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ARISTIDE


 

L'OSTRACISME D'ARISTIDE LE JUSTE

MBAO-

Dessin de Delaperche (p. 261)

L'Athénien Aristide (-550 / -467), stratège à la bataille de Marathon (-490), puis élu archonte, est chef du parti oligarchique. Il se heurte alors à Thémistocle à la tête, lui, du parti démocratique, un homme retors et peu scupuleux. En -483 le peuple d'Athènes, sous l'influence de Thémistocle, ostracise Aristide, c'est-à-dire qu'il écrit son nom sur un tesson de poterie (primitivement une coquille d'huitre) pour obtenir son bannissement pour dix ans.
Plutarque raconte que, le jour du vote, un paysan qui ne savait pas écrire, ne le reconnaissant pas, lui demanda d'écrire "Aristide" sur son tesson. Aristide lui ayant demandé pour quelle raison il voulait l'ostraciser, le paysan dit qu'il était las de l'entendre appeler "le Juste".
C'est cette scène qu'a représentée Delaperche : devant une statue d'Athéna casquée Aristide s'apprête à écrire son nom sur le tesson que lui a tendu le paysan. Un citoyen, à droite, semble désolé de ce qui va arriver au chef du parti oligarchique.

Un tesson de poterie portant la mention "Aristide fils de Lysimaque"
ayant servi en cette année -483.

Athènes, Musée de l'Agora antique

Toutefois, lors de l'invasion de la Grèce par Xerxès, Aristide sera bientôt rappelé pour seconder Thémistocle à la bataille de Salamine, puis à Platée.

PLUTARQUE, Vie d'Aristide, XI-XII

Ce surnom de juste, qui d'abord avait concilié à Aristide la bienveillance générale, finit par lui attirer l'envie. Thémistocle surtout ne cessait de répandre parmi le peuple qu'Aristide, en terminant seul toutes les affaires, comme juge ou comme arbitre, avait réellement aboli tous les tribunaux, et s'était formé par là, sans qu'on s'en aperçût, une tyrannie qui n'avait pas besoin de satellites pour se soutenir. Le peuple, fier de sa dernière victoire, et qui se croyait digne des plus grands honneurs, souffrait impatiemment ceux des citoyens dont la réputation et la gloire effaçaient celles des autres. Tous les habitants des bourgs s'étant donc assemblés dans la ville, et cachant sous une crainte affectée de la tyrannie l'envie qu'ils portaient à sa gloire, le condamnèrent au ban de l'ostracisme. Ce ban n'était pas une punition infligée à des coupables : pour le voiler sous un nom spécieux, on l'appelait un affaiblissement, une diminution d'une puissance et d'une grandeur qui pouvaient devenir dangereuses. Ce n'était au fond qu'une satisfaction modérée qu'on accordait à l'envie, qui, au lieu d'exercer sur ceux qui lui déplaisaient une vengeance irréparable, exhalait sa malveillance dans un exil de dix ans. […] Je vais donner en peu de mots une idée de la manière dont on y procédait. Chaque citoyen prenait une coquille, sur laquelle il écrivait le nom de celui qu'il voulait bannir, et la portait dans un endroit de la place publique, fermé circulairement par une cloison de bois. Les magistrats comptaient d'abord le nombre des coquilles; car, s'il y en avait moins de six mille, l'ostracisme n'avait pas lieu; ensuite on mettait à part chacun des noms écrits; et celui dont le nom se trouvait sur un plus grand nombre de coquilles était banni pour dix ans, et conservait la jouissance de ses biens. Le jour qu'Aristide fut banni, un paysan grossier, qui ne savait pas écrire, pendant qu'on écrivait les noms sur les coquilles, donna la sienne à Aristide, qu'il prit pour un homme du peuple, et le pria d'écrire le nom d'Aristide; celui-ci, fort surpris, demande à cet homme si Aristide lui a fait quelque tort : « Aucun, répondit le paysan, je ne le connais même pas; mais je suis las de l'entendre partout appeler le Juste. » Aristide écrit son nom sans lui dire un seul mot, et lui rend sa coquille. En sortant de la ville pour aller à son exil, il leva les mains au ciel; et faisant, comme on peut le croire, une prière tout opposée à celle d'Achille, il demanda aux dieux que les Athéniens ne se trouvassent jamais dans une situation assez fâcheuse pour se souvenir d'Aristide.


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