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LES PEINTURES DE COYPEL DANS LA « GALERIE D'ÉNÉE » DU PALAIS-ROYAL (1703-1717)


Lorsqu'en 1692 Louis XIV attribue le Palais-Royal à son frère, Monsieur, duc d'Orléans, celui-ci s'engage rapidement dans l'embellissement de son nouveau domaine. Entre 1698 et 1700, il fait construire par Mansart (1646-1708), le long de la rue de Richelieu, une « Galerie neuve », longue de 46 mètres et haute de 8 mètres. Puis son fils Philippe d'Orléans entreprend de faire décorer ce vaste vaisseau par son premier peintre, Antoine Coypel (1661–1722). Le thème choisi est l'histoire d'Énée

De 1703 à 1705, l'artiste décore le plafond d'une grande composition  : Vénus en présence de tous les dieux supplie Jupiter de protéger Énée de la colère de Junon. Il la complète par six autres compositions.

Puis Philippe d'Orléans, devenu Régent, fait exécuter par Coypel, de 1715 à 1717, sept toiles pour décorer la paroi de la galerie faisant face aux fenêtres. Mais pour les quatre dernières, Coypel utilise au mauvais liant, ce qui fait que les tableaux se dégraderont rapidement (une est perdue, trois sont au Louvre presque illisibles (dont La mort de Turnus).

Lorsqu'à partir de la fin des années 1770, le duc de Chartres, futur Philippe-Égalité, décide de réaménagements massifs dans le Palais-Royal, il n'a aucun scrupule à détruire la galerie d'Énée (1778). Les fresques du plafond sont perdues. Les sept tableaux muraux sont transférés au château de Saint-Cloud ; puis, en 1794, ils sont transférés dans le futur musée du Louvre. Enée portant son père Anchise, La mort de Didon et Enée et Achate apparaissant à Didon sont au musée Fabre à Montpellier.

On a conservé également des dessins préparatoires (pour la plupart au département des arts graphiques du Louvre), quelques esquisses du plafond conservées au musée des Beaux-Arts d'Angers (en particulier L'Assemblée des dieux du plafond) et au musée Réattu d'Arles.

Heureusement, dès 1706, Coypel avait décidé de faire graver les tableaux de la galerie d'Énée par les meilleurs spécialistes (Tardieu, Picart, Duchange). Douze estampes ont été réalisées du vivant de l'artiste, dont la BnF possède une suite complète. Deux compositions du plafond n'ont pas été gravées : Mercure envoyé par Jupiter pour rappeler sa mission à Énée (IV,223 et 560) et Junon fait appel à la Furie Allecto (VII,324).

2- Neptune calme la tempête

10- Devant tous les dieux,
Jupiter s'engage à laisser les destins s'accomplir.

8- Vulcain présente le bouclier à Vénus

1- Junon chez Eole

9- Les vaisseaux transformés en nymphes

4-Enée et Anchise

3- Enée se montre à Didon

5- Mort de Didon

6- Enée retrouve Anchise aux Enfers

7- Jupiter se manifeste

11- Evandre sur le corps de  son fils Pallas.

12- Mort de Turnus


LIVRE I – JUNON DÉCHAÎNE LES VENTS POUR QUE SOIENT ENGLOUTIS LES NAVIRES DES TROYENS.

Pour empêcher la flotte d'Énée d'aller vers l'Italie, Junon est allée chez Éole, qui tient les vents emprisonnés dans une caverne. Elle lui demande de les déchaîner afin de submerger les navires des Troyens (« Incute vim ventis submersasque obrue puppis » I,69). En récompense de ce service qu'il va lui rendre, elle lui offre Déipopée, la plus belle de ses quatorze nymphes.


Tardieu sculp.


LIVRE I – NEPTUNE APAISE LA TEMPÊTE ET VIENT AU SECOURS DES NAVIRES D'ÉNÉE.

Furieux de voir qu'une tempête a été déchaînée sans son ordre, Neptune arrive sur son char, tance les Vents Eurus et Zéphyr (« Iam caelum terramque meo sine numine, Venti, miscere et tantas audetis tollere moles ! Quos ego… ! sed motos praestat componere fluctus » I, 133-135.). Sans tarder, il calme les flots et charge Triton et la Néréide Cymothoé de secourir les navires des Troyens.


J. M. Nattier del. , B. Picart sculpsit


LIVRE I – DEVANT UN TEMPLE DÉDIÉ À JUNON ÉNÉE ET ACHATE SE MONTRENT À DIDON

Les Troyens ont été jetés sur la côte près de Carthage, où règne Didon. Là Énée et son compagnon Achate ont rencontré Vénus qui leur a dit d'aller jusqu'au palais. Par précaution, elle les enveloppe tous deux d'un voile de nuages pour que personne ne puisse les arrêter. Ils s'approchent ainsi d'un temple que les Carthaginois construisent en l'honneur de Junon. Ils voient alors la reine Didon, entourée d'un cortège de jeunes tyriens, qui vient visiter le temple. Devant les portes du sanctuaire, sous la voûte du temple, entourée d'hommes en armes, elle s'assied sur un trône très élevé, afin de rendre la justice. C'est alors que les Troyens rescapés arrivent et se présentent. Didon les assure de sa protection. A ce moment, le nuage qui cachait Énée et Achate se déchire et se change en un air pur et transparent. Enée, debout, resplendit d'une vive lumière (« cum circumfusa repente / scindit se nubes et in aethera purgat apertum » I,586-587).


Sim. Thomassin Fils sculp.


Musée de Montpellier



LIVRE II – POUR QUITTER TROIE EN FLAMMES, ÉNÉE PREND SON PÈRE ANCHISE SUR SES ÉPAULES.

Enée raconte comment il a quitté Troie en flammes. Il a dit à son vieux père Anchise : « Eh bien, cher père, place-toi sur mon cou : mes épaules te porteront et cette charge ne me sera point lourde. (« Ergo age, care pater, cervici imponere nostrae ; / ipse subibo umeris nec me labor iste gravabit. II, 707-708). Que mon petit Iule m'accompagne et que ma femme (Créuse) nous suive à quelque distance sans nous perdre de vue. Toi, mon père, prends dans tes mains les objets sacrés et les Pénates de la patrie. »

 

Musée Fabre Monpellier

 

Desplace sculp.



LIVRE IV – IRIS VIENT METTRE FIN À L'AGONIE DE DIDON

Abandonnée par Énée, Didon, désespérée, est montée sur un bûcher et s'est infligé une blessure mortelle. Comme Proserpine refuse la victime qui a devancé l'heure du sacrifice, Junon a pitié de Didon et envoie Iris couper sur la tête de la malheureuse les cheveux qui doivent la vouer à Orcus.
Iris, dont les ailes de safran étincellent de rosée et qui traîne par le ciel mille reflets divers sous les rayons adverses du soleil, descend et s'arrête au-dessus de la mourante. 3J'ai reçu l'ordre d'apporter au dieu des Enfers son tribut sacré et je te délie de ton corps », dit-elle. De sa main droite, elle coupe le cheveu. Aussitôt toute la chaleur de Didon se dissipe et sa vie s'exhale dans les airs. (« Omnis et una / dilapsus calor atque in ventos vita recessit », IV,705)

 

Musée Fabre Montpellier

 

G. Duchange sculp.


LIVRE VI – ÉNÉE RETROUVE SON PÈRE ANCHISE AUX ENFERS ET DÉCOUVRE QUEL SERA L'AVENIR DE ROME.

Énée est descendu dans les Enfers accompagné de la Sibylle de Cumes. Il en a parcouru diverses régions : le Champ des pleurs, où il a aperçu Didon, le séjour des guerriers où il a rencontré les héros de la guerre de Troie, le Tartare où les criminels expient leurs crimes. Arrivé dans les Champs-Élysées, il a retrouvé son père Anchise (mort en Sicile à l'âge de 80 ans), occupé à compter le nombre des âmes prêtes à se réincarner en la descendance d'Énée. Il explique à son fils que les âmes des enfers, après une purification de mille ans, reviennent parfois sur terre, mais doivent pour cela franchir le Léthé et en boire les eaux, qui leur feront tout oublier de leur vie antérieure. Ensuite, il présente à Énée ses descendants, dont il voit déjà l'avenir (« Iampridem hanc prolem cupio enumerare meorum » (VI,717) : les rois d'Albe, Romulus et ses successeurs, Brutus l'Ancien, Pompée, Jules César et enfin Auguste. Rassuré sur son avenir, Énée décidera de remonter à la surface : Anchise le fera sortir, lui et la Sibylle, par la porte d'ivoire.


L. Surugue sculp.



LIVRE VII – JUPITER SE MANIFESTE POUR CONFIRMER AUX TROYENS QU'ILS SONT ENFIN ARRIVÉS.

Énée est arrivé au bord du Tibre avec ses compagnons. Alors qu'ils déjeunent de fruits sauvages posés sur des galettes de froment, une remarque de son fils lui permet de comprendre qu'il a enfin atteint le pays où il doit fonder une ville. Alors il se couronne la tête d'un rameau vert et adresse ses prières au Génie du lieu et à tous les dieux. A ce moment, Jupiter tonne trois fois du haut d'un ciel clair et déploir de sa main une nue éthérée ardente de lumière et de rayons d'or. (« Hic pater omnipotens ter caelo clarus ab alto / intonuit radiisque ardentem lucis et auro / ipse manu quatiens ostendit ab aethere nubem. » VII, 141-143). Joyeux de ce présage, les Troyens festoient, ayant dressé des cratères remplis de vin et couronnés de guirlandes.


Desplace sculp.



LIVRE VIII – À LA DEMANDE DE VÉNUS, VULCAIN A FAIT FABRIQUER UN BOUCLIER ET DES ARMES POUR ÉNÉE

Énée doit se préparer à faire la guerre contre Turnus et les Latins. Inquiète pour son fils, Vénus est allée trouver son mari Vulcain pour lui demander de confectionner armes, armure et bouclier. Incapable de résister aux caresses de son épouse, il la conduit dans sa demeure (« Volcani domus » VIII,422) où s'activent les Cyclopes Brontès, Stéropès et Pyracmon. Très vite, dans la chaleur et le fracas de la forge, ils façonnent un énorme bouclier qui, à lui seul, protègerait de tous les traits des Latins (« Ingentem clypeum informant, unum omnia contra / tela Latinorum » VIII, 447-448)


Tardieu sculp.


LIVRE IX – POUR SAUVER LES VAISSEAUX TROYENS, CYBÈLE LES MÉTAMORPHOSE EN NYMPHES.

Turnus se prépare à incendier la flotte troyenne. Mais Cybèle a jadis obtenu de Jupiter la promesse que ces vaisseaux, construits avec les pins sacrés de l'lda, deviendraient des divinités marines. Les vaisseaux rompent leurs câbles, plongent, et reparaissent métamorphosés en nymphes.
Ne vous précipitez pas, Troyens, à la défense de mes navires ; n'armez point vos bras : Turnus incendierait plutôt les mers que ces pins sacrés. Et vous, rompez vos liens et allez, déesses de la mer : votre Mère vous l'ordonne (« Vos ite solutae, / ite deae pelagi ; genitrix jubet. » IX,116-117). Alors toutes les poupes rompent leurs amarres et, comme des dauphins, elles plongent, les éperons en avant, et gagnent les eaux profondes. Puis, miraculeusement, elles reparaissent, jeunes filles portées par les flots, aussi nombreuses que les proues d'airain qui avaient bordé le rivage.

"Ne trepidate meas, Teucri, defendere nauis
neue armate manus : maria ante exurere Turno
quam sacras dabitur pinus. Vos ite solutae,
ite deae pelagi : genetrix iubet." Et sua quaeque
continuo puppes abrumpunt uincula ripis
delphinumque modo demersis aequora rostris
ima petunt. Hinc uirgineae (mirabile monstrum)
quot prius aeratae steterant ad litora prorae
reddunt se totidem facies pontoque feruntur.


D. Beauvais sculp.



LIVRE X – DANS L'ASSEMBLÉE DES DIEUX, VÉNUS INTERVIENT À DEUX REPRISES EN FAVEUR DE SON FILS

Au chant I, Vénus, dans l'Olympe, a plaidé la cause de son fils auprès de Jupiter, alors que les Troyens se retrouvent naufragés sur la côte libyenne. « Quid meus Aeneas in te commiterre tantum ? » Quel crime mon Énée a-t-il commis envers toi ? I, 231). Alors le Père des hommes et des dieux rassura sa fille ; puis il envoya Mercure pour disposer Didon à bien recevoir les Troyens.
Au chant X, alors que Troyens et Latins se battent férocement, Jupiter convoque alors tous les dieux dans la résidence étoilée. Lorsqu'ils se sont installés dans le palais ouvert à deux battants, il leur reproche d'avoir suscité ce conflit. Vénus, belle comme de l'or, lui demande d'épargner au moins le jeune Ascagne et Junon lui répond en accusant Énée. Alors Jupiter prend la parole et jure par le Styx qu'il laissera les destins s'accomplir. Puis il se lève de son trône d'or et les habitanst du ciel l'entourent et lui font cortège jusqu'au seuil. (« Solio tum Iuppiter aureo / surgit, caelicolae medium quem ad limina ducunt » X, 117)


Tardieu sculp.


Etude préparatoire au Musée d'Angers (3,25 m x 0,95 m)


LIVRE XI – ÉVANDRE FAIT ARRÊTER LE BRANCARD SUR LEQUEL EST LE CORPS DE SON FILS  PALLAS.

Pallas, obéissant à son père Évandre, avait combattu courageusement aux côtés des Troyens et avait a été tué au combat par Turnus (X, 489). Ses compagnons avaient emporté son corps sur son bouclier et l'avaient exposé dans la demeure d'Énée sous la garde du vieil Acétès, un ancien écuyer d'Évandre. Autour du mort se pressait toute la troupe de ses serviteurs, et les Troyens, et les femmes d'Ilion, les cheveux dénoués selon l'usage funèbre. A la vue de la tête appuyée et du visage de Pallas blanc comme la neige, devant la blessure ouverte dans sa poitrine d'adolescent par la javeline ausonienne, Énée ne put retenir ses larmes : « C'est n'est pas, au moment du départ, ce que j'avais promis de toi à ton père Évandre ». Puis le mort est conduit sur un brancard vers le palais de son père. Mais celui-ci fait arrêter le brancard, se jette sur le corps de son fils, s'attache à lui, pleure et gémit : « O Pallas, dit-il, ce n'est pas là ce que tu avais promis à ton père, toi qui voulais ne t'exposer qu'avec prudence aux fureurs de Mars ! » (« Non haec, o Palla, dederas promissa parenti / cautius ut saevo velles te credere Marti !» XI, 45)


L. Desplaces sculp.



LIVRE XII – ÉNÉE, RECONNAISSANT LE BAUDRIER DE PALLAS, TUE TURNUS D'UN COUP D'ÉPÉE.

Amer et désespéré, Turnus a demandé à se battre seul contre Enée et les deux héros en sont venus aux mains. Jupiter ayant invité Junon à ne plus lutter contre le destin, Énée blesse Turnus d'un formidable coup de javelot. Turnus, à terre, lève les yeux et, suppliant, tend sa main dans un geste d'imploration. Mais Énée s'aperçoit qu'il porte sur les épaules, comme un trophée, le baudrier et les lanières aux clous étincelants pris à Pallas qu'il avait terrassé. « C'est Pallas qui t'immole et se venge dans ton sang de te scélératesse. » (« Pallas te hoc vulnere Pallas / immolat et poenam scelerato ex sanguine sumit. » XII, 950). En disant ces mots, il lui plonge son épée dans la poitrine avec emportement. Le froid de la mort glace les membres de Turnus et son âme indignée s'enfuit en gémissant chez les ombres « Ast illi solvuntur frigore membra / vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras. » XII, 951-952)


Poilly sculp.


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