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50 GRAVURES À L'EAU-FORTE DE BARTOLOMEO PINELLI

ILLUSTRANT DES SCÈNES DE L'ÉNÉIDE


BARTOLOMEO PINELLI (Rome 1781 - Rome 1835) était un peintre aquarelliste, dessinateur et graveur.

Il est l'auteur de
Altra raccolta di Costumi di Roma, 50 gravures, 1809
La storia Romana, 101 gravures, 1816
La storia degli Imperatori, cominciando da Ottavio, 101 gravures
Dante, Inferno, Purgatorio e Paradiso, 145 gravures
Il Tasso, La Gerusalemme Liberata, 72 gravures
L'Ariosto, L'Orlando Furioso, 100 gravures
Raccolta di costumi antichi
Istoria Greca, 100 gravures, 1821
Raccolta di Costumi di Roma, 50 gravures, 1809
Costumi svizzeri, 15 gravures, 1813
Costumi della Campagna Romana, 50 gravures, 1823
Meo Patacca, 50 gravures, 1822-1823
Costumi del Regno di Napoli, 50 gravures, 1828

En 1811, il a illustré de 50 gravures l'Énéide de Virgile.



01-À la demande de Junon qui veut qu'une tempête s'abatte sur les navires des Troyens, Éole vient de lâcher les vents qu'il tenait enfermés dans une vaste caverne. [I,81-82]

…Cavum conversa cuspide montem
impulit in latus: ac venti velut agmine facto
qua data porta ruunt et terras turbine perflent.


02-En voyant la flotte d'Énée en difficulté, Neptune est furieux qu'une tempête ait été déchaînée sans son consentement : il intime l'ordre aux vents Eurus et Zéphyr de regagner la caverne d'Éole. [I,131]

"Jam caelum et terram meo sine numine, venti,
miscere et tantes audetis tollere moles?"


03-Vénus, en voyant Énée naufragé en Lybie, a commencé à douter des brillantes destinées promises son fils. Mais Jupiter la rassure en affirmant que la destinée des Troyens reste immuable : ils iront en Italie. [I, 257]

Olli subridens hominum sator atque deorum
vultu quo caelum tempestatesque serenet
oscula libavit natae, dehinc talia fatur:
"Parce metu, Cytherea, manent immota tuorum
fata tibi. […]"


04-Ses sept navires étant en sûreté sur le rivage, Énée et Achate sont partis explorer ces lieux inconnus; ils en profitent pour chasser; ils abattront sept cerfs, autant que d'équipages à nourrir. [I, 180]

Constitit hic arcumque manu celeresque sagittas
corripuit, fidus quae tela gerebat Achates,
ductoresque ipsos primum capita alia ferentes
cornibus arboreis sternit, tum vulgus et omnem
miscet agens telis nemora inter frondea turbam.


05-Vénus avait pris l'apparence d'une chasseresse pour informer son fils Énée qu'il se trouve en Libye et pour lui conseiller d'aller trouver la reine Didon. Cela fait, elle reprend sa figure de déesse. Et Énée lui reproche de l'avoir trompé sous une fausse apparence. [I, 407]

Dixit, et avertens rosea cervice refulsit,
ambrosiaeque comae divinum vertice odorem
spiravere, pedes vestis defluxit ad imos,
et vera incessu patuit dea. Ille ubi matrem
agnovit, tali fugientem est voce secutus :
"Quid natum totiens, crudelis tu quoque, falsis
ludis imaginibus ? Cur dextrae jungere dextram
non datur, ac veras audire et reddere voces ?"


06-Vénus a appris qu'Énée avait envoyé chercher son fils Ascagne afin d'apporter des présents à Didon. Méfiante, elle demande à l'Amour de quitter ses ailes et de prendre l'apparence d'Ascagne; ainsi pourra-t-il s'approcher de la reine et la rendre amoureuse de son frère. [I,664-688]

Ergo his aligerum dictis adfatur Amorem:
"Nate, meae vires, mea magna potentia, solus, […]
ad te confugio et supplex tua numina posco. […]
Tu faciem illius noctem non amplius unam
falle dolo et notos pueri puer indue vultus."


07-Vénus a endormi Ascagne et elle l'emporte, pressé contre son sein, dans un bois sacré de l'île de Chypre. [I, 691-693]

At Venus Ascanio placidam per membra quietem
inrigat, et fotum gremio dea tollit in altos
Idaliae lucos. […]


08-Didon a organisé une magnifique réception pour Énée et ses compatriotes. C'est le faux Ascagne qui lui a offert les présents. Alors la reine s'attache à lui de tous ses regards et elle le presse contre son sein, sans savoir qu'il est en fait le puissant dieu Cupidon. Et peu à peu elle oublie son mari Sychée, sentant naître en elle un nouvel amour. [I, 717-720]

Haec oculis, haec pectore toto
haeret et interdum gremio fovet inscia Dido
insidat quantus miserae deus.


09-À la demande de Didon, Énée a commencé à raconter comment s'est terminé le siège de Troie. Les navires grecs étaient partis et un énorme cheval de bois avait été abandonné sur le rivage. Le prêtre de Neptune, Laocoon, avait supplié les Troyens de ne pas le faire entrer dans leur ville. Mais deux monstreux serpents sortis de la mer étaient venus l'étouffer, lui et ses deux fils. [II, 213-222]

Bis medium amplexi, bis collo squamea circum
terga dati superant capite et cervicibus altis.
Ille simul manibus tendit divellere nodos
perfusus sanie vittas atroque veneno,
clamores simul horrendos ad sidera tollit.


12-Énée était endormi lorsqu'il vit en rêve le fantôme d'Hector. Celui-ci le presse de fuir au plus vite et d'aller chercher ailleurs de nouveaux remparts. [II, 268-295]

Tempus erat quo prima quies mortalibus aegris
incipit et dono divum gratissima serpit.
In somnis ecce ante oculos maestissimus Hector
visus adesse mihi largosque effundere fletus.


10-Le palais de Priam a été envahi. Hécube et ses filles se sont réfugiées près d'un autel, sous un vieux laurier. Pyrrhus, qui vient de tuer un des fils de Priam, a traîné devant l'autel le vieillard tremblant dont les pieds glissent dans le sang de son fils. De la main gauche il le saisit aux cheveux et, dans sa main droite, il tient l'épée qu'il va lui enfoncer dans le côté. Ainsi finit Priam. [II, 550-553]

"Nunc morere." Hoc dicens altaria ad ipsa trementem
traxit et in multo lapsantem sanguine nati,
Implicuitque comam laeva, dextraque coruscum
extulit ac lateri capulo tenus abdidit ensem.


11-Dans Troie en flammes, devant le temple de Vesta, Énée vient d'apercevoir Hélène, la cause de tous les malheurs. Il s'apprête à la supprimer lorsqu'apparaît Vénus dans toute sa beauté lumineuse. Elle retient son bras en lui rappelant que les seuls responsables sont les dieux qui ont voulu la ruine de Troie; Hélène n'ayant été que leur instrument ou le prétexte. [II, 588-603)

Talia jactabam et furiata mente ferebar
cum mihi se, non ante oculis tam clara, videndam
obtulit et pura pernoctem in luce refulsit
alma parens, confessa deam qualisque videri
caelicolis et quanta solet, dextraque prehensum
continuit roseoque haec insuper addidit ore:
"Nate, quis indomitas tantus dolor excitat iras ?…"


13-Énée se heurte au refus de son père Anchise de fuir Troie en flammes. Ni Créuse, tenant le petit Ascagne, ni les supplications de la maison tout entière ne parviennent à le faire changer d'avis. [II,650-653]

Talia perstabat memorans fixusque manebat.
Nos contra effusi lacrimis conjuxque Creusa
Ascaniusque omnisque domus, ne vertere secum
cuncta pater fatoque urgenti incumbere vellet.
Abnegat inceptoque et sedibus haeret in isdem.


14-Sur un signe des dieux, Anchise s'est laissé convaincre. Énée le prend sur ses épaules, assis sur un peau de lion, et s'éloigne de la ville en flammes avec le jeune Ascagne; Créuse les suit à quelque distance. [II, 705-711]

Haec fatus latos umeros subjectaque colla
veste super fulvique insternor pelle leonis,
succedoque oneri; dextrae se parvos Iulus
implicuit sequiturque patrem non passibus aequis;
pone subit conjux.


15-Alors qu'Énée, Anchise et le jeune Ascagne s'éloignaient de la ville, Créuse, qui les suivait, disparut. Alors Énée, malgré le danger, revint sur ses pas jusqu'à sa maison puis jusqu'au palais, appelant en vain son épouse. C'est alors qu'apparaît le fantôme de Créuse: elle lui explique que les destins ne veulent pas qu'elle accompagne son mari dans les multiples aventures qui l'attendent. [II, 772-780]

Quaerenti et tectis urbis sine fine ruenti
infelix simulacrum atque ipsius umbra Creusae
visa mihi ante oculos et nota major imago.
Ostipui, steteruntque comae et vox faucibus haesit.


16-Énée et ses compagnons, à la recherche du pays qui doit les accueillir, ont abordé d'abord en Thrace, puis dans l'île de Délos, puis en Crète, enfin dans les îles Strophades. Là ils doivent affronter les Harpies, des monstres ailés et griffus à visage de femme, qui souillent leurs repas de leurs déjections. Impossible de se débarrasser de ces bêtes invulnérables, en particulier de l'immonde Céléno. [III, 225-244]

Rursum ex diverso caeli caecisque latebris
turba sonans praedam pedibus circumvolat uncis,
polluit ore dapes. Sociis tunc arma capessant
edico, et dira bellum cum gente gerendum. […]
Sed neque vim plumis ullam nec vulnera tergo
accipiunt.


17-Dans son périple, Énée est arrivé à Buthrote. Là, dans un bois sacré, devant un tombeau vide et près de deux autels, il rencontre Andromaque occupée à offrir des libations aux mânes d'Hector. En l'apercevant, porteur des armes troyennes, Andromaque s'évanouit. [III, 302-310]

Ut me conspexit venientem et Troia circum
arma amens vidit, magnis exterrita monstris
deriguit visu in medio, calor ossa reliquit.


18-Énée a terminé le récit de ses aventures devant une Didon amoureuse. Alors Junon, toujours décidée à écarter les Troyens de l'Italie, va faire en sorte de fixer Énée à Carthage en l'unissant à Didon. Pour cela, avec la complicité de Vénus, elle a fait en sorte qu'au cours d'une partie de chasse un orage éclate. Pour se mettre à l'abri, ils se sont réfugiés dans une grotte. [IV, 165]

… Ruunt de montibus amnes.
Speluncam Dido dux et Troianus eamdem
deveniunt. Prima et Tellus et pronuba Juno
dant signum; fulsere ignes et conscius aether
conubiis, summoque ulularunt vertice Nymphae.


19-Trahie par Énée, dont les navires s'éloignent sur la mer, Didon s'est hissée sur un bûcher et, sous les yeux de ses femmes, elle s'est mortellement blessée d'un coup d'épée. Tandis qu'elle agonise, Junon, prise de pitié, envoie Iris pour qu'elle délie son âme de son corps. [IV, 693-695]

Ter sese attollens cubitoque adnixa levavit,
ter revoluta toro est oculisque errantibus alto
quaesivit caelo lucem ingemuitque reperta.
Tum Juno omnipotens longum miserata dolorem
difficilisque obitus Irim demisit Olympo
quae luctantem animam nexosque resolveret artus.



20-Les vents ont poussé les Troyens jusqu'en Sicile, chez le roi Aceste, là où Anchise est mort, un an plus tôt. Des jeux funèbres ont été organisés pour honorer cet anniversaire. Après des régates et une course à pied, le moment est venu des combats de ceste. Entelle, ayant vaincu Darès, a gagné comme prix un taureau. Tout glorieux, et pour montrer sa force, il se plante devant la bête et, le poing droit ramené en arrière, il va lui asséner un coup de ceste entre les cornes, faisant jaillir la cervelle du crâne brisé. [V, 477-480]

Dixit, et adversi contra stetit ora juvenci
qui donum astabat pugnae, durosque reducta
libravit dextra media inter cornua caestus
arduus, effractoque inlisit in ossa cerebro.


21-Sa flotte ayant abordé au rivage de Cumes, Énée s'est rendu à l'antre de la Sibylle, gardienne des bord de l'Averne. Il lui a demandé de le conduire dans l'Enfer, pour qu'il puisse y rencontrer son père Anchise. Tous deux ont pénétré chez Pluton, dans son royaume de simulacres. Dès le vestibule, ils découvrent les Maladies, la Vieillesse, la Peur, la Faim, la Pauvreté, la Mort et la Souffrance. [VI, 268-277]

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
perque domos Diti vacuas et inania regna.[…]
Vestibulum ante ipsum primis in faucibus Orci
Luctus et ultrices posuere cubilia Curae,
pallentesque habitant Morbi tristisque Senectus.


22-Énée et la Sybille sont arrivés au bord de l'Achéron. Là ils découvrent la barque de Charon, un horrible passeur avec une longue barbe blanche inculte et un sordide morceau d'étoffe attaché par un noeud qui pend à son épaule. Il manoeuvre seul la rame et la voile. Alors que les ombres des morts récents supplient qu'on les fasse passer sur l'autre rive, Charon opère un tri impitoyable et repousse ceux qu'il ne veut pas prendre dans sa barque et qui devront attendre cent années en errant sur ces bords. [VI, 298-316]

Portitor has horrendus aquas et flumina servat
terribili squalore Charon, cui plurima mento
canities inculta jacet, stant lumina flamma,
sordidus ex umeris nodo dependet amictus.
Ipse ratem conto subigit velisque ministrat
et ferruginea subvectat corpora cumba. […]
Stabant orantes primi transmittere cursum,
tendebantque manus ripae ulterioris amore.
Navita sed tristis nunc hos nunc accipit illos,
ast alios longe summotos arcet harena.


23-Charon ayant accepté de les faire traverser, Énée et la Sybille, à peine débarqués, doivent affronter Cerbère et ses trois têtes menaçantes. Alors la Sybille lui tend un gâteau au miel somnifère. Le monstre va le dévorer et s'endormir, les laissant passer et s'éloigner des bords du fleuve. [VI, 417-425]

Cerberus haec ingens latratu regna trifauci
personat adverso recubans immanis in antro.
Cui Vates horrere videns jam colla colubres
melle soporatam et medicatis frugibus offam
obicit.


24-Arrivé, toujours en compagnie de la Sybille, dans le bois des myrtes où sont les victimes de l'Amour, Énée reconnaît Didon; mais elle ne répond aux larmes et aux supplications de son ancien amant que par un farouche silence et des regards indignés; ensuite elle courra pour rejoindre son mari Sychée. [VI, 450-476]

Talibus Aeneas ardentem et torva tuentem
lenibat dictis animum lacrimasque ciebat.
Illa solo fixos oculos aversa tenebat
nec magis incepto vultum sermone movetur
quam si dura silex aut stet Marpesia cautes.


25-Dans la vaste enceinte du Tartare où les grands criminels expient leurs crime, Énée et la Sybille ont vu le géant Tityos qui, pour avoir tenté d'abuser de Léto, une amante de Zeus, a été condamné à avoir le foie et les entrailles rongées éternellement par un monstrueux vautour. [VI, 595-599]

Nec non et Tityon, Terrae omniparentis alumnum,
cernere erat, per tota novem cui jugera corpus
porrigitur, rostroque immanis vultur obunco
immortale jecur tondens fecundaque poenis
viscera rimaturque epulis habitatque sub alto
pectore, nec fibris requies datur ulla renatis.


27-Découvert par Énée au milieu des ombres, Déiphobe, fils de Priam, fait le récit de sa mort atroce. Après la mort de Pâris, il avait épousé Hélène; mais celle-ci, la nuit du sac de Troie, l'avait livré aux Grecs. Il dormait sur le lit qui avait été celui de sa nuit de noces lorsqu'Hélène, après avoir pris soin de lui prendre son épée, ouvrit la porte à Ménélas et à Ulysse qui le blessèrent cruellement au visage. [VI, 520-530]

Tum me, confectum curis somnoque gravatum,
infelix habuit thalamus, pressitque jacentem
dulcis et alta quies placidaeque simillima morti.
Egregia interea conjunx arma omnia tectis
amovet, et fidum capiti subduxerat ensem ;
intra tecta uocat Menelaum, et limina pandit,
scilicet id magnum sperans fore munus amanti,
et famam exstingui veterum sic posse malorum.
Quid moror ? Inrumpunt thalamo ; comes additur una
hortator scelerum Aeolides.


26-Un autre supplice consistait à mettre à côté de la victime une table chargée de mets luxueux. Mais, dès qu'il faisait mine de s'approcher de la table, l'aînée des Furies l'en empêchait debout, la torche levée et la voix tonnante. [VI, 603-606]

[…] Lucent genialibus altis
aurea fulcra toris, epulaeque ante ora paratae
regifico luxu ; Furiarum maxima iuxta
accubat, et manibus prohibet contingere mensas,
exsurgitque facem attollens, atque intonat ore.


28-Sorti de l'enfer, Énée avait fini par aborder à l'embouchure du Tibre et s'était retrouvé chez le roi Latinus, dont la fille, Lavinia, était recherchée en mariage par Turnus, avec l'approbation de la reine Amata. Mais Latinus a changé d'avis et a promis sa fille à Énée. Junon, furieuse de ce revirement, a demandé l'aide de la Furie Allecto qui a poussé Amata à ameuter les femmes latines : telles des Bacchantes, elles brandissent des thyrses; Amata, à leur tête, un brandon de pin à la main, bouillante de rage et roulant des yeux sanglants, manifeste pour le mariage de sa fille avec Turnus. [VII, 389-400]

Fama volat, furiisque accensas pectore matres
idem omnes simul ardor agit nova quaerere tecta ;
deseruere domos, ventis dant colla comasque,
ast aliae tremulis ululatibus aethera complent,
pampineasque gerunt incinctae pellibus hastas.
Ipsa inter medias flagrantem fervida pinum
sustinet ac natae Turnique canit hymenaeos,
sanguineam torquens acem.


30-La Furie Allecto a poussé Ascagne à aller à la chasse et elle a fait en sorte qu'il blesse un cerf que Silvia, la fille de l'intendant du roi, avait élevé et apprivoisé. En entendant les cris de la jeune fille, des paysans munis de bâtons accourent. Les Troyens vont devoir se porter au secours d'Ascagne et un combat va s'engager. [VII, 500-504]

Saucius at quadrupes nota intra tecta refugit
successitque gemens stabulis questuque cruentus
atque imploranti similis tectum omne replebat.
Siluia prima soror, palmis percussa lacertos,
auxilium vocat et duros conclamat agrestes.


29-Le meurtre du cerf de Silvia par Ascagne a entraîné une révolte des paysans latins contre la jeunesse troyenne. On se bat avec le fer à deux tranchants; les épées se hérissent au loin; les airains jettent des feux sous les rayons du soleil et les renvoient aux nuages. Au premier rang, le jeune Almon, l'aîné des fils de Tyrrhus, est couché par terre, atteint par une flèche qui s'est plantée dans sa gorge. Autour de lui de nombreux hommes tombent, dont le vieux Galésus,un riche paysan. [VII, 525-535]

…Ferro ancipiti decernunt atraque late
horrescit strictis seges ensibus aeraque fulgent
sole lacessita et lucem sub nubila iactant. […]
Hic juvenis primam ante aciem stridente sagitta,
natorum Tyrrhi fuerat qui maximus, Almo,
sternitur ; haesit enim sub gutture vulnus et udae
vocis iter tenuemque inclusit sanguine vitam.
Corpora multa virum circa seniorque Galaesus.


31-Devant les corps du jeune Almon et du vieux Galésus, Turnus appelle au soulèvement; et Latinus est impuissant à maintenir la paix. Ainsi Junon va triompher, bien qu'elle aille contre la volonté des dieux et contre les destins. [VII, 572-579]

…Ruit omnis in urbem
pastorum ex acie numerus caesosque reportant
Almonem puerum foedatique ora Galaesi
implorantque deos obtestanturque Latinum.


32-Devant la perspective de la guerre qui s'annonce, Énée est inquiet, mais il s'est endormi. Alors, entre les peupliers, le dieu du Tibre, couronné de roseaux, lui apparaît en songe : il va lui conseiller de remonter la rivière et d'aller rencontrer l'Arcadien Évandre, établi à Pallantée sur le site futur de Rome, dont le peuple est en guerre avec les Latins. [VIII, 29-58]

Nox erat, et terras animalia fessa per omnis
alituum pecudumque genus sopor altus habebat,
cum pater in ripa gelidique sub aetheris axe
Aeneas, tristi turbatus pectora bello
procubuit seramque dedit per membra quietem.
Huic deus ipse loci fluvio Tiberinus amoeno
populeas inter senior se attollere frondes
visus ; eum tenuis glauco velabat amictu
carbasus et crinis umbrosa tegebat harundo.


37-Évandre a accueilli les Troyens avec bienveillance. Il leur raconte comment les Arcadiens ont dû longtemps subir la présence d'un monstre à demi homme, Cacus, qui accumulait les cadavres dans sa vaste caverne. Un jour, ce Cacus s'empara de huit taureaux et génisses pris dans le troupeau que gardait Hercule; pour qu'on ne puisse suivre leurs traces, il les traînait par la queue vers sa caverne. [VIII, 205-211]

At furiis Caci mens effera, nequid inausum
aut intractatum scelerisve dolive fuisset,
quattuor a stabulis praestanti corpore tauros
avertit, totidem forma superante juvencas ;
atque hos, nequa forent pedibus vestigia rectis,
cauda in speluncam tractos versisque viarum
indiciis raptos saxo occultabat opaco :
quaerenti nulla ad speluncam signa ferebant.


33-Hercule a découvert l'antre où Cacus s'était enfermé, retranché derrière un énorme rocher. En faisant s'effondrer une partie de la montagne, il a réussi à dégager l'entrée de la caverne où sont les génisses volées. Pour lui échapper Cacus a vomi un nuage de fumée noire; mais Hercule l'étrangle et l'assomme de violents coups de massue. [VIII, 213-267]

Hic Cacum in tenebris incendia vana vomentem
corripit in nodum complexus et angit inhaerens
elisos oculos et siccum sanguine guttur.


34-Puisqu'Énée a été entraîné dans une guerre inévitable, sa mère Vénus veut lui procurer des armes. Pour cela, elle est venue trouver Vulcain. Comme celui-ci hésite à lui donner satisfaction, elle lui jette autour du cou ses bras de neige et l'enveloppe de sa tiède et molle étreinte. Et Vulcain, incapable de résister, promet qu'il va aller fabriquer ces armes. [VIII, 387-404]

Dixerat et niveis hinc atque hinc diva lacertis
cunctantem amplexu molli fovet. Ille repente
accepit solitam flammam notusque medullas
intravit calor et labefacta per ossa cucurrit.


35-C'est dans une des îles Éoliennes que Vulcain a établi sa forge. Il demande à Brontès, Stérepès et Pyracmon de laisser tous leurs travaux en cours pour fabriquer des armes pour un fier guerrier, en particulier un énorme bouclier fait de sept lames superposées. [VIII, 439-444]

"Tollite cuncta, inquit, coeptosque auferte labores,
Aetnaei Cyclopes, et huc advertite mentem :
arma acri facienda viro. Nunc viribus usus,
nunc manibus rapidis, omni nunc arte magistra.
Praecipitate moras."


36-Les Étrusques étant disposés à se joindre à Énée, celui-ci va s'entendre avec leur chef Tarchon. Alors, profitant d'un moment où Énée se trouve seul près de la rive d'un fleuve, Vénus lui apporte les armes forgées par Vulcain et elle l'encourage à défier au combat l'impétueux Turnus. Avant de le quitter, elle l'embrasse et fait déposer les armes, épée et bouclier, sous un chêne. [VIII, 608-616]

At Venus aetherios inter dea candida nimbos
dona ferens aderat ; natumque in valle reducta
ut procul egelido secretum flumine vidit,
talibus adfata est dictis seque obtulit ultro :
"En perfecta mei promissa coniugis arte
munera, ne mox aut Laurentis, nate, superbos
aut acrem dubites in proelia poscere Turnum."
Dixit et amplexus nati Cytherea petivit,
arma sub adversa posuit radiantia quercu.


38-Junon envoie Iris à la rencontre de Turnus qui se reposait sous un bois dans un vallon sacré. Elle le presse de profiter de l'absence d'Énée et d'aller attaquer le camp des Troyens. Puis Iris, sa mission accomplie, remonte vers le ciel, découpant sous les nuages un arc immense. [IX, 1-17]

Irim de caelo misit Saturnia Iuno
audacem ad Turnum. Luco tum forte parentis
Pilumni Turnus sacrata ualle sedebat.
Ad quem sic roseo Thaumantias ore locuta est : […]
"Quid dubitas ? Nunc tempus equos, nunc poscere currus.
Rumpe moras omnes et turbata arripe castra."
Dixit et in caelum paribus se sustulit alis
ingentemque fuga secuit sub nubibus arcum.


39-Turnus avait le projet d'incendier la flotte d'Énée. Mais il ignorait qu'au moment où, à Troie, on commençait à construire ces navires Cybèle avait obtenu de Jupiter (accompagné de son échanson Ganymède) que ces vaisseaux, construits avec les pins sacrés de l'Ida, pourraient, lorsqu'ils seraient menacés, devenir des divinités marines semblables aux Néréides. [IX, 80-106]

Tempore quo primum Phrygia formabat in Ida
Aeneas classem et pelagi petere alta parabat,
ipsa deum fertur genetrix Berecyntia magnum
vocibus his adfata Jovem : "Da, nate, petenti,
quod tua cara parens domito te poscit Olympo.
Pinea silva mihi, multos dilecta per annos,
lucus in arce fuit summa, quo sacra ferebant,
nigranti picea trabibusque obscurus acernis :
has ego Dardanio juveni, cum classis egeret,
laeta dedi ; nunc sollicitam timor anxius angit.
Solve metus atque hoc precibus sine posse parentem :
ne cursu quassatae ullo neu turbine venti
vincantur, prosit nostris in montibus ortas."


40-La flotte a été sauvée (les navires ayant été métamorphosés en nymphes). Mais Turnus a investi la ville des Troyens. Alors, pendant la nuit, Nisus et Euryale sont partis pour prévenir Énée. Traversant, l'épée à la main, le camp où dorment les Rutules, qui ont trop bu, ils font un grand carnage. D'abord Nisus massacre Rhamnès qui ronflait sur un amoncellement de tapis, puis il égorgera, il coupera des têtes; et Euryale fera de même. Ils ne s'arrêteront qu'au lever du jour. [IX, 324-328]

Prior Hyrtacides sic ore locutus :
"Euryale, audendum dextra ; nunc ipsa vocat res.
Hac iter est. Tu, ne qua manus se attollere nobis
a tergo possit, custodi et consule longe ;
haec ego vasta dabo et lato te limite ducam."
Sic memorat vocemque premit ; simul ense superbum
Rhamnetem adgreditur, qui forte tapetibus altis
exstructus toto proflabat pectore somnum.


41-Nisus et Euryale, au sortir du camp, ont été repérés par Volcens, un allié de Turnus. Nisus a réussi à s'échapper dans un bois, mais, de là, il a vu Euryale qui se débattait vainement contre un détachement de Rutules commandé par Volcens. Tout en restant caché, Nisus, avec ses deux javelots, avait réussi à tuer deux hommes, Sulmon et Tagus. Puis, voyant que Volcens s'apprête à tuer Euryale, il sort du bois. Mais ne pourra empêcher Volcens de tuer Euryale. Alors il se précipitera sur Volcens et le tuera, avant d'être tué lui-même sur le corps de son ami Euryale. [IX, 410-445]

Saevit atrox Volcens nec teli conspicit usquam
auctorem nec quo se ardens inmittere possit.
"Tu tamen interea calido mihi sanguine poenas
persolves amborum", inquit. Simul ense recluso
ibat in Euryalum. Tum vero exterritus, amens
conclamat Nisus, nec se celare tenebris
amplius aut tantum potuit perferre dolorem.


42-Les Rutules ont dressé sur des piques les têtes d'Euryale et de Nisus. Quand la mère d'Euryale apprend la mort de son fils, elle abandonne sa laine et ses fuseaux et laisse libre cours à sa douleur. [IX, 473-502]

Interea pavidam volitans pennata per urbem
nuntia Fama ruit matrisque adlabitur auris
Euryali. At subitus miserae calor ossa reliquit,
excussi manibus radii revolutaque pensa.


43-Énée étant revenu avec des renforts, la lutte a redoublé. Pallas, le fils d'Évandre, a été attaqué par Turnus, qui a lancé contre lui un javelot avec une telle force qu'il a traversé le bouclier et s'est enfoncé dans la poitrine. Turnus a arraché le baudrier du jeune homme sans savoir que ce geste, bientôt, lui coûterait la vie. Alors les compagnons de Pallas emportent son corps couché sur son bouclier. [X, 505-506]

…At socii multo gemitu lacrimisque
impositum scuto referunt Pallanta frequentes.
O dolor atque decus magnum rediture parenti !
Haec te prima dies bello dedit, haec eadem aufert,
cum tamen ingentis Rutulorum linquis acervos.


44-En apprenant la mort de Pallas, Énée, furieux, a immolé huit jeunes hommes, fils de Sulmon et d'Ufens; puis il s'est attaqué à Magus. Celui-ci a essayé d'obtenir sa grâce en lui offrant ses richesses; mais Énée saisit de la main gauche le casque de Magus; malgré ses prières, il lui renversera la tête en arrière et lui plongera dans la gorge son épée jusqu'à la garde. [X, 521-536]

Sic fatus galeam laeva tenet atque reflexa
cervice orantis capulo tenus applicat ensem.


45-Le roi Étrusque Mézence est intervenu dans le combat et a été blessé par Énée. Alors son fils Lausus s'est précipité à son secours et Énée lui a enfoncé son épée dans la poitrine. Ensuite, pris de pitié, il gourmande les compagnons du jeune homme qui ne savent que faire et il soulève lui-même le corps dont les cheveux, tressés à la mode étrusque, sont tout souillés de sang. [X, 830-832]

At vero ut vultum vidit morientis et ora,
ora modis Anchisiades pallentia miris,
ingemuit miserans graviter dextramque tetendit,
et mentem patriae subiit pietatis imago.
"Quid tibi nunc, miserande puer, pro laudibus istis,
quid pius Aeneas tanta dabit indole dignum ?
Arma, quibus laetatus, habe tua, teque parentum
manibus et cineri, siqua est ea cura, remitto.
Hoc tamen infelix miseram solabere mortem :
Aeneae magni dextra cadis."
Increpat ultro cunctantes socios et terra sublevat ipsum,
sanguine turpantem comptos de more capillos.


46-La guerre a continué entre Latins et Troyen et Turnus a envoyé la cavalerie au-devant de celle d'Énée. Elle est sous la conduite de Camille, la reine des Volsques, qui, un sein nu, se bat comme une Amazone, et abat maints guerriers Troyens. Le fils d'Aunus l'ayant défiée, elle a accepté de descendre de cheval; le cavalier en a profité pour tenter de fuir, mais Camille a réussi à rejoindre le cheval à la course; elle lui fait front, le saisi par le bride. D'un coup de son épée, elle va tuer le jeune cavalier. [XI, 700-720]

Haec fatur virgo et pernicibus ignea plantis
transit equum cursu frenisque adversa prehensis
congreditur poenasque inimico ex sanguine sumit.


47-Tarchon, le chef des Étrusques et l'allié d'Énée, a pu rétablir la situation en reprochant à ses troupes leur peur devant une femme. Ensuite il s'est élancé sur Vénulus et il a réussi à l'arracher de sa monture. Alors, le tenant dans ses bras puissants, il l'emporte dans la plaine, cherchant le défaut de son armure pour y enfoncer la mort. Vénulus tente d'écarter la main qui l'a saisi à la gorge, mais cet effort sera vain. [XI, 741-750]

Haec effatus equum in medios, moriturus et ipse
concitat et Venulo adversum se turbidus infert
dereptumque ab equo dextra complectitur hostem
et gremium ante suum multa vi concitus aufert.
Tollitur in caelum clamor, cunctique Latini
convertere oculos. Volat igneus aequore Tarchon
arma virumque ferens ; tum summa ipsius ab hasta
defringit ferrum et partis rimatur apertas,
qua vulnus letale ferat ; contra ille repugnans
sustinet a jugulo dextram et vim viribus exit.


48-Arruns, une jeune Étrusque allié des Troyens, a profité d'une imprudence de Camille pour l'atteindre avec son javelot guidé par Apollon, qu'il avait invoqué. Camille est mortellement blessée et ses compagnes éperdues l'entourent et la soutiennent. Elle essaie d'arracher le trait avec sa main, mais la pointe de fer demeure enfoncée entre les côtes; et elle meurt dans les bras de sa compagne Acca. Arruns, bouleversé, s'enfuit et rejoint la foule des combattants. [XI, 783-831]

Concurrunt trepidae comites dominamque ruentem
suscipiunt. Fugit ante omnes exterritus Arruns,
laetitia mixtoque metu, nec jam amplius hastae
credere nec telis occurrere virginis audet. […]
Illa manu moriens telum trahit, ossa sed inter
ferreus ad costas alto stat vulnere mucro :
labitur exsanguis, labuntur frigida leto
lumina, purpureus quondam color ora reliquit.


49-La sentinelle de Diane, Opis, avait reçu de la déesse un arc et un carquois qu'elle devrait utiliser contre celui, Troyen ou Italien, qui tuerait Camille [XI, 590-592]. Dès qu'elle vit que celle-ci avait succombé, Opis descendit de la montagne du haut de laquelle elle regardait les combattants et elle épia Arruns. Lorsqu'elle l'aperçut resplendissant sous ses armes et enflé d'orgueil, elle tira une flèche du carquois de Diane, banda son arc avec colère, le fit ployer jusqu'à ce que les deux extrémités se rejoignent et que ses deux mains touchent l'une la pointe de fer et l'autre la corde ramenée contre son sein. Et la flèche s'enfonça profondément dans le corps d'Arruns qui expira presque aussitôt. Ses compagnons abandonneront son corps dans la poussière de la plaine et Opis remontera vers l'Olympe. [XI, 836-867]

Ut vidit fulgentem armis ac vana tumentem,
"Cur, inquit, diversus abis? Huc dirige gressum,
huc periture veni, capias ut digna Camillae
praemia. Tune etiam telis moriere Dianae ?"
Dixit, et aurata uolucrem Threissa sagittam
deprompsit pharetra cornuque infensa tetendit
et duxit longe, donec curvata coirent
inter se capita et manibus jam tangeret aequis,
laeua aciem ferri, dextra nervoque papillam.
Extemplo teli stridorem aurasque sonantes
audiit una Arruns, haesitque in corpore ferrum.


50-La mort de Camille a entraîné la débâche des Volsques et des Rutules. La nuit venue, les deux armées campaient sous les murs de la ville, lorsqu'une trève a été décidée; mais elle a été rompue et le combat a repris. Énée a été blessé et Turnus a profité de son absence pour attaquer les Troyens. Mais Vénus a guéri la blessure de son fils, qui a pu attaquer la ville des Latins. Devant le déastre inévitable, Turnus a demandé à se battre seul contre Énée et les deux héros ont engagé leur ultime combat. Mais Jupiter est intervenu, invitant Junon à ne plus s'opposer au destin qui a décidé que Troyens et Latins formeraient un seul peuple. N'étant plus soutenu par aucun dieu, Turnus a été blessé à la cuisse et est tombé à terre. Reconnaissant sa défaite, il demande grâce, tendant sa main dans un geste d'imploration. Énée est sur le point de l'épargner lorsqu'il reconnaît sur son adversaire le baudrier de Pallas. Alors, pour venger le fils d'Évandre, il va plonger son épée dans la poitrine de Turnus. Le froid de la mort va glacer les membres du roi des Rutules et son âme indignée va s'enfuir chez les ombres en gémissant. [XII, 926-952]

Ille humilis supplexque oculos, dextramque precantem
protendens, "Equidem merui nec deprecor", inquit. […]
…Stetit acer in armis
Aeneas, volvens oculos, dextramque repressit ;
et jam jamque magis cunctantem flectere sermo
coeperat, infelix umero cum apparuit alto
balteus et notis fulserunt cingula bullis
Pallantis pueri…


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