηνόν.
L'accord ainsi fait, Porsenna, sur la foi du traité, avait déjà renvoyé la plus grande partie de son armée, lorsque les jeunes Romaines qui étaient dans son camp, ayant eu un jour envie de se baigner, descendirent vers un endroit du Tibre où le rivage forme un coude dans lequel le fleuve s'enfonce et conserve toujours ses eaux tranquilles. Quand ces jeunes filles virent qu'elles étaient sans gardes, et que personne ne passait l'eau d'aucun côté, elles prirent tout à coup la résolution de traverser la rivière à la nage, malgré sa profondeur et sa rapidité. On dit qu'une d'entre elles, la passant à cheval, soutenait et encourageait ses compagnes.
Arrivées heureusement à l'autre bord, elles vont trouver Publicola, qui, au lieu d'admirer et de louer leur action, leur en témoigna son mécontentement. Il craignit qu'on ne le soupçonnât d'être moins fidèle que Porsenna à ses engagements, et que l'audace de ces filles ne fût regardée comme une infraction au traité de la part des Romains. Il les fit donc reprendre, et les renvoya sur-le-champ à Porsenna. Tarquin, averti de leur retour, se met en embuscade, et, avec une troupe supérieure en nombre, attaque au passage de la rivière ceux qui les escortaient. Les Romains se défendirent vigoureusement ; et, pendant l'action, Valéria, fille de Publicola, poussa son cheval au travers des combattants, suivie de trois esclaves, qui la conduisirent au camp de Porsenna. Le reste de la troupe soutenait toujours le combat ; mais ils étaient près de succomber, lorsque Aruns, fils de Porsenna, instruit de leur danger, vole à leur secours, met en fuite les gens de Tarquin, et dégage les Romains.
Porsenna fit venir devant lui ces jeunes filles, et demanda quelle était celle qui avait donné l'exemple à ses compagnes et les avait excitées à la suivre. Quand on lui eut montré Clélie, il la regarda d'un oeil doux et serein ; et, ayant fait amener un des plus beaux chevaux de son écurie, couvert d'un riche harnais, il lui en fit présent. Ce don est une preuve que font valoir ceux qui veulent que Clélie ait passé seule le Tibre à cheval ; d'autres disent que Porsenna voulut seulement par là honorer son courage.

Pseudo AURELIUS VICTOR, Les Hommes illustres de la ville de Rome, 13

Porsenna Cloeliam nobilem uirginem inter obsides accepit, quae deceptis custodibus noctu castris eius egressa equum, quem fors dederat, arripuit et Tiberim traiecit. A Porsenna per legatos repetita reddita est. Cuius ille uirtutem admiratus cum quibus optasset in patriam redire permisit. Illa uirgines puerosque elegit, quorum aetatem iniuriae obnoxiam sciebat. Huic statua equestris in foro posita. Porsenna reçut parmi les otages la noble vierge Clélie qui, ayant trompé les gardes pendant la nuit, sortit du camp, s'empara d'un cheval que le hasard lui avait offert et traversa le Tibre. Réclamée par Porsenna par l'intermédiaire d'ambassadeurs, elle fut rendue. Celui-ci, admirant la vertu de la jeune fille, lui permit de rentrer dans sa patrie avec ceux qu'elle désirait. Elle choisit les vierges et les enfants dont elle savait l'âge exposé à l'injustice. On lui érigea une statue équestre au Forum.

OROSE (+ Ve s.)

Il évoque "l'audace remarquable que Clélie eut de traverser le fleuve".


BOCCACE, De mulieribus claris (XIVe s.).

La nuit, Clélie monte sur un cheval qui paissait près du Tibre et qu'elle n'avait peut-être jamais monté auparavant et fait traverser ses compagnes.


CHRISTINE DE PIZAN, Livre de la Cité des Dames.

Clélie trouve un cheval au bord du Tibre et, elle qui n'avait jamais chevauché, monte dessus, met une de ses compagnes derrière elle et passe le fleuve, puis revient les chercher l'une après l'autre.


MADELEINE DE SCUDÉRY, Clélie, histoire romaine (1654-1660)

Dans ce roman en dix volumes, Madeleine de Scudéry reprend cet épisode. En 509 av. J.-C., le roi Tarquin, chassé de Rome, tente de reconquérir le ouvoir. Il prend en otage des jeunes femmes, dont Clélie. Elles entreprennent de fuir après avoir convaincu un soldat de les aider. Clélie commence sa traversée du Tibre en nageant, puis, au milieu de la rivière, elle réussit à se hisser sur un cheval, qui lui permet d'achever la traversée.

"Non, non, dit-elle, mes compagnes, ne vous mettez point en peine qui sera celle qui n'aura rien à se soutenir sur l'eau, mon courage m'y soutiendra, et les dieux m'assisteront. Ne perdons point de temps, ajouta cette courageuse fille, les moments sont précieux, ce vaillant soldat que vous voyez aidera aux plus faibles, et je suis enfin si persuadée que le ciel nous aidera, que je ne doute point du tout que nous n'arrivions toutes à Rome heureusement. Le dieu du Tibre sauva bien Horace lorsqu'il se jeta dedans tout armé, il nous sauvera peut-être aussi bien que lui."
Après cela Clélie ayant invoqué le dieu du fleuve, sans attendre la réponse de ses compagnes se jeta courageusement dans l'eau, et se tournant vers elles, "Si vous aimez la gloire, vous me suivrez", leur dit-elle. Ensuite de quoi, s'abandonnant au courant du fleuve qui allait vers Rome, elle s'éloigna du bord. Mais à peine fut-elle dans l'eau que toutes ses compagnes firent la même chose ; il est vrai que le soldat qui les servait leur donna aux unes des planches et aux autres des claies et des fascines, qu'il attacha si adroitement qu'elles ne pouvaient se noyer; et puis, se jetant dans l'eau après elles, il aidait tantôt à l'une et tantôt à l'autre ; leurs robes leur servirent aussi beaucoup en cette occasion à les soutenir sur l'eau ; mais ce qu'il y eut de remarquable fut que Clélie, qui de temps en temps tournait la tête pour voir si ses compagnes la suivaient, trouva au milieu du fleuve un cheval qui s'était échappé comme on le menait boire, si bien que cette courageuse fille lui prenant la bride, fit si bien qu'elle monta dessus. Ainsi s'élevant au-dessus de l'eau, et le jour étant augmenté, les soldats qui les avaient escortées furent bien surpris de la voir, et de voir à l'entour d'elle toutes ses compagnes.


Pour comparer :

La fuite de Clélie, de Domencio Beccafumi (1486–1551), huile sur bois, 1530, Florence, Galerie des Offices.
Clélie traverse le Tibre vers Rome avec cinq compagnes et trois chevaux !

 


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