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CIMON NOURRI AU SEIN PAR SA FILLE, UN EXEMPLE DE PIÉTÉ FILIALE – 3 dessins (p. 151, 152, 153)


MBAO-

Dessin de Delaperche

Cette légende d'un père allaité par sa fille a beaucoup inspiré les peintres, sous le titre de "Charité romaine".
Un vieillard est condamné à mourir de faim en prison. Sa fille vient chaque jour lui rendre visite avec son bébé et elle en profite pour nourrir son père de son lait. Constatant que le condamné ne meurt pas, les gardes finiront par s'apercevoir de la ruse de la jeune femme. Mais, devant cet acte de piété filiale, le préteur et les juges décideront de libérer le prisonnier.
Delaperche a représenté le moment où les gardiens (en haut à gauche) découvrent la raison pour laquelle le vieillard n'est pas mort de faim. L'homme enchaîné tète le sein de sa fille, sous le regard de son petit-fils (que Delaperche a fortement vieilli).

– VALÈRE MAXIME donne deux versions de cet exemplum : dans une version racontée en détail, c'est une jeune femme qui allaite sa mère; dans une autre version, racontée plus sommairement, c'est une jeune femme, Péro, qui allaite son père, Cimon.

VALÈRE MAXIME, Dits et faits mémorables (V, 4, 7)

Une femme d'une condition libre, convaincue d'un crime capital au tribunal du préteur, fut renvoyée par celui-ci au triumvir, pour être mise à mort dans la prison. Le geôlier, touché de compassion, n'exécuta pas aussitôt l'ordre qu'il avait reçu ; il permit même à la fille de cette femme l'entrée de la prison, après l'avoir soigneusement fouillée, de peur qu'elle n'apportât quelque nourriture : il se persuadait que l'infortunée ne tarderait pas à expirer de besoin. Voyant que plusieurs jours s'étaient déjà écoulés, il cherchait en lui-même ce qui pouvait soutenir si longtemps cette femme. A force d'observer la fille, il la surprit, le sein découvert, allaitant sa mère, et lui adoucissant ainsi les horreurs de la faim. La nouvelle d'un fait si surprenant, si admirable, parvint du geôlier au triumvir, du triumvir au préteur, du préteur au conseil des juges, qui fit grâce à la mère en considération de la fille. […]
Nous devons les mêmes éloges à Péro. Également pénétrée d'amour pour Cimon son père, qui était fort âgé et qu'un destin semblable avait pareillement jeté dans un cachot, Péro le nourrit en lui présentant son sein comme à un enfant. Les yeux s'arrêtent et demeurent immobiles de ravissement à la vue de cette action représentée dans un tableau ; l'admiration du spectacle dont ils sont frappés, renouvelle, ranime une scène antique : dans ces figures muettes et insensibles, ils croient voir des corps agir et respirer. Les lettres feront nécessairement sur l'esprit la même impression: leur peinture est encore plus efficace pour rappeler à la mémoire, pour retracer comme nouveaux les événements anciens.

Sanguinis ingenui mulierem praetor apud tribunal suum capitali crimine damnatam triumviro in carcerem necandam tradidit. Quo receptam, is qui custodiae praeerat, misericordia motus, non protinus strangulavit, aditum quoque ad eam filiae, sed diligenter excussae, ne quid cibi inferret dedit, existimans futurum ut inedia consumeretur. Quum autem jam dies plures intercederent, secum ipse quaerens, quidnam esset quod tamdiu sustentaretur, curiosius observata filia, animadvertit illam exserto ubere famem matris lectis sui subsidio lenientem. Quae ta admirabilis spectaculi novitas, ab ipso ad triumvirum, a triumviro ad praetorem, a praetore ad consilium judicum perlata, remissionem poenae mulieri impetravit. […] Idem praedicatum de pietate Perus existimetur, quae patrem suum Cimona consimili fortuna affectum parique custodiae traditum, jam ultimae senectutis velut infantem pectori suo admotum aluit. Haerent ac stupent hominum oculi, quum hujus facti pictam imaginem vident, casusque antiqui conditionem praesentis spectaculi admiratione renovant, in illis mutis memborum linaementis viva ac spirantia corpora intueri credentes : quod necesse est animo quoque evenire, aliquanto efficaciore pictura litterarum, vetera pro recentibus admonito recordari.

– PLINE L'ANCIEN a repris la version de la mère allaitée par sa fille.

PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle (VII, 36)

On trouve partout des exemples infinis de tendresse ; mais Rome en offre un auquel nul autre ne peut être comparé : une femme du peuple, dont la condition obscure nous a dérobé le nom, venait d'accoucher quand sa mère fut mise dans une prison pour y subir le supplice de la faim : elle obtint d'aller la voir ; mais, fouillée à chaque fois par le geôlier, de peur quelle n'apportât quelque aliment, on la surprit allaitant sa mère. Saisis d'admiration, les magistrats accordèrent le salut de la mère à la piété de la fille ; ils allouèrent des aliments à l'une et à l'autre leur vie durant ; et le lieu où la scène s'était passée fut consacré à la déesse, sous le consulat de Quinctius M. Acilio, un temple de la Piété fut construit à l'emplacement de cette prison, où est aujourd'hui le théâtre de Marcellus.

Pietatis exempla infinita quidem toto orbe extitere, sed Romae unum, cui comparari cuncta non possint. humilis in plebe et ideo ignobilis puerpera, supplicii causa carcere inclusa matre cum impetrasset aditum, a ianitore semper excussa ante, ne quid inferret cibi, deprehensa est uberibus suis alens eam. quo miraculo matris salus donata pietati est, ambaeque perpetuis alimentis, et locus ille quidem consecratus deae, C. Quinctio M'. Acilio cos. templo Pietatis extructo in illius carceris sede, ubi nunc Marcelli theatrum est.

– SOLIN a repris, lui, la version du père en prison.

CAIUS JULIUS SOLINUS, De Mirabilibus mundi (I)

La maison de Metellus a offert l'exemple le plus connu de piété ; mais le plus remarquable nous est fourni par une femme du peuple, nouvellement accouchée. Née dans un rang vulgaire, inconnue par conséquent, elle obtint avec peine la liberté d'entrer dans la prison où était enfermé son père, condamné à mourir de faim. Surveillée par les geôliers, pour qu'elle ne pût apporter des aliments à son père, elle fut surprise l'allaitant : action qui illustra son auteur et le lieu où elle se passa ; car celui qui était condamné, ayant dû sa grâce à sa fille, vécut en témoignage de ce trait glorieux ; et le lieu, dédié à la Piété, devint un temple de cette divinité.

Pietatis documentum nobilius quidem in Metellorum domo refulsit, sed eminentissimum in plebeia puerpera reperitur. Humilis haec, atque ideo famae obscurioris, quum ad patrem, qui supplicii causa claustris poenalibus continebatur, aegre obtinuisset ingressus, exquisita saepius a janitoribus,ne forte parenti cibum subministraret, alere eum uberibus suis deprehensa est: quae res et locum et factum consecravit: nam qui morti destinabatur, donatis filiae, in memoriam tantipraeconii, reservatus est: locus dicatus suo numini, Pietatis sacellum est.


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